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Fusil Lee-Enfield

Le fusil Lee-Enfield, une arme de conception britannique à verrou à répétition de calibre .303 avec chargeur, a été le principal fusil des soldats canadiens pendant plus d’un demi-siècle. Il a subi plusieurs modifications et a été utilisé pendant la guerre d’Afrique du Sud (également connue sous le nom de guerre des Boers), la Première Guerre mondiale, la Deuxième Guerre mondiale et la guerre de Corée. La série Lee-Enfield comprend l’un des fusils à verrou les plus performants de l’histoire. Avec pas moins de 17 millions d’exemplaires fabriqués, il s’agit également de l’un des fusils les plus produits de tous les temps.

Fusil SMLE Mk III*
Lee-Enfield No.4 Mk I*

Contexte

En 1895, l’armée britannique adopte le Lee-Enfield pour remplacer le Lee-Metford, en service depuis 1889. Le Lee-Metford est un fusil à répétition à chargeur similaire, mais conçu pour des cartouches à poudre noire moins puissantes et plus sales. La poudre noire produit également une fumée excessive qui peut révéler à l’ennemi la position du tireur.

En 1889, des chimistes britanniques inventent la cordite, un puissant propulseur sans fumée. Toutefois, en raison de sa forte teneur en nitroglycérine, la cordite brûle à haute température. Cette chaleur use les rainures peu profondes du canon du Lee-Metford, ce qui nuit à la précision du fusil. Pour résoudre ce problème, la Royal Arms Factory d’Enfield met au point un nouveau système de rayures composé de rainures plus profondes capables de résister aux chaleurs élevées. Le résultat : le Lee-Enfield à chargeur Mark I. En raison de sa longueur, il est également connu sous le nom « Long Lee-Enfield ».

Le saviez-vous?
James Paris Lee (1831-1904) a été l’un des principaux concepteurs d’armes légères du 19e siècle. Né en Écosse, il immigre au Canada avec sa famille en 1836 et s’installe à Galt, dans le Haut-Canada (qui fait aujourd’hui partie de Cambridge, en Ontario). Formé à l’horlogerie comme son père, il entame une nouvelle carrière d’inventeur d’armes légères et s’installe dans le Wisconsin en 1858. Parmi ses nombreuses contributions aux armes légères, le perfectionnement du chargeur vertical est la plus révolutionnaire. Le Lee-Enfield, qui utilise ses conceptions de chargeur à boîte détachable et de fusil à verrou, porte en partie son nom.


Fusil Lee-Enfield dans les forces canadiennes

Le gouvernement canadien réarme ses forces permanentes et non permanentes (c’est-à-dire régulières et de réserve) avec de nouveaux fusils en 1896, à la suite d’un conflit frontalier entre la Grande-Bretagne et le Venezuela. Le Canada achète alors 40 000 fusils Lee-Enfield et 2300 carabines (pour les troupes montées). Après 1898, les cartouches.303 sont fournies par l’Arsenal du gouvernement à Québec.

Le Mark I équipe les soldats des contingents canadiens envoyés combattre pendant la guerre d’Afrique du Sud (1899-1902), ainsi que le bataillon levé pour la garnison d’ Halifax. Le gouvernement britannique prend en charge l’équipement des troupes envoyées outre-mer. À l’époque, le fusil mesure plus de 1,25 m de long et pèse 4,3 kg. La capacité du chargeur est de 10 cartouches, qui doivent être chargées une à une. Plus tard, les fusils Lee-Enfield sont équipés de chargeurs de cinq balles, ce qui permet d’améliorer la vitesse de rechargement. L’augmentation de la taille du chargeur et la culasse du Lee-Enfield permettent aux soldats de tirer au moins 15 coups ciblés par minute, ce qui constitue un avantage certain au combat.

Transvaal

En 1900, le gouvernement canadien souhaite acheter des Lee-Enfield supplémentaires aux Britanniques et obtenir la permission de fabriquer le fusil sous licence au Canada. Les deux demandes sont refusées. Les Britanniques donnent la priorité à l’équipement de leurs propres troupes, tandis que l’usine Birmingham Small Arms refuse que son fusil soit produit au Canada.

Cette double rebuffade, associée à un sentiment croissant de nationalisme canadien, convainc les autorités canadiennes qu’il faut obtenir un fusil fabriqué au Canada. Entre-temps, le riche Écossais sir Charles Ross propose de construire une usine de fusils au Canada si le pays adopte le fusil qu’il a inventé. Le gouvernement accepte son offre et signe en 1902 un contrat portant sur 12 000 fusils Ross. Plusieurs modèles de fusils Ross révisés sont adoptés par la suite.

Les premiers soldats canadiens envoyés outre-mer en 1914 pour la Première Guerre mondiale sont équipés du fusil Ross. Bien qu’extrêmement précis, ce fusil ne résiste pas à l’épreuve de la guerre des tranchées. Plusieurs défauts de production sont également constatés. Après deux ans de plaintes, le gouvernement est finalement contraint, en 1916, de revenir au Lee-Enfield en raison des nombreuses lacunes du fusil Ross.

Deux soldats avec un fusil SMLE, mars 1917

Entre-temps, les Britanniques ont remplacé le Long Lee-Enfield par une version plus courte, le « Short Magazine Lee-Enfield (SMLE) Mark III », qui est distribuée aux soldats canadiens. Il mesure 1,1 m de long et pèse 3,96 kg. Le fusil utilise également l’emblématique baïonnette à sabre Pattern 1907. Le SMLE reste en service auprès des soldats canadiens après la fin de la guerre en 1918.

Au début de la Deuxième Guerre mondiale, en 1939, les soldats canadiens utilisent encore le Mark III (rebaptisé « Rifle No.1 Mk III »). À partir de 1943, le Lee-Enfield No. 4 Mark I, plus simple à produire, remplace le Mark III dans les combats des troupes canadiennes. Le No. 4 Mark I mesure 1,1 m de long et pèse 4,1 kg. Il est équipé d’une baïonnette à pointe simplifiée et d’un viseur à ouverture pour améliorer la visée.

Guy Marion

Production au Canada

Entre 1941 et 1945, plus de 1 500 000 fusils Lee-Enfield sont fabriqués au Canada. Cette production est assurée par une nouvelle société d’État, Small Arms Limited (SAL), dans une usine spécialement construite à Long Branch, à l’ouest de Toronto. Les femmes jouent un rôle essentiel dans l’assemblage des fusils Lee-Enfield. En 1943, environ 3500 des 5500 employés de SAL sont des femmes.

À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, en 1945, le Canada conserve le No. 4 Mark I, et les soldats canadiens l’utilisent pendant la guerre de Corée.

Remplacement

En 1955, le Canada adopte un nouveau fusil semi-automatique, le FN C1. Le Lee-Enfield reste cependant en service dans certaines organisations militaires. À partir de 1947, les Rangers canadiens, une force à temps partiel composée de citoyens qui opèrent dans les régions septentrionales et éloignées du Canada, sont équipés du Lee-Enfield. En raison de sa durabilité, de sa simplicité et de sa fiabilité, les Rangers conservent ce fusil jusqu’en 2018, date à laquelle il est remplacé par le fusil Colt Canada C19 de 7,62 mm, conçu par SAKO. Les Rangers canadiens sont la dernière unité militaire en Occident à utiliser le Lee-Enfield.

Les cadets de l’armée, de l’air et de la marine utilisent des Lee-Enfields dépouillés de leur mécanisme de mise à feu pour les exercices. Des Lee-Enfields convertis en calibre.22 pour le tir sur cible sont également utilisés. En outre, les Lee-Enfield sont depuis de nombreuses années un fusil de chasse de confiance pour les civils.