« Les Hollandais d’Arnhem ont aidé les forces alliées et ont aidé à en sauver le plus possible. »
Pour le témoignage complet de Mlle Ouborg, veuillez consulter en bas.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Je suis née en 1927 et nous vivions à Arnhem [aux Pays-Bas], qui est sur les rives du fleuve Rhin, au centre du pays. La chose était qu’ils choisissaient beaucoup de jeunes gens, des jeunes hommes qui étaient sur la rue en allant au travail ou pour une autre raison, ils les choisissaient et ils les mettaient au travail en Allemagne. C’était très méchant. Beaucoup de jeunes hommes ne pouvaient même pas aller à l’extérieur.
Plus tard, lorsque nous n’avions plus de nourriture, nous devions aller aux cuisines spéciales, où ils préparaient de la nourriture pour les gens qui avaient été déplacés. Plus tard, on ne voyait que des femmes, car les hommes ne sortaient pas pour aller chercher de la nourriture, parce que s’ils sortaient pour aller en chercher, ils pouvaient être ramassés par les Allemands et envoyés en Allemagne.
Nous avions d’autres membres de notre famille qui étaient impliqués dans le «clandestin», ce qui signifie aider les forces alliées. Nous avions des cousins et des frères cadets de ma mère et de mon père. Plusieurs avaient été emmenés aux camps et tués juste avant la fin de la guerre. C’était très, très méchant. Le frère de mon père a été tué. Il était plus âgé que mon père. Son fils aussi [a été tué], car ils travaillaient tous deux dans le «clandestin».
Les forces alliées sont également venues à Arnhem de l’Angleterre, et ils sont allés dans la zone rurale de l’Allemagne, puis ils ont bombardé. C’était une chose terrible parce que nous vivions du côté nord du Rhin, et nous pouvions voir du côté allemand. Nous pouvions voir les bombardements et les grands incendies. C’était très difficile à regarder. Il y avait aussi des lumières – des projecteurs de recherche – qui trouvaient les avions dans le ciel, et essayaient de les abattre. Nous avons vu cela aussi.
C’était en septembre 1944. Les Alliés ont commencé une partie de la guerre qui a été appelée [l’Opération] Market Garden*. C’était un assaut planifié pour faire reculer les Allemands derrière les lignes alliées. C’était tout juste au nord d’Arnhem. Leur plan était de sauver le pont de la destruction, le pont au-dessus du Rhin, pour que les forces alliées puissent venir du sud et utiliser le pont pour passer par-dessus le Rhin.
Ç’a été une partie difficile de la guerre pour les Hollandais d’Arnhem, parce que l’Opération Market Garden ne s’est pas déroulé comme prévu. Les Alliés ont envoyé de gros, gros avions pleins de parachutistes au-dessus d’Arnhem et plus au nord, où étaient les champs de bruyère et les grandes zones plates. Ils ont aussi envoyé desZweefvliegtuig, des planeurs. Ces planeurs étaient pleins d’armes et de camions et d’équipement militaire. L’équipage de ces planeurs sautait hors des avions et atterrissait dans les champs de bruyère. Ils se rassemblaient ensuite et vidaient les planeurs de tout l’équipement dont ils avaient besoin.
Ils ne pouvaient pas faire exactement comme prévu, parce que les Allemands étaient trop forts, et beaucoup d’entre eux ont été tués dans leur descente en parachute. C’était un temps terrible. Les Hollandais d’Arnhem ont aidé les forces alliées et ont aidé à en sauver le plus possible. Les Allemands étaient si fâchés de ça qu’ils ont ordonné d’évacuer la ville d’Arnhem d’ici cinq jours. Nous avons donc dû partir, et nous ne pouvions prendre que ce que nous pouvions transporter. Nous devions nous rendre au nord, parce que nous ne pouvions nous rendre au sud; c’était là où se déroulait la bataille. Nous ne pouvions donc qu’aller au nord vers des zones où nous pouvions peut-être trouver un endroit où habiter.
Beaucoup de gens aux Pays-Bas ont ouvert leur porte aux Hollandais d’Arnhem qui étaient sans foyer. Nous sommes également allés au nord, à Apeldoorn, et nous étions en compagnie de 12 personnes: notre famille et une autre famille de notre rue, qui avait trois enfants. Nous étions accompagnés également de notre grand-mère et notre grand-père, qui étaient venus de la région de Zeeland, où les Allemands avaient brisé la digue et laissé entrer l’eau. Ils ont dû partir, et ils demeuraient avec nous.
La nourriture est devenue de plus en plus rare, parce que nous avions des cartes de rations de la part des Allemands, parce que les Allemands étaient nombreux là-bas, et ils savaient que nous avions tous quitté Arnhem, et ils nous ont donné des cartes pour que nous puissions obtenir de la nourriture de ces cuisines. Ils nous ont donné d’autres cartes pour acheter d’autres objets essentiels, comme des couvertures ou un matelas sur lequel dormir. Mais nous dormions sur la paille, dans le grenier de cette petite maison où nous demeurions.
Jusqu’à la fin de la guerre, plus tard en 1945, lorsque les Allemands se sont retirés, ils ont brisé les digues là aussi, et l’eau a envahi l’endroit. Nous devions partir nous réfugier ailleurs, encore une fois. Nous sommes partis sur des bateaux plats avec tous les chevaux, les vaches et les porcs, qui avaient été sauvés de la noyade. Nous sommes donc allés dans une autre région qui était plus élevée, et nous y sommes restés. C’est à cet endroit où nous avons célébré la libération finale.
Les maisons étaient si pauvres. Elles devaient être réparées d’abordé. Nous avons donc été envoyés vers l’école, qui devait être ouverte à Utrecht, ville beaucoup mieux préservée, parce qu’elle n’avait pas subi les bombardements et tout le reste. Nous sommes donc allés à Utrecht, on nous a donné la maison d’une personne qui avait collaboré avec les Allemands – on les appelait les NSBeurs. C’était une époque très heureuse, très joyeuse.
Un lien très important s’est formé là-bas et, chaque année, beaucoup de Hollandais ouvrent leur porte à des Canadiens qui sont revenus aux Pays-Bas pour voir où était leur famille, ou encore pour visiter les tombes, car celles-ci sont très bien entretenues par les Hollandais. En fait, des groupes d’enfants d’école ont régulièrement pour tâche de prendre soin des tombes et d’apporter des fleurs. Ça se fait encore aujourd’hui, et les tombes sont bien entretenues. Un lien est ainsi créé de cette manière entre la Hollande et le Canada.
* L’OpérationGarden Marketa été lancée mi-septembre 1944. C’était le plus important assaut aérien de la Deuxième Guerre mondiale. Il consistait à parachuter des troupes derrière les lignes ennemies pour capturer et sécuriser des ponts que les troupes alliées terrestres allaient utiliser.
**Les citoyens hollandais qui ont collaboré avec les Allemands étaient appelés des NSBeurs, ce qui renvoyait au Nationaal-Socialistche Beweging (Mouvement national socialiste) présent dans le pays entre 1931 et 1945.