Robert Francis "Frank" Power (source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

Robert Francis "Frank" Power (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

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L'Institut Historica-Dominion
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Frank Power en août 2010.
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Frank Power
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Photo de Joe Power, le père de Frank Power.
Frank Power
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Insigne de la Marine Marchande porté sur la veste pendant les défilés.
Frank Power
Robert Frank Power
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Le John W. MacKay.
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Frank Power
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Médailles de service de Frank Power: Étoile de l'Atlantique; Médaille de Service des Volontaires Canadiens avec barrette; Médaille de guerre (1939-45).
Frank Power
Tout le monde prenait tout ce qu’il voulait. Il n’y a pas eu un seul magasin dans Halifax qui n’ait été liquidé. Et tout ça à cause de l’attitude négative des gens d’Halifax.

Transcription

Bon, je veux parler d’un cas particulier il s’agit du jour de la Victoire en Europe (8 mai 1945). Or, je me trouvais à bord du (SS) Lord Kelvin le jour de la Victoire en Europe et on faisait un travail au large de… J’étais au gouvernail. J’étais timonier, l’équivalent d’un matelot de 2ème classe. Je suis passé de chauffeur de chaudière, chauffeur de chaudière à charbon sur un autre navire, et c’est un boulot inhumain, vous ne pourriez pas le croire. Mais c’est comme, vous commencez tout décharné et quand vous ressortez vous êtes musclé comme Popeye, vous savez. J’ai encore la musculature aujourd’hui.

Les premières années au tout début, quand je suis entré là, la marine marchande perdait plus d’hommes que l’armée de terre, l’armée de l’air et les autres (branches)… Les hommes et les femmes qui étaient dans la marine marchande ont perdu plus de monde. Maintenant, c’était ce qu’on a raconté partout, on a commencé à faire pas mal de grabuge à Halifax pour qu’on puisse tous boire de la bière pareille et dans Hollis Street, c’était rempli de monde et les gens d’Halifax étaient aux premières loges pour nous regarder nous battre avec les gars de l’armée de terre, de l’air, toutes les branches, les mathurins, tout. C’était tous nos ennemis jurés ; on était plutôt bravaches quand on commençait à boire.

Et en tout cas, quand la nouvelle est arrivée, on a été les premiers à la recevoir parce qu’il y avait eu plusieurs fausses alarmes. Et au large de Terre-Neuve, oh non, Halifax, on était au large d’Halifax, et on a eu la première alerte et puis c’était une fausse alarme. Je crois qu’on a eu une autre alerte, fausse alarme. On a eu une autre alerte, c’est la bonne, la guerre est terminée.

Or, les gens d’Halifax nous ont accueillis de manière bien étrange. Alors d’accord, on était coincés sur notre navire, qui est arrivé ce jour-là, et les sifflets et les cornes et tout le reste ; il y avait des coups de feu et des sifflets et tout. On s’est retrouvé dedans tout au début, moi et un autre gars. Je ne vais pas mentionner le nom de l’autre gars, mais c’était un personnage, et j’étais un sacré gus moi aussi parce qu’on buvait beaucoup. Voici ce qui s’est passé. Le drapeau du Royaume-Uni était là, qui pendait sur le mât, on va dire, du Seamen’s Club. On a essayé plusieurs endroits, d’entrer à plusieurs endroits, ils ne voulaient pas de nous. Alors on est devenus plus vicieux, par exemple des gars nous faisaient passer une bouteille de ce club-ci ou de ce club-là, et on arrivait à picoler un peu. Alors quoi qu’il en soit, on est descendus au Seamen’s Club ; ils ne voulaient pas nous donner de bière. Alors on était tous très en colère à cause de ça. Et la guerre est terminée et ils refusaient de nous donner une caisse de bière ou une bouteille de rhum, ou quoi que ce soit. Ils n’ont pas, ils ne voulaient pas, et ça c’est vrai.

À part ce gars, on l’appelle Guizz, on l’appelait comme ça. On est montés là-haut et ils n’avaient pas de bière, ils avaient fermé. Alors on est montés à l’étage et il y avait ces trois drapeaux, et j’étais agile comme un singe, je pouvais aller partout sur le navire, grimper à toutes les cordes. En tout cas, Guizz était là et on a réussi à faire comme avec un lasso en quelque sorte, faire une boucle et faire quelques nœuds dessus, et j’ai grimpé avec ça, fait un nœud de calfat, le double nœud celui qu’on utilisait, pas un nœud simple dans ce cas-là. Alors on a descendu les drapeaux et Guizz a remonté son pantalon, jusque-là à peu près, et il a pris le drapeau et se l’est enroulé autour de la taille (comme une jupe), et il a commencé à descendre Hollis Street, ou Market Street, ou Water Street dans Saint John (Halifax).

On a traîné avec les drapeaux, en dansant une petite gigue. Or, pendant ce temps, après avoir bien arrosé tout ça, après être passés dans pas mal d’endroits, parce qu’un gars dans un club donnait une bouteille à quelqu’un comme moi, un cinglé avec une bouteille, mais ça s’est terminé, après que tout ça se soit passé, que moi et tous les autres qui étaient impliqués, on avait accès à tous les magasins d’alcool et les magasins de bière. Tout le monde prenait tout ce qu’il voulait. Il n’y a pas eu un seul magasin dans Halifax qui n’ait été liquidé. Et tout ça à cause de l’attitude négative des gens d’Halifax. Je dis ça ouvertement, c’est ce que j’ai ressenti à l’époque, on était là et on faisait marcher le business et tout le reste. Et ils ne nous ont montré aucun respect, pas de respect pour la marine marchande. D’un autre côté, les gens de la marine marchande n’étaient pas différents, mais l’armée de l’air, les matelots ou n’importe quoi, n’avaient pas droit à la même chose que la marine marchande. On était vraiment très en rogne à Halifax à propos de la manière dont les marchands, les propriétaires de magasins, je ne vais pas en inclure d’autres, mais toutes sortes de gens dans le commerce, et la loi, et tout, c’est juste, on ne s’entendait pas bien parce qu’on était un tas de gars plutôt bagarreurs.

Date de l'entrevue: 10 août 2010