Marie-Anna Roy, auteure et historienne (née en 1893 à Saint-Léon, au Manitoba; décédée en 1998 à Saint-Vital, au Manitoba). Fille d'un commerçant, futur agent de colonisation, et d'une femme au foyer, Adèle (dite Marie-Anna) naît cinquième d'une famille de onze enfants. Après ses études à l'Académie Saint-Joseph de Saint-Boniface et au Winnipeg Normal Institute, elle se lance dans l'enseignement, mais, personnalité très affirmée, en avance sur son temps, aigrie par les difficultés relationnelles et pécuniaires de sa famille, elle rompt très tôt avec son milieu. Trente-cinq ans durant, elle mène alors l'existence errante et nomade d'une institutrice pionnière à travers les plaines du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta. Souvent logée dans des conditions précaires, elle se heurte à des enfants rebelles, des parents d'élèves grossiers, des prêtres et des commissaires d'école intolérants et change une vingtaine de fois d'établissement, ne trouvant le réconfort que dans l'étude, la contemplation de la nature et l'observation de la vie des pionniers.
En 1934, elle obtient, à la force du poignet, un B.A. de l'U. de l'Alberta, mais atteinte de graves brûlures lors de l'incendie de son logement, doit abandonner son travail. De ce fait, elle acquiert, l'année suivante, une concession à Tangent (Alb.) et à 50 ans passés, se met en devoir de défricher et de cultiver la terre. Parallèlement, encouragée par le succès de sa sœur Gabrielle, elle entame une œuvre littéraire et historique de longue haleine, qui tourne principalement autour de deux thèmes: la vie des colons francophones dans les années 1885 et 1930-40, et la vie de sa propre famille. À travers son premier ouvrage, Le pain de chez nous (1954), qui raconte, à peine transposée, l'histoire des membres du clan Roy, elle tente de rétablir l'exacte vérité face aux « élucubrations romanesques » de sa benjamine. Il sera suivi, en 1958, de Valcourt ou La dernière étape, une chronique semi-autobiographique sur le parcours d'une institutrice devenue cultivatrice dans le nord de l'Alberta.
De 1959 à 1962, elle séjourne en France - où elle reçoit un accueil chaleureux dans les milieux littéraires - puis, de retour au Canada, se fixe à Montréal et fait successivement paraître La Montagne Pembina au temps des colons (1969), Les visages du Vieux Saint-Boniface (1970) et Les Capucins de Toutes-Aides (1977). En 1979, la publication de son témoignage, Le miroir du passé, qui décrit Gabrielle sous un jour peu favorable, provoque un certain scandale sans la combler, toutefois, du moindre honneur.
À partir des années 80, ses souvenirs de jeunesse vont constituer la matière essentielle de son œuvre: Cher visage (1988), À l'ombre des chemins de l'enfance (1990). Retirée au Foyer Valade, à Saint-Vital (Man.), souffrant de cécité et de troubles moteurs, elle continue néanmoins d'écrire jusqu'à l'âge de 102 ans. Paul Genuist, de l'U. de Saskatoon (Sask.), a consacré un ouvrage à ce destin exceptionnel: Marie-Anna Roy, une voix solitaire (Éditions des Plaines, 1992).
Érudite, passionnée de littérature et latiniste distinguée, cette femme hors du commun - qui rêvait de bâtir un Temple à la Francophonie - laisse, en hommage à l'Ouest et à la langue française, une œuvre considérable dont la valeur documentaire commence seulement àêtre perçue aujourd'hui: romans, monographies, récits de voyage, carnets intimes, chroniques, correspondances, et un nombre incalculable d'inédits (Les deux sources d'inspiration: l'imagination et le cœur; À vol d'oiseau à travers le temps et l'espace; Les entraves; Otium cum dignitate; Voyages en Europe; Grains de sable et pépites d'or; Journal intime d'une âme solitaire: Reflets des ans dans le miroir du passé; Indulgence et pardon; Surgeons). Parmi eux, des confidences qui nous forcent à nous interroger sur la genèse de certains textes de Gabrielle, puisée, selon l'auteur, à même ses propres écrits.
Quoique douée d'imagination, d'un sens certain de la psychologie et de la description, Marie-Anna condamne, en littérature, toute fiction, toute fantaisie et confond réalité et vraisemblance. Cependant, son style, mâtiné de classicisme et de romantisme, possède un grand charme et ne pèche par aucun défaut.
Esprit supérieur, égaré dans un monde qui ne la comprenait pas, insoumis et condamné à vivre dans l'ombre de sa sœur, cet écrivain « maudit » a profondément souffert de l'isolement dans lequel l'avait rejeté son entourage, en particulier certains universitaires de Saint-Boniface.