La Marche commémorative des femmes se déroule chaque année le 14 février, jour de la Saint-Valentin, dans des villes du Canada et des États-Unis. Elle a eu lieu pour la première fois en 1992 à Vancouver, en Colombie-Britannique, à la suite du meurtre d’une femme autochtone, Cheryl Ann Joe. À l’origine, la marche se voulait une petite cérémonie pour Cheryl Ann Joe, mais elle est devenue un événement annuel à la mémoire de toutes les femmes et filles autochtones disparues et assassinées au Canada. La Marche commémorative des femmes réunit des milliers de personnes à Vancouver, et se déroule maintenant dans plus de 20 villes au Canada et aux États-Unis.
Marche commémorative des femmes, Vancouver, 2015.
Origines de la marche
Le 20 janvier 1992, Cheryl Ann Joe est assassinée et son corps est abandonné dans un terrain de stationnement près du quai de chargement d’un entrepôt sur la rue Powell, dans le quartier Downtown Eastside (DTES) de Vancouver. Ce secteur est reconnu pour la prévalence de la toxicomanie et de la prostitution et son taux de criminalité très élevé. Quelques semaines plus tard, le 14 février 1992, jour de la Saint-Valentin, quelques dizaines de personnes, dont la mère de Cheryl Ann Joe, Linda, se réunissent dans le terrain de stationnement où le corps de la victime a été retrouvé.
Avec d’autres femmes du DTES, Linda Joe décide d’organiser un événement communautaire annuel ayant pour but d’« exprimer la compassion, la solidarité et la bienveillance à l’égard de toutes les femmes du quartier ». Chaque année, la Marche commémorative des femmes commence dans le DTES, organisée et conduite par des femmes de la région. Des milliers de personnes prennent la rue et s’arrêtent pour une minute de silence devant chaque endroit où une femme a été assassinée. L’événement inclut des discours de militants locaux, un cercle de guérison traditionnel autochtone dans le parc Oppenheimer et une fête communautaire.
Depuis, l’objet de la Marche commémorative des femmes s’est élargi pour rendre hommage à toutes les femmes et filles autochtones disparues et assassinées au Canada. Chaque année, les organisateurs de la marche de Vancouver publient la liste des noms des femmes et filles qui sont mortes, sont disparues ou ont été assassinées dans le DTES. En 2019 seulement, 75 nouveaux noms ont été ajoutés. Beaucoup de ceux qui participent à la marche ont perdu une parente ou une amie dans le quartier. La marche ne contient que cinq bannières, mais beaucoup de participants portent des pancartes arborant le nom ou la photo de proches disparues ou assassinées.
Dans la marche de Vancouver, des étudiants du secondaire de Surrey, en Colombie-Britannique, ont préparé une bannière qu’ils portent en solidarité, pendant que d’autres filment l’événement. Les étudiants universitaires soutiennent les organisateurs.
La marche de Vancouver ne reçoit aucun financement du gouvernement provincial. Le service de police de la ville paie le coût du permis d’événement et assure le contrôle de la circulation ainsi qu’une présence de sécurité.
À l’origine de la marche
La victime du meurtre, Cheryl Ann Joe, 26 ans, mère célibataire de trois jeunes garçons, était membre de la nation Shíshálh (Sechelt) sur la Sunshine Coast, en Colombie-Britannique (voir Salish de la côte Nord). C’est là qu’elle vivait, avant que les problèmes de logement, d’argent et d’alcoolisme ne la contraignent à se prostituer dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver. Elle essayait de ramasser de l’argent pour aller voir deux de ses enfants qui vivaient avec leur père en Alberta.
Cheryl Ann Joe voulait devenir policière afin de protéger les personnes les plus vulnérables de la ville. « Chaque fois qu’elle allait dans la rue, elle encourageait les femmes plus jeunes [qui se prostituaient] à quitter la rue et à trouver une meilleure façon de vivre », dit sa cousine Melodie Casella.
Condamnation pour meurtre
Quelques heures après la découverte du corps de Cheryl Ann Joe, la police suspecte Brian Allender, 36 ans, qui est arrêté et accusé de meurtre au premier degré. En 1993, un jury reconnaît Brian Allender coupable de meurtre au premier degré et il est condamné à la prison à vie.
Le saviez-vous ?
Depuis la première Marche commémorative des femmes, plus de 970 noms ont été ajoutés à la liste des femmes disparues ou assassinées dans le Downtown Eastside, à Vancouver. Ceci inclut les victimes du tueur en série Robert Pickton, condamné en 2007 pour le meurtre au second degré de six femmes. Bien qu’il ait été accusé du meurtre de 20 autres femmes, dont plusieurs du DTES, la Couronne a suspendu ces charges en 2010. Robert Pickton a été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération sur parole avant 25 ans.
Croissance et popularité
Selon les organisateurs, la Marche commémorative des femmes attire jusqu’à 7 000 personnes et demeure une des plus importantes en son genre au pays.
Les marches se sont étendues à d’autres villes de Colombie-Britannique (Victoria, Nanaimo, Courtenay, Nelson, Kelowna, Merritt, Penticton, Grand Forks et Prince George) et ailleurs au Canada. Des Marches commémoratives des femmes ont maintenant lieu en Alberta (Edmonton et Calgary), en Saskatchewan (Saskatoon), au Manitoba (Winnipeg), dans plusieurs endroits en Ontario (Toronto, Ottawa, Kenora, Sault Ste. Marie, Thunder Bay, Réserve des Six Nations de la rivière Grand, Réserve des Mississauga de la Première Nation de New Credit, London), au Québec (Montréal) et à Terre-Neuve (St. John’s). Des marches se déroulent également aux États-Unis, à Denver (Colorado), Fargo (Dakota du Nord) et Minneapolis (Minnesota).
En tout, entre 40 000 et 50 000 personnes participent chaque année aux Marches commémoratives des femmes au Canada.
Impact
Des femmes autochtones disparaissent toujours dans le DTES de Vancouver. Selon le site internet de la Marche commémorative des femmes, des femmes autochtones continuent de disparaître ou d’être assassinées en nombre disproportionné, et peu de mesures sont prises pour éviter ces tragédies.
« Ceci est une cérémonie de guérison pour tous », dit Viviane Rose Sandy, une membre de la nation Shushwap, à la marche de Vancouver en 2019. « Nous marchons, mais nous formons un cercle. Pour nous, c’est un cercle sacré. »
« Je suis très émue chaque fois que cette marche a lieu », dit Carol Martin, une des organisatrices de la marche de la ville. « Les femmes des Premières Nations affrontent beaucoup d’obstacles systémiques dans la vie. » Elle remarque que beaucoup de Canadiens non-autochtones alimentent des stéréotypes au sujet des femmes des Premières Nations, évoquant les « obstacles systémiques » et le racisme. « Où puis-je marcher, en tant que femme d’une Première Nation, où je serai libre d’être moi-même ? Ils ne voient que des étiquettes. Ils ne voient que des stéréotypes. »
La tante de Cheryl Ann Joe, Gertie Pierre, et sa fille Melodie Casella, toutes deux travailleuses sociales, ont passé des mois à parcourir le Canada pour soutenir les familles qui ont témoigné dans les audiences de l’Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées au Canada (FFADA).
Des membres de la famille Pierre ont participé aux premières réunions avec les ministres provinciaux, territoriaux et fédéraux, lors des préparatifs de la commission d’enquête. En février 2016, ils ont également pris part à la deuxième table ronde nationale sur la commission d’enquête à Winnipeg. Gertie Pierre et Melodie Casella ont témoigné au sujet du traumatisme de l’assassinat de Cheryl Ann Joe en avril 2018, lors des audiences de l’Enquête sur les FFADA à Vancouver.
Signification
La Marche commémorative des femmes a sensibilisé l’opinion publique aux répercussions de la violence systémique sur les femmes et filles autochtones, et aux effets traumatiques des meurtres et disparitions non résolues pour les familles. En plus de fournir un puissant véhicule communautaire de deuil et de guérison, elle a amené l’opinion publique à demander plus de compréhension, de services et de collaboration de la part de l’Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées au Canada en ce qui a trait aux effets traumatiques.