Les Noirs vivent au Canada depuis le 17e siècle. Certains des premiers arrivants étaient des personnes réduites en esclavage, amenées de ce que l’on appelle aujourd’hui les États-Unis d’Amérique ou des Antilles. Du 18e siècle aux années 1960, la plupart des immigrants noirs du Canada fuyaient l’asservissement et/ou la discrimination aux États-Unis. Depuis, des changements apportés à la politique d’immigration du Canada ont entraîné un afflux d’immigrants des Antilles et de l’Afrique. Lors du recensement canadien de 2016, 1,2 million de personnes ont déclaré être noires. Selon Statistique Canada, les Canadiens noirs formaient environ 3,5 % de la population totale, et 15,6 % de la population racialisée en 2016. Malgré les défis constants, incluant la discrimination et le racisme systémique, les Canadiens noirs ont excellé dans des secteurs et des industries partout au pays.
Immigration depuis 1960
Avant 1960, le gouvernement canadien décourage l’immigration des Noirs. La Loi sur l’immigration de 1910 interdit aux non-blancs de migrer au Canada et ils sont jugés indésirables. En 1911, le gouvernement propose le décret C.P. 1324, qui découragerait et limiterait le nombre d’Américains noirs pouvant venir s’installer dans les provinces des Prairies. À cette époque, le gouvernement (et de nombreux Canadiens) soutient que les Noirs pourraient avoir des difficultés d’adaptation au climat canadien. (Voir aussi Loi de l’immigration chinoise; Komagata Maru.) Pendant la première partie du 20e siècle, quelques petits groupes de Noirs arrivent au pays. On trouve parmi eux des Jamaïcains et des Barbadiens (voir Canadiens d’origine antillaise) qui immigrent du Cap Breton en tant qu’ouvriers, et des Afro-Américains, principalement des hommes, qui s’installent dans les villes comme Montréal, Toronto, Winnipeg et Vancouver pour y travailler comme porteurs de wagons-lits sur les chemins de fer canadiens.
Cependant, la politique d’immigration change après la Deuxième Guerre mondiale. En 1955, on trouve une demande croissante pour le travail domestique. Ceci entraîne le gouvernement à adopter le Programme de recrutement de domestiques antillaises (1955-1967). Ce programme encourage les femmes venant des Antilles à immigrer au Canada, où elles deviennent domestiques dans les foyers de familles blanches. Après avoir travaillé pendant un an, ces femmes obtiennent leur statut de résidente permanente, et peuvent faire venir les membres de leurs familles au Canada. Le taux d’immigration des Antilles vers le Canada augmente encore quelques années plus tard, après la mise en œuvre de nouvelles réglementations sur l’immigration en 1962. Selon ces nouvelles réglementations, les immigrants sont évalués en fonction de leur éducation, de leurs compétences et de leur formation plutôt qu’en fonction de leur race, de leur ethnicité ou de leur nationalité. Cela permet à de larges nombres de noirs antillais et africains qualifiés d’entrer au Canada.
En 1967, le gouvernement canadien adopte un système basé sur des points par lequel les personnes sont évaluées en fonction de leur éducation, de leurs compétences professionnelles, de leur âge, de leur personnalité, de leurs perspectives d’emploi et de leurs compétences en anglais et en français, entre autres choses. Les personnes qui obtiennent 50 points ou plus sur 100 peuvent immigrer au Canada, peu importe leur race, nationalité d’origine et ethnicité.
En 1971, la politique canadienne du multiculturalisme est mise en place par le gouvernement libéral du premier ministre Pierre Elliot Trudeau. L’objectif de la politique de multiculturalisme est de maintenir la liberté culturelle des différents peuples du Canada et de célébrer les contributions culturelles des divers groupes ethniques de la société canadienne. (Voir aussi Loi sur le multiculturalisme canadien.) Subséquemment, les immigrants noirs, peu importe leur origine, peuvent pratiquer, promouvoir et célébrer leurs traditions culturelles au sein de leur nouveau pays d’origine.
Selon le recensement canadien de 2016, la plupart des immigrants noirs sont originaires de la Jamaïque ou d’Haïti. Par contre, de plus en plus d’immigrants noirs viennent d’Afrique, principalement du Nigéria, du Cameroun et de la République Démocratique du Congo. Plus de 40 % de la population noire est née au Canada.
Schémas démographiques
La majorité des Canadiens noirs du Canada vit dans les régions urbaines. Selon le recensement de 2016, 94,3 % des Noirs du Canada vivent dans les régions métropolitaines (RMR) du pays. Toronto compte la plus grande population noire (442 015). Le quartier de Eglinton Avenue West de Toronto est devenu le foyer de nombreux immigrants noirs, plus particulièrement ceux qui sont arrivés des Antilles durant les années 1960, 1970 et 1980.
L’Ontario est le foyer de 52,4 % de la population noire totale du Canada. Bien que de nombreux Noirs aient immigré au Canada depuis les années 1960, près de la moitié de la population noire de l’Ontario est née au Canada, ce qui témoigne de la longue histoire des Noirs dans la province.
La province de Québec compte la deuxième plus grande population de Noirs au Canada, soit 26,6 %. La population des Noirs du Québec a plus que doublé entre 1996 et 2016, passant de 131 970 à 319 230 en 2016.
La Nouvelle-Écosse compte la plus large population de Noirs de toutes les provinces de l’Atlantique, et la 5e plus grande population de Noirs du Canada. La province a une longue histoire d’immigration noire, qui remonte à l’arrivée des loyalistes noirs en 1783-1784, après la Révolution américaine. Plusieurs Canadiens noirs vivant en Nouvelle-Écosse sont nés au Canada et peuvent retracer leurs racines aux loyalistes noirs, aux réfugiés noirs de la Guerre de 1812, ou aux Marrons de la Jamaïque.
Les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta ont la population noire qui croît le plus rapidement au Canada. Bien que de nombreux noirs dans les provinces des Prairies soient de la première génération, certains Canadiens noirs peuvent retracer leurs origines à ceux qui sont venus de l’Amérique vers l’Alberta et la Saskatchewan, et qui ont créé des communautés comme Amber Valley. La population noire des Prairies a quadruplé de 1996 à 2016 (passant de 39 955 personnes à 174 655), dont beaucoup d’immigrants de l’Afrique.
La population noire de la Colombie-Britannique a presque doublé entre 1996 et 2016. Cependant, elle augmente à un rythme plus lent que les autres provinces. Bien que les noirs aient immigré en Colombie-Britannique de différents pays, plusieurs d’entre eux peuvent retracer leurs racines aux Californiens noirs qui sont venus à l’île Saltspring et à la ville de Victoria durant le 19e siècle.
Peu d’immigrants noirs ont déménagé dans les Territoires (Yukon, Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest). Ceci est peut-être dû à des facteurs tels que le froid, le manque de proximité des autres provinces ou des villes urbaines, et le manque d’opportunités éducatives et économiques. Dans les Territoires, les Canadiens noirs de première génération constituent la plus large portion de la population noire. Ces immigrants viennent de pays comme la Jamaïque, le Zimbabwé, le Nigéria, l’Éthiopie et la Somalie.
Éducation
Les Canadiens noirs ne forment pas un groupe homogène. Ceci est vrai en ce qui concerne l’éducation, entre autres. Les immigrants noirs sont plus susceptibles d’obtenir un baccalauréat, une maîtrise ou un doctorat que ceux qui sont nés au Canada. À l’inverse, le recensement de 2016 démontre que 25 % des femmes noires immigrantes ont un baccalauréat ou un diplôme supérieur, alors que 31 % des femmes noires nées au Canada ont un baccalauréat ou un diplôme supérieur. Souvent, les hommes noirs immigrants venus des pays d’Afrique sont admis au Canada sur la base de qualifications spécifiques, incluant le niveau de scolarité.
Historiquement, bien que les noirs au Canada aient accès à l’éducation, celle-ci est souvent inadéquate et inférieure à l’éducation offerte aux autres groupes. Les écoles n’ont que très peu de financement et le sentiment anti-noir est répandu. Les effets de ces désavantages sont encore visibles dans l’éducation de la jeunesse noire. Par exemple, selon un rapport de 2003 de la Commission ontarienne des droits de la personne, les élèves noirs à travers la région du grand Toronto sont victimes de discrimination et de racisme direct et systémique dans leurs écoles. Pour de nombreux élèves noirs, l’école est une expérience négative où ils font face à la dégradation, à une surveillance accrue et à des punitions excessives.
Vie économique
Historiquement, les Noirs du Canada sont confrontés à de nombreux obstacles liés à l’emploi et aux salaires. Les chiffres de recensement suggèrent qu’entre 2001 et 2016, le taux d’emploi des Canadiens noirs âgés de 25 à 59 ans est plus bas que pour le reste de la population canadienne. Par exemple, en 2016, le taux d’emploi était de 78,1 % pour les hommes noirs et de 71,0 % pour les femmes noires, comparativement à 82,6 % et 75,5 % pour leurs homologues dans le reste de la population canadienne. Traditionnellement, l’infériorité des taux d’emploi et de salaire pourrait être due à de la discrimination anti-noire. Malgré le fait que de nombreux Noirs canadiens possèdent une éducation postsecondaire, les chiffres du recensement de 2016 démontrent que le taux de chômage des Canadiens noirs est de 9,2 % comparativement à 5,3 % pour le reste de la population.
Politiques
Depuis les années 1960, les Canadiens noirs œuvrent dans le domaine politique sur les trois niveaux ; fédéral, provincial et municipal. En 1963, Leonard Braithwaite est élu à l’Assemblée législative de l’Ontario, et il devient le premier député canadien noir au parlement provincial. Lincoln Alexander devient le premier député fédéral noir en 1968. En 1972, Rosemary Brown, originaire de Jamaïque, est élue à l’Assemblée législative provinciale de la Colombie-Britannique. En 1984, Anne Cools, originaire de la Barbade, est nommée au Sénat canadien, et en 1990, Donald Oliver, originaire de Halifax, est nommé au Sénat. Zanana Akande, originaire de Toronto, est la première femme noire élue députée provinciale de l’Ontario et sert de 1990 à 1994. Jean Augustine, originaire de l’île de Grenade dans les Antilles, est venue au Canada grâce au Programme de recrutement de domestiques antillaises, et elle devient la première femme noire députée. Des Canadiens noirs comme Ahmed Hussen, Laura Mae Lindo, Mitzie Hunter, Tony Ince, David Shepherd, Hedy Fry, Greg Fergus, Wanda Thomas Bernard et d’autres servent en tant que députés, députés provinciaux, sénateurs et représentants municipaux à travers le Canada. En 2020, Annamie Paul est élue chef du Parti vert. Elle devient ainsi la première femme noire canadienne à être élue à la tête d’un parti politique fédéral.
Culture
Les Canadiens noirs ont des traditions et des pratiques culturelles différentes, ils parlent des langues différentes et pratiquent des religions différentes. Qu’ils soient au Canada depuis des générations ou qu’ils soient de récents immigrants, les Noirs développent et expriment également une identité canadienne distincte. La riche culture et l’héritage des Noirs canadiens sont démontrés et célébrés de diverses façons. Le Mois de l’histoire des Noirs a été introduit à la Chambre des communes par Jean Augustine en décembre 1995. Il a été célébré pour la première fois à travers le pays en février 1996. À Toronto, le Caribbean Carnival (Caribana) annuel célèbre et fait la promotion de la culture, des traditions, de la nourriture, de la danse et de la musique antillaise. La station de radio de Toronto G98.7, qui appartient à un Noir, s’adresse à la communauté noire et joue divers genres de musique comme du R & B, du reggae, de la soca, du gospel et de l’afrobeat. Les journaux antillais comme Share et Pride rapportent des nouvelles des Caraïbes ainsi que des nouvelles locales à travers la région du Grand Toronto et du reste du Canada. Afroglobal Television présente une programmation qui se concentre et s’adresse à l’Afrique et à sa diaspora.
Défis, activisme et résilience
L’expérience des Canadiens noirs demeure largement méconnue par de nombreux Canadiens. Plus particulièrement, peu de Canadiens réalisent que l’esclavage a existé au Canada pendant plus de 200 ans. L’héritage qu’a laissé l’asservissement des Noirs affecte toujours les Noirs canadiens de nos jours. Ceci inclut le racisme anti-noir, les microagressions raciales (le racisme subtil), la brutalité policière et la violence faite aux Noirs, les inégalités en matière de santé, et la surreprésentation des Noirs dans le système carcéral et dans le système de la protection de l’enfance du Canada. (Voir aussi Préjugés et discrimination au Canada.)
Durant le mouvement canadien pour la défense des droits civiques (des années 1940 aux années 1960), de nombreux Canadiens noirs luttent contre le racisme et défendent leurs droits. Les organismes et les mouvements comme Black Lives Matter au Canada continuent de lutter pour les droits des Noirs canadiens et d’autres groupes marginalisés, y compris les peuples autochtones.
Malgré les défis historiques et actuels, les Noirs canadiens demeurent très résilients, optimistes et pleins d’espoir en ce qui concerne leur futur. Nombreux sont ceux qui ont excellé dans des secteurs et des domaines à travers le pays, incluant (mais ne se limitant pas à) la musique, les sports, l’éducation et la politique. Des musiciens comme Drake et The Weeknd, par exemple, sont des noms reconnus. Il en va de même pour des athlètes comme Andre De Grasse, le coureur de vitesse canadien qui a remporté les médailles de bronze et d’argent aux Jeux olympiques d’été de 2016.