Les personnes noires vivent au Canada depuis les débuts de la colonisation transatlantique. Bien qu’historiquement, peu sont arrivés directement de leur patrie ancestrale d’Afrique, le terme « afro-canadien » est utilisé pour identifier tous les descendants d’Afrique indépendamment de leur lieu de naissance. Le terme « Canadien noir » est également utilisé comme un terme plus général. Les premiers arrivants étaient des personnes réduites en esclavage amenées de la Nouvelle-Angleterre ou des Antilles. Entre 1763 et 1900, la plupart des Noirs migrants au Canada fuyaient l’esclavage des États-Unis. (Voir aussi Esclavage des Noirs au Canada.)
Voir aussi L'histoire des Noirs au Canada : 1900 à 1960 et L'histoire des Noirs au Canada : de 1960 à aujourd'hui.
Asservissement
Olivier Le Jeune est la première personne réduite en esclavage à être transporté au Canada directement d’Afrique. Il est amené à la ville de Québec en 1629, mais apparemment, au moment de sa mort il était un homme libre. À partir de ces années jusqu’à la conquête britannique (1759-1760), environ 1000 personnes noires amenées de la Nouvelle-Angleterre ou des Antilles sont réduites en esclavage en Nouvelle France (voir Esclavage des Noirs au Canada). Les archives locales indiquent qu’en 1759, on compte un total cumulatif de 4092 personnes asservies en Nouvelle-France, incluant 1443 personnes d’origine africaine. La plupart des Africains réduits en esclavage sont des domestiques plutôt que des ouvriers agricoles.
La plupart des personnes asservies vivent dans ou à proximité des centres urbains comme Montréal, Québec, Détroit, Halifax, et St. John. Il y a un afflux temporaire de personnes réduites en esclavage en Amérique du Nord britannique après la Révolution américaine, lorsque les loyalistes y immigrent et amènent avec eux près de 2000 personnes noires asservies. La répartition de ces migrants est inégale, et l’ Ontario et la Nouvelle-Écosse enregistrent l’augmentation la plus importante du nombre de personnes asservies. Jusqu’à 3500 loyalistes noirs libres ayant gagné leur liberté par leur allégeance à la Grande-Bretagne immigrent également en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick.
Parmi les loyalistes se trouvent plusieurs abolitionnistes qui contestent les attitudes sociétales et l’acceptation désinvolte de l’asservissement. En l’espace de deux décennies, cette pratique disparaît presque complètement au Canada. Le Haut-Canada devient la seule colonie à commencer à adopter des lois pour l’abolition progressive de l’asservissement. Au Bas-Canada, deux vaines tentatives sont faites pour abolir l’esclavage de la législature. Cependant, le glas de l’esclavage sonne après que plusieurs jugements juridiques controversés accordent la liberté à des personnes asservies en fuite dans la province. En 1800, les tribunaux dans d’autres parties de l’Amérique du Nord britannique limitent également l’expansion de l’asservissement. Au cours de la décennie suivante, l’embargo international sur la traite des esclaves en haute mer devient de plus en plus efficace pour endiguer l’afflux de personnes réduites en esclavage vers les marchés nord-américains. La pratique de posséder des personnes réduites en esclavage décline. Les esclavagistes se sentent obligés de vendre leurs personnes asservies aux acheteurs américains ou antillais. Le 27 août 1833, le Parlement britannique adopte une loi qui abolit l’asservissement dans toutes les colonies de l’Amérique du Nord britannique ; la loi entre en vigueur le 1er août 1834.
Migrations noires
Après la Révolution américaine, les loyalistes noirs s’installent dans presque toutes les provinces à l’est du Manitoba. Dans le Haut-Canada, les loyalistes noirs se joignent aux communautés noires qui sont établies dans plusieurs petites villes et petits villages entre Windsor et Toronto. Dans le Bas-Canada, les loyalistes qui possèdent des personnes réduites en esclavage s’installent dans les Cantons-de-l’Est, entre la frontière et le Fleuve Saint-Laurent. ( Voir Esclavage des Noirs au Canada.)
Suite à l’affluence des loyalistes noirs libres, d’autres personnes noires arrivent en Amérique du Nord britannique. En 1796, des Marrons de la Jamaïque s’exilent en Nouvelle-Écosse. Les Marrons sont des descendants de personnes noires asservies qui se sont échappés des Espagnols, et plus tard des dirigeants britanniques de la Jamaïque. Les Marrons sont craints et respectés pour leur courage. Durant quatre ans, ils travaillent sur divers projets publics. Cependant, étant donné les maigres provisions qu’ils ont pour leurs besoins de base, les Marrons demandent d’émigrer, avec succès. En 1800, des centaines de Marrons quittent la Nouvelle-Écosse pour Sierra Leone.
Ensuite, entre 1813 et 1816, près de 2000 personnes anciennement asservies, qui avaient cherché refuge derrière les lignes britanniques lors de la guerre de 1812 sont envoyées en Nouvelle-Écosse. Ce groupe, connu sous le nom de « Black Refugees » (réfugiés noirs), s’installe dans divers villages de la Nouvelle-Écosse. Un autre groupe de près de mille réfugiés noirs déménage au Nouveau-Brunswick et y établit des colonies.
Les années 1820 voient un filet d’esclaves fugitifs des États-Unis. Éventuellement, ces fugitifs de l’asservissement américain traversent la frontière et entrent en Amérique du Nord britannique en nombre croissants, en utilisant les routes secrètes du chemin de fer clandestin. Au moment de la guerre de Sécession, on estime que près de 30 000 fugitifs ont fui au Canada.
À l’ouest des Rocheuses, vers la fin des années 1850, près de 800 Afro-Américains libres sont invités à migrer de la Californie vers l’île de Vancouver pour aider les autorités britanniques. Leur départ est motivé par la discrimination raciale imposée par la loi dans leur pays d’origine. (Voir aussi Préjugés et discrimination au Canada; Racisme.)
Avec la fin de l’asservissement américain en 1865, plusieurs milliers d’Afro-Américains retournent aux États-Unis. En même temps, l’industrie ferroviaire en plein essor du Canada encourage des Afro-Américains et des Antillais à immigrer pour de l’emploi. Dans le dernier quart du 19e siècle, c’est particulièrement le cas des porteurs de wagons-lits de la compagnie Pullman. Les villes comme Montréal, Winnipeg et Toronto voient une augmentation de population des cheminots et leurs familles.
Structures de colonies
Dans le Maritimes, la politique gouvernementale met en place des communautés ségrégées pour les loyalistes noires, les Marrons et les réfugiés noirs dans les banlieues des grandes villes blanches. Certaines villes importantes, comme Halifax, Shelburne, Digby et Guysborough en Nouvelle-Écosse ainsi que St. John et Fredericton au Nouveau-Brunswick, ont toutes des colonies entièrement noires dans leur voisinage immédiat. ( Voir Africville.)
Au Québec, de nombreux loyalistes asservis sont emmenés dans les Cantons-de-l’Est, mais leur séjour est de courte durée. Les fugitifs et les colons noirs gravitent vers le Vieux-Montréal près du port (Voir Montréal). Avec le temps, les résidents noirs déménagent dans les quartiers du sud-ouest pour être plus près de leurs emplois ferroviaires.
En Ontario, les fugitifs du chemin de fer clandestin ont tendance à se concentrer dans des colonies autonomes. Des endroits comme Elgin Settlement, Dawn et Oro sont construits pour établir une protection et un soutien mutuel contre la discrimination et les préjugés, des Canadiens blancs, ainsi que contre la menace des chasseurs d’esclaves américains. La plupart des colonies noires de l’Ontario sont situées autour et dans Windsor, Chatham, London, St. Catharines et Hamilton. Toronto a un quartier à prédominance noire. Il existe également de plus petites concentrations de Canadiens noirs près de Barrie, Owen Sound, Niagara et Guelph.
La colonisation des premiers noirs dans les Prairies est clairsemée, mais quelques personnes noires vivent en groupes autour de Melfort en Saskatchewan, à Glenbow en Alberta, près des grands ranchs de bétails. Plus à l’ouest, le gouverneur James Douglas invite des californiens noirs à s’installer en Colombie-Britannique. Ceux-ci s’installent à l’ Île Saltspring, et font de la ville de Victoria leur foyer. Au tournant du siècle, une communauté noire s’installe dans le quartier animé de Hogan’s Alley à Vancouver.
Vie économique
La pauvreté est un élément fondamental des premières expériences des personnes noires au Canada. Les loyalistes noirs, Marrons et les réfugiés noirs rencontrent de nombreux obstacles en tentant de s’établir dans les Maritimes. Les petites concessions de terres qu’ils reçoivent ne peuvent soutenir leur autosuffisance par le biais de l’agriculture. Comme ils sont forcés de chercher des emplois de manœuvre dans les villes blanches avoisinantes, les Canadiens noirs sont vulnérables à l’exploitation et à la discrimination en matière d’emplois et de salaires (Voir Préjugés et discrimination au Canada).
En partie à cause de mauvaises conditions de vie, un nombre substantiel de personnes noires quitte la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. En 1792, près de 1200 loyalistes noirs naviguent de Halifax vers la nouvelle colonie de Freetown, à Sierra Leone. Puis, en 1800, lorsque les Marrons quittent eux aussi pour Sierra Leone, ils contribuent à la suppression de la rébellion des premiers colons loyalistes noirs contre leurs gouverneurs britanniques. Cet exode des Maritimes se termine finalement en 1820 lorsque près de 95 réfugiés noirs quittent Halifax pour la Trinité.
Bien qu’ils soient encouragés à migrer, la plupart des réfugiés noirs restent. Pourtant, ceci cause des difficultés, car leur pauvreté s’aggrave en raison des perspectives agricoles médiocres et des hivers rigoureux. La compétition hostile d’une main-d’œuvre blanche abondante fait en sorte que les ouvriers noirs n’ont que des emplois très peu rémunérés.
Les fugitifs noirs en Ontario deviennent souvent ouvriers sur des terres qui appartiennent à d’autres gens, bien que certains d’entre eux réussissent à exploiter leurs propres terres avec succès. Pendant un certain temps, les entreprises appartenant à des Noirs connaissent un certain succès au sein des colonies noires. Après la guerre de Sécession, dans les grandes villes comme Montréal et Toronto, la vie économique des Noirs se concentre de plus en plus sur l’emploi dans les chemins de fer. Entretemps, les entrepreneurs locaux prospèrent en répondant aux besoins des porteurs de wagons-lits, comme les barbiers, les maisons de chambres, les salons, les cafés, etc.
Ceux qui migrent vers Victoria en Colombie-Britannique, dans les années 1850 étaient des marchands prospères en Californie. Naturellement, à leur arrivée, ils établissent des petites entreprises. Les ouvriers noirs moins qualifiés travaillent sur les fermes ou dans les magasins. Comme la plupart des Canadiens noirs, ils occupent des emplois qui sont peu rémunérés ou qui requièrent une main-d’œuvre non qualifiée.
Vie communautaire et culturelle
Au sein de leurs colonies concentrées, les premiers Canadiens noirs ont l’opportunité de maintenir des caractéristiques culturelles et de créer une communauté distincte. Le style de culte, de musique et de langue, ainsi que les structures familiales et les traditions de groupe se développent en réponse aux conditions de vie au Canada. Le principal soutien institutionnel est l’église séparée, habituellement Baptiste ou méthodiste (Voir Méthodisme), créée lorsque les congrégations blanches refusent de reconnaître les croyants noirs comme étant égaux.
L’influence spirituelle des églises imprègne la vie quotidienne. Le clergé assume souvent un rôle social et politique important. Les nombreux organismes fraternels, les groupes d’assistance mutuelle, les sociétés de tempérance et les groupes anti-esclavagistes formés par les Noirs du 19e siècle sont presque toujours associés à l’une des églises, et ce, souvent à la demande des femmes.
Au Canada, les femmes noires ont toujours joué un rôle important dans l’économie de la vie de famille, et par conséquent, elles connaissent une indépendance considérable. Les enfants noirs, qui sont élevés d’une manière communautaire, souvent par leurs grands-parents ou leurs voisins plus âgés, développent des relations familiales dans toute la communauté. Un fort sentiment d’identité de groupe et de confiance mutuelle, combinés à une identité unique fournie par les églises, offre une vie communautaire ainsi qu’un refuge, contre la discrimination blanche.
Militaire
Une tradition de loyauté intense se développe très tôt chez les Canadiens noirs envers la Grande-Bretagne et le Canada. Les loyalistes noirs se battent pour maintenir le règne britannique en Amérique, et leur conscience qu’une invasion américaine pourrait restaurer leur asservissement les pousse à participer à la défense militaire du Canada. Les miliciens noirs se battent contre les troupes américaines lors de la guerre de 1812. Les soldats noirs jouent un rôle important dans la maîtrise des rébellions de 1837-1838 et plus tard, ils aident à repousser les raids des fenians.
Pendant un certain temps durant les années 1860, les Black Pioneer Rifle Corps, en grande partie autofinancés, sont la seule force qui protège l’île de Vancouver. Cependant, les Corps se voient plus tard refuser l’opportunité de participer au Vancouver Island Volunteer Rifle Corps (corps des carabiniers de l’île de Vancouver).
Éducation
En Nouvelle France, le désir de s’assurer que les personnes asservies se conforment aux rituels et aux croyances catholiques signifie qu’ils peuvent être éduqués. Tout au long du 19e siècle, les Canadiens noirs souffrent d’un accès inégal aux ressources. Jusqu’en 1900, les Noirs du Québec ceux qui en ont les moyens, sont scolarisés dans des institutions protestantes. Mais dans les Maritimes, les écoles noires sont presque exclusivement gérées par des organismes de charité britanniques. Les sociétés britanniques et américaines établissent également des écoles pour les personnes noires en Ontario.
La Nouvelle-Écosse et l'Ontario créent des écoles publiques ségrégées légales. Un financement insuffisant combiné à l’isolation résidentielle et au dénuement économique fait qu’un enseignement de qualité médiocre contribue à perpétuer des opportunités limitées et à restreindre la mobilité.
Politique
Avec l’esclavage comme fondement, la loi canadienne ne favorise pas un statut juridique égal pour les personnes noires. De 1628 à 1763, les lois en Nouvelle-France défendent l’asservissement des Noirs. Malgré l’abolition progressive de la pratique d’asservissement en Amérique du Nord britannique, des tentatives sont néanmoins effectuées pour limiter les droits politiques des Canadiens noirs. Au 19e siècle, les femmes noires sont partiellement privées de leur droit de vote, et elles perdent ce droit lors de certaines élections. Plusieurs de ces femmes se battent pour leurs droits lors du mouvement des suffragettes.
Plusieurs dirigeants noirs apportent d’importantes contributions aux politiques canadiennes. Plusieurs d’entre eux sont conseillers municipaux et conseillers scolaires. Parmi eux on trouve, par exemple, Mifflin Gibbs, qui a siégé au conseil municipal de Victoria dans les années 1860, et a également été délégué à la convention Yale lors des délibérations concernant l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération. Un autre politicien noir reconnu est William Hubbard, qui a servi en tant que conseiller, contrôleur et maire intérimaire de Toronto de 1894 à 1907.