Les activités financières des partis politiques au Canada étaient largement non réglementées jusqu’à l’adoption de la Loi sur les dépenses électorales en 1974. Le Canada dispose aujourd’hui d’un vaste régime qui régit le financement des partis politiques fédéraux, à la fois pendant et en dehors des périodes électorales. Cette réglementation favorise une plus grande transparence des activités des partis politiques. Elle assure également un système électoral équitable qui limite les avantages de ceux qui disposent de moyens financiers plus importants. Les partis politiques et les candidats sont financés à la fois par des fonds privés et publics. Les lois sur le financement électoral régissent la façon dont les partis et les candidats sont financés, ainsi que la manière dont ils peuvent dépenser leur argent.

Législation fédérale relative aux partis et au financement électoral
Financement privé
Les lois fédérales sur le financement des élections limitent les contributions apportées aux partis politiques et aux candidats. Seuls les individus, et non les sociétés ou les syndicats, peuvent faire des dons. En date de 2025, ces contributions sont limitées à 1750 $ par année pour chaque parti politique et à 1750 $ pour l’ensemble des associations de circonscription enregistrées, ainsi que pour les candidats à l’investiture du parti et les candidats de chaque parti. De plus, les donateurs peuvent verser jusqu’à 1750 $ aux candidats à la direction et jusqu’à 1750 $ aux candidats indépendants qui ne représentent pas un parti. (Ces limites sont fixées à 1500 $ en 2015. Le montant augmente de 25 $ le 1er janvier de chaque année.) Les campagnes doivent divulguer les noms de toutes les personnes qui font un don de plus de 200 $.
Un candidat peut verser jusqu’à 5000 $ pour sa propre campagne, tandis qu’un candidat à la direction peut dépenser 25 000 $ pour sa propre campagne. Chaque type de candidat est également autorisé à faire un don maximal standard de 1750 $ à un autre candidat ou à un candidat à la direction.
Financement public
Le système canadien de réglementation du financement des partis et des élections prévoit deux formes de financement public pour les partis politiques et les candidats.
Premièrement, les partis politiques et les candidats sont remboursés d’une partie de leurs dépenses électorales. (Voir Campagne électorale au Canada.) Les partis politiques qui ont obtenu soit 2 % des suffrages à l’échelle nationale ou soit 5 % des suffrages dans les circonscriptions où ils présentent des candidats se voient rembourser 50 % de leurs dépenses. Les candidats qui obtiennent au moins 10 % des suffrages reçoivent 15 % de la limite des dépenses électorales fixée dans leur circonscription. Si un candidat dépense au moins 30 % de cette limite durant les élections, le remboursement passe à 60 % de ce qu’il a dépensé.
Deuxièmement, le Canada accorde de généreux crédits d’impôt pour les dons à des partis politiques ou à des candidats. Les premiers 400 $ de dons donnent droit à un crédit d’impôt de 75 %. Les dons compris entre 400 $ et 750 $ donnent droit à un crédit de 50 %. Les montants supérieurs à 750 $ en dons donnent droit à un crédit de 33 %. Le crédit d’impôt total d’un particulier ne peut pas dépasser 650 $ pour une année.
Dépenses
Les partis politiques et les candidats sont soumis à des limites quant aux montants qu’ils peuvent dépenser durant des élections. Les partis politiques peuvent dépenser 73,5 cents pour chaque électeur dans les circonscriptions où ils présentent des candidats. Pour leurs campagnes locales, les candidats peuvent dépenser un montant basé sur la population de la circonscription dans laquelle ils se présentent. Ce montant se situe entre 75 000 $ et 115 000 $. Si la campagne électorale dure plus de 36 jours, comme c’est le cas en 2015, les limites fixées pour les partis et pour les candidats sont augmentées proportionnellement.
Des groupes ou des personnes autres que les partis politiques ou les candidats, qu’on appelle également des tierces parties, peuvent dépenser un montant maximum de 150 000 $ durant des élections. Ils ne peuvent pas dépenser plus de 3000 $ dans une même circonscription. Il est important de souligner que tous ces plafonds de dépenses ne s’appliquent que pendant la période des élections, soit entre la date de publication des décrets électoraux (lorsque les élections sont officiellement convoquées) et le jour du scrutin.
Législations provinciales et territoriales
Les provinces et les territoires canadiens ont adopté leurs propres règlements en matière de financement politique. Ceux-ci varient d’une province et d’un territoire à l’autre. Toutes les provinces et tous les territoires accordent des crédits d’impôt pour les contributions financières. Elles et ils exigent également la divulgation de l’identité des donateurs qui versent plus d’un certain montant.
La plupart des provinces et des territoires fixent des limites aux montants que les particuliers peuvent donner au cours d’une année donnée. Toutes les provinces et les territoires, à l’exception de l’Alberta et du Yukon, fixent également des limites sur les dépenses électorales. Le Québec, la Nouvelle-Écosse, le Manitoba et l’Alberta interdisent les contributions des entreprises et des autres organisations. Dans ces provinces, seuls les particuliers peuvent donner de l’argent aux partis politiques.
Contexte historique
Le Canada dispose aujourd’hui d’un régime complet qui réglemente le financement des partis politiques et des élections. Cela n’a toutefois pas toujours été le cas. Avant 1974, les activités financières des partis politiques sont largement non réglementées. À partir de la Confédération jusque vers 1897, les fonds des partis politiques sont utilisés pour pallier un déficit de partisanerie. À cette époque, certains députés partisans ne suivent pas toujours la ligne de leur parti. Par conséquent, les chefs des partis s’impliquent directement dans la collecte de fonds et dans la distribution des fonds électoraux afin de s’assurer de la loyauté de leurs partisans. Les libéraux et les conservateurs ont également tendance à s’en remettre aux dons des sociétés. Cela donne lieu à des scandales périodiques, comme le scandale du Pacifique. Toutefois, ces scandales ne suffisent pas à déclencher une réglementation complète du financement des partis politiques.
Au fur et à mesure que la loyauté des partisans se cristallise, les chefs de parti cherchent à se distancier des campagnes de collectes de fonds. Les spécialistes de collectes de fonds assument progressivement ce rôle. Les chefs de parti sont libérés de toute implication directe dans cet aspect de la politique des partis. (Voir Corruption politique; Conflit d’intérêts.)

Réglementation : Loi sur les dépenses d’élection de 1974
Les partis politiques du Canada commencent à rencontrer des difficultés financières dans les années 1960 et au début des années 1970. À cette époque, une série de gouvernements minoritaires entrainent des élections plus fréquentes. Simultanément, la publicité télévisée et les sondages font désormais partie intégrante des campagnes. Conséquemment, les partis politiques font face à une augmentation des coûts de campagne électorale. Ces facteurs conduisent à l’adoption de la Loi sur les dépenses d’élection en janvier 1974. Le cœur de cette nouvelle loi constitue une sorte de marchandage : en échange d’une réglementation plus stricte de leurs activités financières, les partis politiques reçoivent un financement public.
La Loi sur les dépenses d’élection établit la plupart des principes essentiels du régime réglementaire canadien. Elle met en place un système de crédits d’impôt pour les dons, un système de remboursement des dépenses électorales, ainsi que le principe de divulgation des dons électoraux supérieurs à 100 $. La loi fixe également des limites au montant de dépenses des candidats et des partis politiques pour leurs campagnes.
La Loi sur les dépenses d’élection allège les difficultés financières des partis politiques canadiens. Mais elle modifie également la base financière des partis canadiens. Le système de crédits d’impôt incite les particuliers à faire des dons aux partis. Plus important encore, il incite les partis politiques à solliciter les dons individuels. En tant que tel, ce nouveau système diminue la dépendance des partis politiques vis-à-vis des dons des sociétés.
Dépenses des tierces parties
Dans les trois décennies qui suivent l’adoption de la Loi sur les dépenses d’élection, le Parlement n’apporte que des modifications mineures à la réglementation des partis politiques et des candidats. La majorité des débats importants tournent autour de la réglementation des « dépenses des tierces parties », c’est-à-dire l’argent dépensé durant les élections par des personnes ou des groupes qui ne sont ni des partis politiques ni des candidats. En 1983, le Parlement interdit la publicité par des tierces parties pendant les élections. Toutefois, en 1984, la National Citizens Coalition conteste avec succès cette loi, arguant qu’elle constitue une violation de la Charte des droits et libertés.
En 2000, le Parlement adopte les limites actuelles imposées aux dépenses électorales des tierces parties. Ces limites sont maintenues par la Cour suprême en 2004. Les tierces parties sont autorisées à dépenser un maximum de 5166 $ dans une circonscription ou lors d’élections partielles, et un total de 602 700 $ lors d’élections générales.
Allocations des partis politiques
Le changement le plus important apporté au régime de financement électoral survient en 2004. À partir de cette année, les sociétés et les syndicats ne peuvent plus donner d’argent aux partis politiques. Au lieu, ils ne peuvent donner que des petits montants aux candidats. La loi place également une limite de 5000 $ sur le montant que les particuliers peuvent donner. En échange de cette élimination d’une source importante de financement des partis, le Parlement améliore le système des crédits d’impôt et le dispositif de remboursement des dépenses. Plus important encore, la loi établit une allocation trimestrielle. Elle verse aux partis politiques admissibles un montant de 1,75 $ par année pour chaque vote obtenu lors des élections précédentes. Les amendements de 2004 étendent également la portée de la réglementation financière à des questions qui étaient auparavant considérées comme des affaires internes des partis. Celles-ci comprennent les investitures ou les courses à la direction du parti.
Ces changements ont un effet important sur l’équilibre concurrentiel entre les partis politiques. Le Parti conservateur prospère grâce à sa capacité de collecter des fonds auprès des donateurs individuels. Le Bloc québécois s’en sort bien grâce au système de l’allocation trimestrielle. Cette législation contribue également à l’essor du Parti vert du Canada. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) connait un succès raisonnable sous ce nouveau régime. Les libéraux sont ceux qui obtiennent les pires résultats, en partie en raison de leur dépendance à l’égard des dons des entreprises. Ce résultat est plutôt ironique étant donné qu’ils sont les créateurs de cette nouvelle loi.
Changements de 2008 et crise de la coalition
Lorsque les conservateurs arrivent au pouvoir en 2006, ils apportent des modifications mineures au régime de 2004. Ils éliminent les dons des entreprises et des syndicats aux candidats. Les dons individuels sont baissés à 1000 $.
Après les élections de 2008, les conservateurs présentent un projet de loi visant à supprimer l’allocation trimestrielle. Ce projet de loi déclenche la crise de la coalition. Les partis d’opposition s’unissent pour tenter de remplacer le gouvernement conservateur minoritaire par une coalition entre les libéraux et le NPD, soutenue par le Bloc québécois. Le gouvernement cède. Cependant, après avoir obtenu un gouvernement majoritaire en 2011, il adopte une loi qui supprime progressivement l’allocation trimestrielle. Celle-ci prend officiellement fin au printemps de 2015.
En 2014, l’adoption de la Loi sur l’intégrité des élections apporte des modifications mineures à la législation canadienne sur le financement des partis politiques canadiens. Ces modifications comprennent une augmentation progressive du montant que les particuliers peuvent donner aux partis politiques et aux candidats (une limite de 1500 $ fixée en 2015 est augmentée de 25 $ par année) et une augmentation de la limite des dépenses.
Controverses
Étant donné que l’argent est une ressource si importante lors des élections, les lois sur le financement des partis font souvent l’objet de controverses. L’une des questions récurrentes est celle de l’équilibre approprié entre le financement privé et le financement public des partis politiques, ainsi que la manière appropriée d’octroyer du financement public. Les partisans du financement public font valoir qu’il favorise la transparence et qu’il réduit les risques de corruption. Ses opposants soutiennent que le financement public pourrait isoler les partis politiques de leurs membres et de leurs électeurs qui manifestent leur mécontentement en refusant de faire des dons. L’allocation trimestrielle est particulièrement controversée à cet égard. Par exemple, le Bloc québécois obtenait environ 90 % de ses recettes de sources publiques lorsque l’allocation trimestrielle était en vigueur.
Par ailleurs, le système de crédit d’impôt fournit un financement public aux partis. Mais il les encourage également à établir des relations avec les donateurs individuels. Cette forme de financement s’avère toutefois beaucoup moins transparente que les autres formes de financement public.
Une autre source persistante de controverse concerne les limites imposées aux tierces parties. Le régime de financement électoral du Canada reconnait les partis politiques et les candidats comme étant les principaux acteurs politiques dans les élections. Il impose également des limites plus strictes aux activités des groupes de défenses d’intérêts et aux autres qui cherchent à intervenir durant les élections. Cela limite la diversité des points de vue exprimés lors des élections. Cela empêche également les partis de contourner les plafonds de dépenses en demandant à des groupes de défense d’intérêts de faire de la publicité en leur nom. (Ce scénario est courant aux États-Unis.)
Une préoccupation plus récente concerne l’interaction entre les élections à date fixe et les limites de dépenses électorales. Les limites des dépenses électorales n’entrent en vigueur qu’au moment où les élections sont déclenchées et elles ne couvrent que la campagne officielle. Celle-ci dure habituellement 36 jours. Cependant, avec des élections à date fixe, les partis, les candidats et les tierces parties savent tous quand les élections auront lieu. Ainsi, ils peuvent faire beaucoup de publicité avant que les élections ne soient déclenchées. Cela rend les limites de dépenses beaucoup moins efficaces.
Importance
Au cœur des controverses mentionnées ci-dessus et de la réglementation même du financement des partis politiques, il existe une tension entre les principes démocratiques libéraux de liberté et d’égalité. D’un côté, les démocraties libérales reconnaissent la liberté de leurs citoyens à utiliser leurs ressources, incluant l’argent, afin d’atteindre leurs objectifs politiques. D’un autre côté, une telle liberté peut compromettre l’égalité politique fondamentale des citoyens en donnant à ceux qui ont accès à de plus grandes possibilités financières d’exercer une plus grande influence sur le processus électoral. C’est cet équilibre délicat que la réglementation canadienne du financement des partis politiques tente d’atteindre.
(Voir aussi Systèmes électoraux canadiens; Directeur général des élections; Participation politique; Campagne électorale.)