King of Kensington

Prémisse et cadre

En 1974, le réseau anglais de la Société Radio-Canada (SRC) imagine le concept d’une comédie de situation se déroulant au marché Kensington. L’idée est de dépeindre la vie quotidienne des Canadiens de la classe ouvrière en milieu urbain multiculturel. Bien que la série se veuille principalement légère et qu’elle soit une simple comédie, elle vise également à aborder des sujets touchant le vécu des immigrants et nouveaux arrivants.

King of Kensington raconte la vie de Larry King, propriétaire d’une épicerie de quartier du marché Kensington, qui s’efforce sans relâche de régler les problèmes de ses voisins. Il est un ombudsman officieux, un défenseur du peuple et un activiste. Il parvient à résoudre les problèmes grâce à son empathie.

Le cadre, un quartier urbain multiculturel en évolution dans le Toronto en pleine croissance du milieu des années 1970, revêt également une importance clé pour l’émission. Le multiculturalisme fait partie intégrante de l’émission grâce à la diversité de la distribution principale. La femme de Larry King est protestante, sa mère est juive, et ses meilleurs amis sont un Noir et un Italien. On dépeint rarement à ce point la réalité multiculturelle et mixte du Toronto urbain à la télévision canadienne à cette époque. Et bien que l’on compare souvent l’émission à All in the Family, les opinions politiques de Larry King sont résolument progressistes.

Chaque épisode est enregistré une semaine avant sa diffusion, ce qui lui confère une actualité et une pertinence politique supérieures à celles des autres comédies de situation de l’époque. De plus, elle est diffusée sur plusieurs marchés étrangers, incluant plusieurs marchés américains.

Distribution

Al Waxman interprète Larry King, le personnage principal de l’émission. Le fait qu’Al Waxman ait grandi au marché Kensington confère une touche d’authenticité à l’émission. Fiona Reid incarne sa femme, Cathy, dans les trois premières saisons. Helene Winston joue sa mère, Gladys. Ardon Bess incarne son ami Nestor « the Jester » Best. Enfin, Bob Vinci endosse le rôle de Tony « the Duke of Milan » Zarro, un autre ami.

En plus de la distribution principale, plusieurs acteurs canadiens de renom jouent dans King of Kensington. Mike Myers y fait ses débuts d’acteur à l’âge de 12 ans dans un épisode de 1975. Bien des années plus tard, il rend hommage à la série en donnant le nom de Vanessa Kensington à un personnage du premier film Austin Powers. L’acteur canadien Saul Rubinek fait également une apparition dans la série, de même que plusieurs membres de la distribution de SCTV, notamment John Candy, Andrea Martin, Eugene Levy, Dave Thomas et Joe Flaherty.

Al Waxman

Al Waxman est le fils d’immigrants juifs venus de Pologne. Il veut devenir avocat, mais il tombe malade et manque plusieurs mois d’école. Il se tourne alors vers une carrière d’acteur, malgré les réticences de ses parents. Il grandit dans un petit appartement au-dessus d’un marchand de volailles, près de l’intersection de Spading et Nassau, au marché Kensington. Les prises de vue en extérieur pour l’introduction de l’émission sont réalisées à un pâté de maisons, à l’intersection de Nassau et Augusta.

Al Waxman travaille comme réalisateur au réseau anglais de la SRC. Il n’a qu’un petit nombre de rôles à son actif lorsqu’on lui propose de réaliser King of Kensington. Après avoir lu le scénario du pilote, il demande qu’on lui confie le rôle.

Après la série, Al Waxman se fait connaître du public américain en tant que Lt Bert Samuels dans la populaire série policière Cagney & Lacey (1982-1988) diffusée sur CBS. Mais Larry King de King of Kensington demeure le rôle canadien emblématique de l’acteur, qui l’a rendu célèbre au pays. Il remporte un prix ACTRA pour cette performance, ainsi qu’un prix Earle Grey pour l’ensemble de son œuvre à la télévision canadienne lors du gala des prix Gemini 1998. Al Waxman devient membre de l’Ordre de l’Ontario en 1996 et de l’Ordre du Canada en 1997. En 2016, une étoile lui est décernée à titre posthume sur l’Allée des célébrités du Canada en 2016.

Impact social

La popularité de King of Kensington contribue à renforcer et à légitimer le concept de multiculturalisme et d’unité nationale, à une époque où l’idée du premier émerge, tandis que le second se heurte au nationalisme québécois.

Pendant les cinq saisons de l’émission, Al Waxman et sa famille participent régulièrement à des événements organisés partout au Canada pour promouvoir l’unité nationale. L’acteur croit que l’émission King of Kensington reflète le meilleur de Toronto, et que Toronto reflète le meilleur du Canada. La veuve d’Al Waxman, Sara, mentionne que des Canadiens lui ont écrit pour dire qu’ils avaient appris l’anglais en regardant King of Kensington.

Après le décès d’Al Waxman en 2001, Antonia Zerbisias, critique de télévision au Toronto Star, se prononce sur l’impact de l’émission en affirmant que le portrait du gentil et généreux commerçant juif de Toronto incarné par le comédien, constitue le meilleur ambassadeur culturel que le Canada ait jamais eu.

Héritage

Une statue en bronze est érigée en l’honneur d’Al Waxman après sa mort, en 2001, dans le parc Bellevue du marché Kensington, à Toronto

L’impact de King of Kensington se traduit par des références à l’émission dans d’autres émissions télévisées. La comédie de situation Twitch City (1998-2000) de Don McKellar, diffusée sur le réseau anglais de la SRC, se déroule non seulement au marché Kensington, mais, dans le premier épisode, le personnage principal, Nathan, tue un sans-abri joué par Al Waxman avec une boîte de nourriture pour chats. Plus récemment, on a qualifié la populaire comédie de situation du réseau anglais de la SRC, Kim’s Convenience (2016-2021) d’héritière manifeste de King of Kensington.