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Internement de la communauté japonaise au Canada

L’expulsion et le confinement forcés des Canadiens d’origine japonaise pendant la Deuxième Guerre mondiale figurent parmi les événements les plus tragiques de l’histoire canadienne. Près de 21 000 Canadiens d’origine japonaise sont arrêtés dans leurs demeures sur la côte ouest canadienne, sans procès. Dès le 24 février 1942, environ 12 000 d’entre eux sont envoyés vers des régions éloignées de la Colombie-Britannique et ailleurs. Le gouvernement fédéral les prive de leurs propriétés et en pousse un grand nombre à accepter une déportation massive à la fin de la guerre. Ceux qui restent ne sont autorisés à retourner sur la côte ouest que le 1er avril 1949. En 1988, le gouvernement fédéral présente des excuses officielles pour la façon dont il a traité les Canadiens japonais. Un dédommagement de 21 000 dollars est également versé à chaque survivant, et plus de 12 millions de dollars sont alloués à un fonds communautaire et à des projets de défense des droits de la personne.

Ce texte est l'article intégral sur l'internement de la communauté japonaise au Canada. Si vous souhaitez lire un résumé en langage simple, veuillez consulter : Internement de la communauté japonaise au Canada (résumé en langage simple).

Canadiens d’origine japonaise réinstallée en Colombie-Britannique, 1942

Terminologie

Ces événements sont désignés sous le nom d’internement des Canadiens d’origine japonaise. De nombreux chercheurs universitaires et militants contestent au fil du temps la notion selon laquelle les Canadiens d’origine japonaise ont été internés durant la Deuxième Guerre mondiale. Selon le droit international, le terme «  internement » se rapporte à la détention d’ennemis étrangers. Or, environ 77 % des Canadiens d’origine japonaise internés à cette époque sont sujets britanniques et 60 % sont nés au Canada. (Avant 1947, les personnes nées au Canada et les immigrants naturalisés étaient considérés des sujets britanniques; en d’autres termes, ils étaient citoyens au sein du Commonwealth. La citoyenneté canadienne est conférée à partir de janvier 1947.) On suggère plutôt des termes comme incarcération, expulsion, détention et dispersion.

Contexte: discrimination à l’endroit des Asiatiques au Canada

L’internement se veut une mesure de guerre appliquée en vertu de la Loi sur les mesures de guerre au nom de la sécurité nationale. En réalité, elle est le résultat d’un long historique de racisme et de discrimination à l’endroit des Asiatiques (voir Racisme anti-asiatique au Canada). C’est au début du 20e siècle que des Japonais font leur entrée remarquée (même s’ils sont peu nombreux) au Canada. Les blancs de Colombie-Britannique condamnent leur présence au moyen de démarches de discrimination juridique et de certains actes violents.

En 1902, à la suite d’un conflit juridique, le Conseil privé britannique réaffirme la validité d’une loi provinciale qui interdit le droit de vote aux Asiatiques de Colombie-Britannique, sujets britanniques ou non, uniquement sur la base de leur origine ethnique. (Voir Droit de vote au Canada.) La province tente également de limiter l’immigration en mettant en place certains moyens juridiques, mais ceux-ci sont étouffés par le gouvernement fédéral, qui tient aux relations diplomatiques avec le Japon.

En septembre 1907, le ressentiment à l’endroit des Asiatiques à Vancouver culmine finalement en une violente émeute. Les blancs traversent à pied les quartiers chinois et japonais en fracassant des fenêtres et en s’en prenant aux résidents. Le premier ministre Wilfrid Laurier négocie alors un accord tacite avec les autorités japonaises. L’accord vise à réduire l’immigration provenant du Japon à raison de 400 personnes par an, un nombre qui sera réduit à 150 en 1928.

Quartier japonais de Vancouver, 1907

La Deuxième Guerre mondiale et les « étrangers ennemis »

Après que le Canada ait déclaré la guerre à l’Allemagne, en septembre 1939, les dirigeants politiques à Ottawa instituent le service militaire afin de défendre le territoire. Les dirigeants politiques de la Colombie-Britannique insistent pour que les Nisei (les personnes d’ascendance japonaise nées au Canada) soient exclus de la conscription. Il sait que la complétion de leur service militaire leur fournirait un fort argument en faveur du droit de vote. Le premier ministre William Lyon Mackenzie King, qui considère le Japon comme un ennemi potentiel, est d’accord pour exclure les Canadiens d’origine japonaise du service militaire.

En mars 1941, Ottawa demande à tous les Canadiens japonais, qu’ils soient des sujets britanniques ou non, de s’inscrire auprès du gouvernement. Cette action suit une recommandation du Comité spécial sur les Orientaux, un comité consultatif mandaté par le fédéral. Dans les faits, cette motion impose aux Canadiens-Japonais le statut d’ennemis étrangers.

Le saviez-vous?

Le terme « étranger ennemi » désigne les personnes originaires de pays en guerre avec le Canada, ou ayant des liens avec ces pays. Pendant la Première Guerre mondiale, cela inclut les immigrants des empires allemand, austro-hongrois et ottoman et de la Bulgarie; pendant la Deuxième Guerre mondiale, les personnes d’origine japonaise, allemande et italienne. (Voir aussi Internement au Canada ; Internement des Ukrainiens au Canada).


L’attaque de Pearl Harbor par les Japonais le 7 décembre 1941 déclenche l’entrée des États-Unis dans la Deuxième Guerre mondiale. (Voir aussi Le Canada et la bataille de Hong Kong.) Elle officialise aussi le conflit entre le Canada et le Japon, et met le feu aux poudres des hostilités envers les Canadiens-Japonais. Les agriculteurs, commerçants et politiciens blancs sautent sur l’occasion de se débarrasser de leurs rivaux longtemps détestés. Ils accusent les Canadiens d’origine japonaise d’être des espions et des saboteurs. Ils en appellent en outre à des mesures draconiennes pour protéger le territoire. Le 16 décembre 1941, Bruce Hutchison, journaliste pour le Vancouver Sun, prévient Jack Pickersgill, conseiller dupremier ministre King, de ces appels à l’action populaires arbitraires: « Nos lecteurs nous font subir une pression inouïe pour que nous encouragions un pogrom [le massacre organisé] contre les Japonais ».

On exige alors des pêcheurs canadiens-japonais qu’ils se départissent de leurs bateaux, qui seront plus tard revendus par les autorités. Malgré tout, il n’y a encore aucune arrestation de masse ni d’actions immédiates. La GRC ne trouve aucune preuve de sabotage ou de menace militaire. Les chefs de l’armée et de la marine canadiennes nient avec vigueur percevoir le moindre danger de la part des Canadiens-Japonais. Malgré tout, un regroupement de politiciens et de lobbyistes en Colombie-Britannique entame une campagne visant à déporter ou interner les Canadiens-Japonais vivant dans les régions côtières.

Pressions grandissantes en faveur de la détention et de l’exil

Vers la fin du mois de décembre 1941, le nouveau premier ministre libéral de la Colombie-Britannique, John Hart, et R. L. Maitland, procureur général d’alliance conservatrice, exigent publiquement du gouvernement fédéral que ce dernier « retire de Colombie-Britannique la menace de la cinquième colonne ». Le major général R. O. Alexander, alors à la tête de la direction du Pacifique, rapporte par écrit à ses supérieurs que « le sentiment public se fait de plus en plus insistant, particulièrement à Vancouver, en faveur de l’internement ou de la déportation des Canadiens-Japonais de la région ».

Les pressions anti Canadiens-Japonais sur la côte ouest sont telles que le cabinet fédéral ordonne une enquête. Les 8 et 9 janvier 1942, une conférence sur le problème japonais a lieu à Ottawa. Elle est organisée par le Comité permanent sur les Orientaux (le nouveau nom du Comité spécial) et un groupe composé de membres du cabinet (tant fédéraux que britanno-colombiens), d’officiels de l’armée, de membres de la police provinciale de Colombie-Britannique et de représentants des autorités de la GRC, en plus de délégués du ministère des Affaires extérieures.

Marine royale canadienne confisque le bateau d’un Canadien japonais

La plupart de ceux présents à la conférence sont dubitatifs par rapport aux membres du Comité permanent et leur fort penchant en faveur de l’internement. Hugh Keenleyside, un ancien combattant et diplomate ayant servi pendant plusieurs années à Tokyo, est d’avis que rien ne justifie une telle action de masse. Il suggère en outre qu’une telle politique est susceptible de mettre en danger les prisonniers de guerre canadiens détenus par les Japonais. (Voir Bataille de Hong Kong.) Le major général Maurice Pope, chef adjoint de l’état-major, est profondément dégoûté lorsqu’un politicien de la Colombie-Britannique lui confie en secret que nombre de ses concitoyens voient la guerre avec le Japon comme une excuse en or pour éliminer la compétition économique que représentent les Canadiens-Japonais.

Les participants à la conférence sont donc fortement divisés en ce qui concerne la déportation forcée. La majorité d’entre eux s’opposent à cette idée; certains vont jusqu’à proposer que l’on permette aux Nisei de former un corps armé civil pour prouver leur loyauté.

Maisons de Canadiens japonais à Steveston (Colombie Britannique), 1942.

Expulsion et détention

Les pressions politiques venant de la côte ouest, menées en grande partie par le ministre du cabinet fédéral Ian Mackenzie, poussent le gouvernement à l’action. Le 14 janvier 1942, le premier ministre Mackenzie King ordonne que tous les hommes adultes d’ascendance japonaise soient déportés de la côte ; son gouvernement souhaite les envoyer comme main-d’œuvre dans des camps de construction de routes. Les déportés, toutefois, ne peuvent partir immédiatement en raison de la température hivernale. Cette action officielle, bien qu’elle soit en quelque sorte le résultat d’un compromis, suggère que les Canadiens d’origine japonaise représentent une réelle menace, ce qui ne fait qu’amplifier les craintes des blancs de la côte ouest et les pousse à réclamer la déportation de tous les Canadiens-Japonais.

Mackenzie King craint que des émeutes massives ne provoquent des représailles envers les soldats canadiens faits prisonniers de guerre par les Japonais. Il partage toutefois l’opinion populaire selon laquelle tous les Japonais sont des traîtres. Il note d’ailleurs dans son journal qu’il est entièrement d’accord avec le politicien chinois T.V. Soong lorsque ce dernier affirme qu’il ne ferait jamais confiance aux Japonais, même naturalisés ou nés au Canada, puisqu’ils sont tous, au fond, des saboteurs qui n’attendent que le moment opportun pour honorer leur allégeance au Japon.

Le 19 février 1942, le président des États-Unis Franklin Roosevelt signe l’ordre exécutif 9066. Ce décret permet aux forces armées de déporter toute personne d’ascendance japonaise sur la côte ouest. Les autorités canadiennes se sentent à la fois investies du droit et devoir de prendre de pareilles mesures. Le 24 février 1942, le cabinet approuve le décret P.C.1486. La décision est annoncée officiellement par le premier ministre Mackenzie King le lendemain: toutes les personnes d’ascendance japonaise seraient déportées de la zone s’étendant de la côte Pacifique jusqu’à 100 miles à l’intérieur des terres.

Des Canadiens japonais sont réinstallés en Colombie Britannique en 1942.

Le décret entraîne l’expulsion de près de 21 000 Canadiens-Japonais de leurs demeures. Près de 77 % sont des sujets britanniques, et 60 % d’entre eux sont nés au Canada. Une nouvelle agence gouvernementale, la Commission de la sécurité de la Colombie-Britannique, est créée pour mener à bien les démarches d’expulsion. On ordonne aux hommes canadiens-japonais non handicapés de se présenter aux autorités pour être transportés dans des camps de travail. Les autres hommes, les femmes et les enfants sont envoyés à Vancouver. Ils sont divisés par sexe, et entassés dans des installations qui servaient autrefois de bâtiments pour les femmes et d’étables sur le terrain de la Pacific National Exhibition (Exposition nationale du Pacifique). (Voir Des Canadiens d’origine japonaise retenus dans le parc Hastings.)

L’horreur provoquée par la séparation forcée de toutes ces familles pousse un groupe de Canadiens-Japonais militants à former le Groupe Nisei d’évacuation de masse. Lors d’une série de discours publics et de pétitions, le groupe réclame que les familles soient déportées ensemble dans des centres entretenus et construits par le gouvernement. En somme, ils demandent le même traitement qu’obtiennent les Américains d’origine japonaise. En refusant de se présenter au transport organisé vers les camps de travail (en se cachant à Vancouver), ou encore en se rendant volontairement pour exiger l’internement en tant qu’ennemi étranger, ils obtiennent finalement du gouvernement qu’il cesse de diviser les familles. Ces protestations, toutefois, font en sorte que près de 700 hommes canadiens japonais sont déclarés fauteurs de troubles et envoyés dans un camp de prisonniers de guerre en Ontario.

De jeunes Canadiens japonais réinstallés en Colombie Britannique, 1972.

Confinement de masse

Vers la fin de l’été 1942, tous les Canadiens d’origine japonaise ont été retirés de la côte ouest. Près de 2 150 hommes célibataires sont envoyés dans des camps de travail. Encore 3 500 d’entre eux décident de signer des contrats de travail sur des fermes de betterave hors de la Colombie-Britannique. (Voir Industrie du sucre.) Ils y œuvrent en tant que travailleurs exploités, mais conservent au moins leur « liberté ». Environ 3 000 Canadiens-Japonais plus fortunés sont autorisés à quitter la côte en groupe et à élire domicile dans ce que l’on désigne comme des « installations autosuffisantes », à leurs frais.

Toutefois, la majorité des Canadiens-Japonais, soit environ 12 000 personnes, sont exilés vers la vallée de Slocan, dans la région de Kootenay, à l’est de la Colombie-Britannique. Ils y sont confinés dans ce que l’on appelle, par euphémisme, des « centres résidentiels intérieurs ». Ces centres se trouvent principalement dans des villes minières presque entièrement désertées (comme New Denver, Kaslo, Greenwood et Sandon) ou alors à Tashme, un camp bâti sur ordre du gouvernement près du village de Hope, dans le canyon du fleuve Fraser.

Dans la vallée de Slocan, ils vivent dans des maisons abandonnées retapées à la hâte par le gouvernement, ou encore dans des taudis bâtis à cet effet. Les installations résidentielles sont aménagées rapidement et ne protègent pas contre la température qui se refroidit. Exception faite de ces abris, les internés ne reçoivent aucune aide financière de la part du gouvernement. Aux États-Unis, les internés des camps reçoivent de la nourriture et des vêtements de base ainsi que de l’enseignement. Les autorités canadiennes, elles, ne fournissent ni nourriture ni vêtements, et aucune éducation au-delà du niveau primaire. (Voir aussi Hide Hyodo Shimizu.) Après un certain temps, des groupes chrétiens fondent des écoles secondaires dans les camps. Le gouvernement engage un certain nombre de Nisei pour la coupe du bois, mais la majorité d’entre eux doivent se débrouiller pour trouver du travail ou dépendre de leurs économies pour subsister.

Camp d‘internement pour les Canadiens japonais en Colombie Britannique, 1945.

Dépossession et détention

Le gouvernement fédéral confisque les propriétés agricoles et les biens personnels des Canadiens japonais. Ces gestes servent à financer leur internement et les décourager de revenir sur la côte ouest. Après avoir modifié les droits du Bureau de séquestre des biens ennemis, le gouvernement fait passer un décret le 23 janvier 1943 autorisant la vente forcée de toute propriété appartenant à un Canadien-Japonais.

En mars de la même année, G. W. McPherson, représentant du Bureau de séquestre des biens ennemis de Vancouver, annonce publiquement qu’il a l’intention de se débarrasser de toutes les propriétés canadiennes-japonaises de la ville, qu’il s’agisse de terres ou de biens personnels. La nouvelle déclenche une vague de protestations, chez les Canadiens-Japonais comme chez d’autres citoyens. Malgré tout, en date du 23 juin 1943, 769 propriétés canadiennes-japonaises ainsi que leur revenu locatif, d’une valeur totale de 850 000$, sont saisies par l’administration foncière des anciens combattants. (Voir Loi sur les terres destinées aux Anciens combattants.)

Des transactions de moindre envergure continuent d’avoir lieu au cours des quatre années suivantes ; le Bureau de séquestre vend les biens personnels des internés à des prix dérisoires. Le gouvernement verse l’argent dans des comptes destinés aux résidents des camps sans leur payer le moindre intérêt et limite leurs retraits d’argent à 100$ par mois. Les Canadiens-Japonais sont forcés d’utiliser ces fonds pour débourser les frais de leur propre internement.

Camp d’internement des Canadiens japonais

Dispersion et déportation

Après 1942, le gouvernement canadien pousse les Canadiens d’origine japonaise à déménager à l’est des Rocheuses, à leurs frais. Les agences gouvernementales maintiennent toutefois leur emprise sur la vie et les affaires des Canadiens-Japonais, même après que ceux-ci ont quitté la zone restreinte.

En 1945, alors même que les Américains d’origine japonaise quittent les camps du gouvernement et retournent en grand nombre s’installer sur leur côte ouest, le premier ministre Mackenzie King fait passer un nouveau décret. Il présente deux options aux Canadiens-Japonais  : se réinstaller hors de la Colombie-Britannique en profitant d’une aide modeste du gouvernement, ou se soumettre à un « rapatriement volontaire » vers le Japon lorsque la guerre prendra fin. Dans ce dernier cas, ils peuvent, en attendant, demeurer là où ils sont et recevoir de l’aide financière. Bien qu’officiellement « neutre », cette politique fédérale est conçue pour pousser les Canadiens-Japonais à renoncer à leur statut de sujets britanniques et à quitter le pays.

David Suzuki et deux de ses soeurs dans un camp d'internement

La plupart des Canadiens d’origine japonaise acceptent de se relocaliser à l’est des Rocheuses, où ils sont pourtant encore aux prises avec des restrictions légales. Toutefois, lorsque la guerre prend fin en août 1945, Ottawa ordonne la déportation des 10 000 personnes qui, en refusant de déménager, sont considérées comme ayant accepté leur « rapatriement volontaire ». Les Canadiens-Japonais et leurs alliés, parmi lesquels le groupe de coordination torontois Comité coopératif sur les Canadiens-Japonais (CCJC), se mobilisent pour stopper cette déportation. L’affaire se rend jusqu’à la Cour suprême du Canada, puis au comité judiciaire du Conseil privé, alors la plus haute cour d’appel de la magistrature canadienne. Le comité soutient la constitutionnalité de la déportation involontaire.

Mackenzie King cède éventuellement à l’opposition du public et finit par supprimer cette politique. Malgré tout, près de 4 000 personnes sont quand même renvoyées au Japon ; plusieurs d’entre eux doivent attendre des années avant de pouvoir revenir. Entre-temps, le gouvernement maintient les mesures prises en temps de guerre à l’endroit des Canadiens-Japonais, qui ne sont autorisés à revenir sur la côte ouest que le 1er avril 1949.

Mouvement pour un dédommagement

Pendant les années de l’après-guerre, nombre de Canadiens d’origine japonaise et leurs alliés entament une lutte visant à obtenir une forme de dédommagement pour le traitement subi pendant la guerre. Pendant l’année 1946, le Comité canadien-japonais pour la démocratie effectue un sondage parmi les Canadiens-Japonais installés à Toronto. Le sondage révèle que des propriétés estimées à 1 400 395,66$ avaient été vendues pour 351 334,86$.

Cédant aux pressions du public, le gouvernement annonce le décret P.C.1810 le 18 juillet 1947. Celui-ci établit une commission d’enquête menée par Henry Bird, de la Cour suprême de Colombie-Britannique, sur les fraudes et la mauvaise gestion dont s’est rendu coupable le Bureau de séquestre des biens ennemis. Au printemps de l’année 1950, la commission Bird publie un rapport qui indique clairement que les montants versés aux Canadiens-Japonais pour la vente de leurs propriétés étaient bien en deçà de leur véritable valeur sur le marché. Le rapport recommande de verser la somme de 1 222 929,26$ pour couvrir les pertes rapportées par près de 2 400 plaintes. En fin de compte, toutefois, les Canadiens Japonais ne seront généralement compensés qu’en très petite partie pour leurs pertes.

Le traitement des Canadiens d’origine japonaise en temps de guerre demeure un sujet tabou pendant les années qui suivent. Lors d’une entrevue télévisée datant de 1961, l’ancien premier ministre Louis St-Laurent défend la décision d’une déportation basée sur l’ethnicité, citant le célèbre proverbe « Blood is thicker than water » (Le sang est plus lourd que l’eau). En 1964, toutefois, le premier ministre Lester B. Pearson fait référence au confinement comme à une « tache noire » dans l’histoire de la nation.

Au cours des années 1970, les Canadiens-Japonais, à l’instar des Américains d’origine japonaise, se mettent à organiser des campagnes de commémoration et de sensibilisation. L’Association nationale des Canadiens-Japonais (NAJC), ainsi que d’autres groupes, lance une campagne visant à obtenir réparation. Toutefois, ce mouvement autoproclamé de « redressement des torts » se heurte à une résistance officielle. Les anciens combattants canadiens ayant été confinés dans des camps de prisonniers de guerre au Japon pendant la guerre s’opposent au dédommagement des Canadiens-Japonais. Même Pierre Elliot Trudeau, qui avait pourtant exprimé des regrets publics à l’endroit des traitements subis en temps de guerre, demeure fermé à l’idée de la réparation.

Canadiens d'origine japonaise

Le gouvernement conservateur de Brian Mulroney, lui, se montre ouvert aux exigences des Canadiens-Japonais et entame les négociations vers le milieu des années 1980. Toutefois, il hésite à fixer un montant précis. Les militants se demandent s’ils doivent lutter pour des paiements individuels ou pour un dédommagement collectif. Au milieu de l’année 1988, Mulroney confie à Lucien Bouchard, alors secrétaire d’État, la responsabilité de trouver un accord.

En septembre 1988, environ six semaines après qu’une loi similaire est créée aux États-Unis, le gouvernement et les Canadiens-Japonais concluent un accord. En plus d’excuses publiques, l’entente prévoit un dédommagement de 21 000$ par survivant ayant été touché par les mesures de guerre, un fonds communautaire de 12 millions de dollars et du financement destiné à la Fondation canadienne des relations raciales pour financer des projets en lien avec les droits de la personne.

Voir aussi Internement au Canada ; Interné au Canada: une entrevue avec Pat Adachi ; Hide Hyodo Shimizu ; Obasan (roman) ; Joy Kogawa ; David Suzuki ; Masumi Mitsui ; Asahi de Vancouver ; Ségrégation raciale des Canadiens d’origine asiatique.