Campagne des Cents Jours
Depuis l’été 1918, les forces canadiennes et les autres forces alliées sont engagées sans relâche dans la campagne des Cent Jours (voir La bataille d’Amiens et La bataille de Cambrai), une suite d’offensives agressives ayant permis de mettre les armées allemandes en déroute et de les déloger de leurs places fortes sur le front de l’Ouest. Cette campagne force les Allemands à opérer une retraite totale vers l’est hors de France et de Belgique, et les contraint à poursuivre les combats en cédant du terrain à leurs poursuivants.
Dans les dernières semaines de la campagne des Cents Jours, le Corps expéditionnaire canadien s’empare de Valenciennes, en France, après un combat particulièrement brutal long de deux jours. Le 9 novembre, les troupes canadiennes atteignent les environs de Mons.
Valeur symbolique
Dans les premiers jours de la guerre, en 1914, les forces britanniques avaient opposé une farouche résistance autour de Mons face à l’invasion des armées allemandes dans une tentative d’empêcher ces dernières de foncer sur Paris. Après avoir repoussé les Britanniques, les Allemands avaient occupé la ville pendant quatre ans.
Mons était un bastion de l’industrie minière du charbon dont les ressources avaient été utilisées pendant toute cette période pour alimenter l’effort de guerre allemand. Pour les alliés, reconquérir Mons à ce moment‑là, à la fin de la guerre, revêt une importance symbolique immense. Le lieutenant‑général Arthur Currie et le Corps expéditionnaire canadien qu’il dirige reçoivent l’ordre de s’emparer de la ville.
Libération
Les Canadiens souhaitent s’emparer de Mons sans la détruire. Toutefois, la prise de Mons, dans un contexte de guerre urbaine présentant de nombreux pièges et des défis souvent mortels, ne constitue pas un mince exploit. Les rangs bruissent également de rumeurs sur un possible traité de paix, mais tant qu’un armistice officiel n’a pas été signé, la guerre continue.
Arthur Currie planifie une manœuvre d’encerclement. Les Canadiens pénètrent dans la ville et doivent faire face à une farouche résistance des Allemands. Des prisonniers ennemis informent l’armée canadienne que les Allemands avaient prévu une retraite; cependant, les mitrailleuses allemandes tirent sans cesse.
Les Canadiens accroissent leur pression et, tôt le matin du 11 novembre, ils ont mis Mons sous leur coupe sans avoir eu besoin d’utiliser des obus de gros calibre. Les habitants de la ville manifestent leur joie en jouant de la cornemuse dans la rue et accueillent les Canadiens en libérateurs.
George Price
Ce jour‑là, à 6 h 30, un message est reçu au quartier général d’Arthur Currie indiquant que les hostilités prendront fin à 11 h. L’information qu’un cessez‑le‑feu a finalement été conclu se répand comme une traînée de poudre parmi les troupes. En fait, avec la prise de Mons, les combats sont pratiquement terminés.
C’est au Canada qu’on attribue généralement l’honneur tragique d’être le pays d’origine de la dernière victime de la Grande Guerre au sein des forces du Commonwealth britannique. Le soldat George Price est frappé à la poitrine par le tir d’un tireur embusqué dans la ville de Ville‑sur‑Haine près de Mons. Il décède à 10 h 58, deux minutes avant que l’armistice entre en vigueur, mettant officiellement fin à la Première Guerre mondiale (voir Jour du Souvenir).
Par rapport à d’autres batailles de cette guerre, le total des victimes canadiennes lors de la bataille de Mons n’est pas très élevé. Toutefois, les 280 hommes portés disparus, tués ou blessés durant les deux derniers jours de cette terrible guerre n’en sont pas moins aussi émouvants que les millions d’autres victimes.
Controverse
Certaines troupes d’Arthur Currie ont contesté la décision d’avancer dans la ville de Mons et de s’en emparer (et de sacrifier des vies) à quelques jours de la fin de la guerre. L’intervention militaire n’enchantait particulièrement pas les soldats qui venaient de perdre des camarades et des proches à Mons, d’autant plus qu’ils savaient qu’un armistice serait bientôt conclu. Tout au long de son commandement du Corps expéditionnaire canadien, Arthur Currie a été un lieutenant‑général soucieux, conscient du coût humain de la guerre. Il faisait donc tout en son pouvoir pour éviter le sacrifice de ses hommes tout en s’efforçant de vaincre l’ennemi. (Voir aussi : Commandement canadien pendant la Grande Guerre)
Malgré tout, le nombre de victimes qu’a fait la bataille de Mons et la campagne des Cents Jours en général a contribué à la croyance de certains Canadiens qu’Arthur Currie était un commandant sans cœur. En 1919, sir Sam Hughes, ancien ministre de la Défense, l’accuse à la Chambre des communes d’avoir « sacrifié inutilement la vie de soldats canadiens » et propose qu’il soit traduit en cour martiale pour avoir mené un assaut contre l’ennemi à Mons. Le premier ministre Robert Borden prend plus tard la défense de l’homme en déclarant qu’« aucune critique ne pourrait être plus injuste. »
Des années plus tard, en 1927, les mêmes allégations sont à nouveau portées contre Arthur Currie dans l’Evening Guide, un journal local de la petite ville de Port Hope, en Ontario, qui le traite de boucher à cause de l’attaque « scandaleuse » et « futile » qu’il a lancée dans la ville de Mons. Arthur Currie poursuit alors le journal pour diffamation. Après un procès largement médiatisé, pour lequel peu de preuves ont été fournies pour soutenir l’accusation pesant contre lui, il gagne sa cause et se voit attribuer une petite indemnité pour dommages et intérêts.
Bien que certains aient toujours une dent contre Arthur Currie à propos de la bataille de Mons, la grande majorité des anciens combattants le considèrent comme un héros. En 1928, l’ancien lieutenant‑général est élu président national de la Légion royale canadienne. Arthur Currie passera les dernières années de sa vie à militer pour la réformer des pensions et pour d’autres causes des anciens combattants.