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Jean Paul Riopelle

Jean Paul Riopelle, Compagnon de l’Ordre du Canada, peintre (né à Montréal, Québec, le 7 octobre 1923; mort à L’Isle-aux-Grues, Québec, le 12 mars 2002).
Jean Paul Riopelle
Crédit: Biblioth\u00e8que et Archives Canada/e010984334.

Jean Paul Riopelle

Jean Paul Riopelle, Compagnon de l’Ordre du Canada, peintre (né à Montréal, Québec, le 7 octobre 1923; mort à L’Isle-aux-Grues, Québec, le 12 mars 2002). Jean-Paul Riopelle est l’un des premiers artistes canadiens à bénéficier d’une grande notoriété internationale et figure, avec Paul‑Émile Borduas, parmi les premiers signataires du REFUS GLOBAL. Compagnon de l’Ordre du Canada et Grand officier de l’Ordre national du Québec, Jean-Paul Riopelle représente le Canada, en 1962, lors de la Biennale de Venise, et fait l’objet d’une grande rétrospective au Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou à Paris, en 1981 (l’exposition se rend ensuite au Musée national des beaux-arts du Québec, puis au Musée d’art contemporain de Montréal). Son œuvre fait partie des collections du Musée des beaux-arts du Canada, du Metropolitan Museum of Art de New York et du Hirschhorn Museum and Sculpture Garden de Washington D.C.

Jeunesse et formation

Fils d’un maçon qui aime se faire qualifier de « bourgeois », Riopelle commence à suivre, vers l’âge de 13 ans, des cours de dessin avec Henri Bisson. Ce dernier est son professeur de français et de mathématiques à l’école Saint-Louis-de-Gonzague, à Montréal, et enseigne la peinture durant les fins de semaine. Sa devise est « reproduire la nature ». La peinture de Riopelle intitulée Nature bien morte (1942) est la copie d’une des toiles de Henri Bisson; Hibou premier (1939) s’inspire quant à elle d’un animal empaillé, trophée de chasse de Henri Bisson.

Les parents de Jean-Paul Riopelle rêvent cependant d’une autre carrière pour leur fils, et non de celle de peintre. Ceux-ci souhaitent qu’il suive les traces de son père, voire qu’il aille au-delà en devenant un architecte. En 1941 et 1942, il étudie à l’École polytechnique de Montréal, sans succès, et c’est à l’École du meuble qu’il aboutit finalement, en 1942.

Le peintre Paul-Émile Borduas, qui enseigne à l’École du meuble, a pour élève Jean-Paul Riopelle. Dans un premier temps, ce dernier se rebelle contre son professeur, qui n’apprécie pas les peintures « réalistes » qu’exécute son étudiant à la manière que lui a enseignée Henri Bisson. Bien qu’il affirme être le « provocateur » dans les cours de Paul-Émile Borduas, Riopelle s’ouvre progressivement à un style pictural libre et spontané.

Naissance de l'automatisme

Riopelle commence ses expérimentations picturales avec Marcel Barbeau, Jean-Paul Mousseau et Bernard Morisset dans un studio improvisé (une remise que loue Marcel Barbeau à l’arrière d’une maison de la rue Saint-Hubert à Montréal) et produit ce que l’on pourrait décrire comme ses premières peintures automatistes. Seule une petite partie de ces œuvres, exécutées avec de la peinture commerciale domestique sur de la toile de jute, faute de moyens, subsiste aujourd’hui.

En 1947, Jean-Paul Riopelle a produit suffisamment d’œuvres « automatistes » pour que l’on puisse pleinement apprécier son style. L’ensemble de son œuvre peut être séparé en deux catégories : des aquarelles dont un réseau de lignes noires entremêlées au-dessus de multiples amas de couleurs différentes crée l’impression de niveaux successifs de profondeur, et des peintures à l’huile très chargées sur lesquelles un désordre aléatoire maîtrisé fait apparaître un paysage inconscient ou « paysage intérieur », comme les artistes surréalistes français le qualifient.

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Pinceau, plume et encre noire et de couleurs sur papier vélin, de Jean-Paul Riopelle, 1946 (avec la permission du Musée des Beaux-Arts du Canada).\r\n

La peinture qu’il présente en 1950 à l’exposition Véhémences confrontées, organisée par le critique d’art Michel Tapié et le peintre Georges Matthieu à la Galerie Nina Dausset à Paris, s’inspire d’une œuvre de Jackson Pollock que Michel Tapié décrit comme « amorphique », c’est-à-dire sans forme ou purement matérielle. Cette description s’applique pourtant davantage à la peinture de Riopelle qu’à celle de Jackson Pollock. Dans un texte descriptif accompagnant l’exposition, Jean-Paul Riopelle déclare que seul le « hasard total » peut guider ses créations vers de nouvelles découvertes. Par la suite, il exprime le souhait de se séparer du mouvement des automatistes, bien que ses peintures et sa technique demeurent fidèles à l’idée de pleine spontanéité.

Années à Paris

Dans les années 1950, Jean-Paul Riopelle élabore son style créatif tardif et célèbre : de grandes mosaïques de couleurs exécutées à l’aide d’une spatule et en pressant des tubes de peinture directement sur la toile. Une de ces œuvres, Blue Night (1953), est présentée lors de l’exposition Younger European Painters, organisée en 1953 par James Johnson Sweeney au musée Solomon R. Guggenheim de New York. Peu après, Jean-Paul Riopelle s’associe à la Pierre Matisse Gallery (dont le propriétaire est le fils de l’illustre artiste français Henri Matisse), une galerie consacrée aux œuvres d’artistes français avant-gardistes à New York. De grands critiques d’art new-yorkais tels Frank O’Hara, poète et célèbre conservateur du Museum of Modern Art, reconnaissent la stature de Jean-Paul Riopelle et le comparent à Jackson Pollock. À Paris, le peintre demeure proche d’artistes américains expatriés parmi lesquels Sam Francis, qui restera son ami proche durant le reste de sa vie. C’est dans ce contexte qu’il rencontre Joan Mitchell, avec laquelle il entretiendra des rapports houleux pendant 25 ans. Tous deux résistent à la tendance dominante des artistes d’avant-garde français à suivre Picasso et s’intéressent plutôt aux immenses peintures de Monet, qui représentent ses jardins flottants à Giverny, près de Paris.

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Huile sur toile réalisée par Jean Paul Riopelle, 1954 (avec la permission de l'artiste/Vis*Art Copyright Inc/Musée des beaux arts du Canada).

Tout au long des années 1960, Joan Mitchell et Jean-Paul Riopelle occupent des maisons et des ateliers séparés près de Giverny. Les critiques d’art français de l’époque inventent le terme nuagisme (à partir du mot nuage) pour décrire les peintures de Sam Francis, de Joan Mitchell et de Jean-Paul Riopelle, évoquant l’idée que ces derniers s’intéressent moins à la forme qu’aux impressions diffuses que produisent les couleurs.

Retour au Canada

En 1970, Jean-Paul Riopelle expose une version en plâtre de sa monumentale sculpture intitulée La Joute à la Galerie Maeght, à Paris. Le modèle est coulé en bronze en 1974, en Italie, et installé deux ans plus tard au Stade olympique de Montréal. La sculpture est ensuite transférée sur la place Riopelle au cœur du quartier des affaires de Montréal. Avec le temps, Jean-Paul Riopelle revient de plus en plus souvent au Canada, d’abord pour chasser, mais aussi pour peindre. Ce n’est qu’en 1989 qu’il retourne définitivement au Québec. Sa fascination pour les animaux donne naissance à de nombreuses gravures, dont l’ensemble constitue un bestiaire d’une grande originalité, et à des représentations de bernaches du Canada. Il occupe d’abord un atelier à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson (à partir de 1974), puis à l’Estérel (à partir de 1990) et enfin à L’Isle-aux-Oies (de 1994 à 2002).

Durant la dernière période de sa vie, Jean-Paul Riopelle cesse d’utiliser la spatule et emploie plutôt des bombes aérosol, pulvérisant la peinture au-dessus d’objets disposés sur les toiles. Le public a du mal à comprendre son style tardif, mais lorsqu’il peint son immense Hommage à Rosa Luxemburg, peu après avoir appris la mort de Joan Mitchell en 1992, il est indéniable que Riopelle s’est approprié une technique s’inspirant des graffitis urbains. Cette œuvre peut être considérée comme un message codé se référant à sa vie avec Joan Mitchell. Il aimait à surnommer cette dernière Rosa Malheur, un jeu de mots sur le nom de la peintre animalière Rosa Bonheur. Ce qui fascine Jean-Paul Riopelle chez Rosa Luxemburg est le fait que cette grande chef communiste ait envoyé des lettres codées à ses partisans alors qu’elle était en prison. L’œuvre en trois parties est aujourd’hui exposée au Musée national des beaux-arts du Québec.

Lorsqu’il meurt à L’Isle-aux-Grues, le 12 mars 2002, des funérailles nationales sont organisées en son honneur. On peut affirmer sans exagérer qu’il est le peintre canadien le plus connu de son époque au niveau international, son œuvre étant exposée dans tous les grands musées du monde. Ses peintures des années 1950 se vendent toujours pour plus d’un million de dollars. De grandes rétrospectives de son œuvre, comme celle qui coïncide avec l’inauguration du pavillon Jean-Noël Desmarais au Musée des beaux-arts de Montréal, en décembre 1991, attirent des milliers de visiteurs. La publication du Catalogue raisonné en quatre volumes, sous la direction de sa fille Yseult Riopelle, est sans nul doute le signe de la notoriété durable dont il jouit.

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