Pépin, Clermont
(Jean-Joseph) Clermont Pépin. Compositeur, pianiste, professeur, administrateur (Saint-Georges de Beauce, Québec, 15 mai 1926 - Montréal, 2 septembre 2006). Artist Diploma piano, composition (Curtis) 1944, Artist Diploma (RCMT) 1949, maîtrise en administration publique (École nationale d'administration publique) 1984. Il reçut ses premières leçons de piano et d'harmonie dans son village natal auprès de Georgette Dionne-Lagacé. À 12 ans, Wilfrid Pelletier le présenta comme compositeur et chef d'orchestre à une matinée des Concerts symphoniques de Montréal. Pelletier fit alors entendre un menuet de Pépin qu'il avait orchestré. Au Palais Montcalm, à Québec, la Société symphonique (Orchestre symphonique de Québec) présenta, le 23 janvier 1939, une symphonie de Pépin dirigée par J.-Robert Talbot, qui en avait réalisé l'instrumentation à partir de la version originale pour piano à quatre mains. Pépin reçut alors une bourse de 500 $ du comité de l'orchestre.
Débuts
En 1937, Pépin reçut un prix spécial de la Canadian Performing Rights Society pour son Invention pour piano et un Ave Maria. Il se rendit ensuite à Montréal pour étudier le piano avec Arthur Letondal et l'écriture avec Claude Champagne (1939-1941). Boursier du Curtis Institute de Philadelphie (1941-1944), il y étudia avec Jeanne Behrend (piano) et Rosario Scalero (composition). De retour à Montréal, il s'inscrivit au CMM (1944-1946), où ses maîtres furent Jean Dansereau (piano), Claude Champagne (composition), Louis Bailly (musique de chambre) et Léon Barzin (direction d'orchestre). Trois bourses de la CAPAC lui permirent ensuite d'étudier au RCMT (1946-1949) où ses professeurs furent Lubka Kolessa (piano), Arnold Walter (composition) et Nicholas Goldschmidt (direction d'orchestre). À sa sortie, il remporta la bourse Eaton Graduating Scholarship au montant de 1000 $.
Son Quatuor no 1 fut exécuté à la Eastman School of Music, à Rochester, dans l'État de New York, à l'occasion d'un symposium d'étudiants en composition (1948). D'autres œuvres importantes de cette période furent le Concerto no 1 pour piano et orchestre, créé à Montréal par le compositeur et l'os des jeunes, en 1946 (voir Orchestres des jeunes) ; les Variations symphoniques, œuvre primée à l'occasion d'un concours pour marquer le centenaire du collège Sainte-Marie de Montréal (1948), ainsi que la Symphonie no 1 créée à la src sous la direction de Jean-Marie Beaudet (1947). Ces œuvres s'inscrivent dans la tradition postromantique, mais font preuve d'originalité sur le plan de la construction et de la recherche instrumentale.
Gagnant du Prix d'Europe 1949 comme pianiste, Pépin fit ensuite un séjour prolongé à Paris (1949-1955). Il y travailla le piano avec Yves Nat et Lazare Lévy et la composition avec Arthur Honegger et André Jolivet. Au Conservatoire de Paris, il suivit les cours d'analyse d'Olivier Messiaen, et parmi ses condisciples se trouvaient Boulez et Stockhausen ainsi que Serge Garant et Sylvio Lacharité. Il s'initia à la technique sérielle et il avouera :« Je n'aimais pas la musique sérielle, mais elle m'intriguait. Ce n'est que peu à peu que j'ai commencé à employer cette technique dans mes œuvres jusque-là tonales. » Les œuvres qu'il écrivit à Paris marquent une orientation nouvelle de son style où se retrouve toutefois l'influence de Honegger. Guernica, œuvre symphonique d'après l'œuvre de Picasso, remporta le premier prix lors d'un concours organisé par l'Université Laval pour son centenaire (1952). À Paris, il exécuta, avec sa première femme, la pianiste Raymonde Gagnon, la version à deux pianos de son ballet Les portes de l'enfer à l'occasion d'un concert du groupe Pentacorde dont il faisait partie (1953). Une autre œuvre symphonique, Le rite du soleil noir, d'après un poème d'Antonin Artaud, obtint le deuxième prix dans un concours organisé par Radio-Luxembourg (1955).
De retour à Montréal, Pépin devint professeur de composition au CMM (1955-1964) ainsi que directeur des études avant d'accéder à la direction de l'établissement (1967-1973). Il y forma de nombreux élèves, notamment Micheline Coulombe-Saint-Marcoux, François Dompierre, André Gagnon, Jacques Hétu et André Prévost.
Œuvres
Il poursuivit néanmoins son activité créatrice et fit entendre, en 1957, son Quatuor no 2, sa première œuvre entièrement sérielle, ainsi que sa Symphonie no 2, commande de la SRC pour Les Petites symphonies. D'autres étapes marquantes furent le Quatuor no 3 et le Quatuor no 4. De cette dernière œuvre, le compositeur dira qu'elle « n'est pas l'aboutissement de mes recherches en technique sérielle, mais plutôt le commencement ». Avec Nombres pour deux pianos et orchestre, Pépin va encore plus loin dans l'utilisation des techniques contemporaines. Utilisant les procédés de Boulez avec ses formules mathématiques, il divise son effectif en 12 groupes dont deux sont les pianos. Des micros et des haut-parleurs répartis dans la salle font que l'auditeur est « complètement entouré de musique ».
Séduit par le théâtre et la danse, Pépin écrivit successivement deux ballets, L'oiseau-phénix et Le porte-rêve, le premier créé à la scène sous sa direction, avec chorégraphie de Ludmilla Chiriaeff, et le second à la télévision de la SRC, chorégraphie de Michel Conte. Pour la première fois, Pépin introduisit des éléments de jazz dans sa musique. Il signa de nombreuses partitions de musique de scène pour des productions du Théâtre-Club et du Théâtre du Nouveau Monde (1956-1964). Il revint au grand orchestre quand l'OSM lui commanda Quasars, Symphonie no 3, une œuvre dans laquelle il révéla son intérêt pour les sciences de l'espace.
En 1964, Pépin entreprit une série d'œuvres ayant pour titre Monade, mot qui veut dire « substance simple, active, indivisible ». Commande de la Fondation Samuel-Lapitsky, Monade I propose des séquences de notes tenues, sans vibrato, cherchant à imiter les sons électroniques. Monade II, également pour orchestre à cordes, demeure inachevée. Monade III, commande du Concours international de musique de Montréal 1972, est une œuvre de bravoure pour violon et orchestre. Dans ces œuvres, le style de Pépin évolue vers un certain dépouillement, mais la manipulation des sons et des rythmes s'affirme toujours aussi originale. Prismes et cristaux, pour grand orchestre à cordes, marqua un retour au classicisme inspiré du prélude et de la fugue. Dans Interactions, commande de la SMCQ, le compositeur reprit ses thèmes favoris de l'astronomie et de l'espace. Pour marquer sa 50e saison, l'OSM lui commanda Implosion, Symphonie no 5 qu'il créa en 1983.
Parmi ses dernières œuvres, citons Te Deum pour chœur et ensemble instrumental, dédiée aux Chanteurs de Sainte-Thérèse et créée le 2 juin 1991; La Messe sur le monde (édition révisée, créée par l'Orchestre symphonique de Québec, le 27 avril 1993, avec Joseph Rouleau chantant le rôle du grand prêtre); Prélude et passacaille sur le nom de Gilles Lefebvre (pour orchestre, 1999, une commande des Jeunesses musicales du Canada); et Trois improvisations (pour violoncelle et piano, 2003).
L'évolution créatrice de Clermont Pépin montre le développement intellectuel d'un homme soucieux de vivre et de comprendre son siècle, cherchant à exploiter au maximum les possibilités expressives d'une écriture libérée des cadres traditionnels et enrichie de techniques nouvelles. Déjà en 1964, après s'être engagé dans l'aventure sérielle, Pépin avoua : « Peut-être ai-je un cœur très sensible et très romantique. C'est là, je pense, l'une des premières raisons qui m'ont fait opter pour la musique sérielle, car pour moi cette musique n'est pas du tout intellectuelle. Au contraire, plus j'en fais, plus je trouve qu'elle ouvre un tout nouvel univers d'expression émotionnelle. » (Trente-quatre biographies, Montréal 1964).
Enseignement, postes administratifs, distinctions
En 1963, il fut un des fondateurs du Centre d'études prospectives du Québec; il a collaboré à un ouvrage du Centre, Le bruit, quatrième pollution du monde moderne (Montréal 1970). Conseiller cadre au MACQ (1974-1977), Pépin fut de nouveau professeur d'écriture et de composition au CMM et au CMQ de 1978 à 1987. Compositeur agréé du Centre de musique canadienne et membre de la LCComp, il siégea pendant plusieurs années au conseil d'administration de la CAPAC dont il fut vice-président (1966-1970) et président (1980-1982). Il fut aussi président national des JMC (1969-1972).
En 1980, Pépin fonda sa propre maison d'édition, Les Éditions Clermont Pépin, dans le but de publier l'intégrale de ses œuvres. La même année, le Concours international de musique de Montréal inscrivit sa Sonate pour piano à titre de pièce imposée. RCI lui a consacré un volume de sa collection Anthologie de la musique canadienne paru en 1980 (4-ACM 5). Depuis 1985, le Concours Clermont-Pépin octroie des bourses à des jeunes musiciens de la région de la Beauce. Pépin a remporté le Prix de musique Calixa-Lavallée en 1970 ; il fut nommé officier de l'Ordre du Canada (1981) et officier de l'Ordre national du Québec (1990). En 2003-2004, il fut boursier du Michener Visitor Fund à la Queen's University, un associé du Centre de musique canadienne et membre de la Ligue canadienne de compositeurs.
Il a épousé en secondes noces la violoniste Mildred Goodman.
COMPOSITIONS (Sélection)
Théâtre
Les portes de l'enfer, ballet : 1953; orch moy (2 p); ms.
Athalie, musique de scène : 1956; bois, cuivres; ms.
Le malade imaginaire, musique de scène: 1956; xyl, al, vc, perc; ms.
L'oiseau-phénix, ballet : 1956; orch; ms.
Orchestre
Variations : 1944; orch cdes; ms.
Variations symphoniques : 1947 (Mtl 1948); grand orch; ms; RCI 1 (J.-M. Beaudet).
Symphonie no 1 en si mineur : 1948 (Mtl 1949); grand orch; ms.
Guernica, poème symphonique : 1952 (Québec 1952); grand orch; ms; Audat 477-4001, CBC SM-4 et 4-ACM 5 (TSO).
Le rite du soleil noir, poème symphonique : 1955 (Luxembourg 1955); grand orch; Pépin 1990; RCI 155 et 4-ACM 5 (J.-M. Beaudet), Bell 1986 (O du Conservatoire de musique du Québec).
Adagio : 1947-1956; orch cdes; Pépin 1985.
Ronde villageoise de l'oiseau-phénix : 1956 (Mtl 1957); orch cdes; Pépin 1985.
Fantaisie : 1957; orch cdes; ms.
Symphonie no 2 : 1957 (Mtl 1957); orch moy; ms; RCI 213, RCA CCS-1007 et 4-ACM 5 (R. Leduc).
Monologue : 1961 (Mtl 1961); orch moy; Pépin 1989.
Trois miniatures pour cordes : 1963 (Toronto 1963); orch scolaire; OUP 1966, Pépin 1985.
Monade I : 1964 (Mtl 1964); orch cdes; Pépin 1987; RCA LSC-3128 et CRI SD-317 (Orchestre de chambre McGill).
Quasars, Symphonie no 3 : 1967 (Mtl 1967); grand orch; Leeds 1976; RCI 387, Sel CC-15.101 et 4-ACM 5 (OSM).
Chroma : 1973 (Guelph 1973); grand orch; ms.
Prismes et cristaux : 1974 (Mtl 1974); orch cdes; Pépin 1989.
Implosion, Symphonie no 5 : 1983 (Mtl 1983); grand orch; ms.
Soliste(s) et orchestre
Concerto no 1 : 1946 (Mtl 1946); p, orch; ms.
Concerto no 2 : 1949 (Mtl 1949); p, orch, ms.
Fantaisie (traditionnel) : 1957 (Mtl 1957); tén, SATB, orch; ms.
Nocturne : 1955-1959; p, orch cdes; ms.
Hymne au vent du Nord, cantate (A. DesRochers) : 1960 (Orford 1960); tén, petit orch (p); ms.
Nombres : 1962 (Mtl 1963); 2 p, orch; ms.
Monade III : 1972 (Mtl 1972); vn, orch; ms.
Concerto : 1988; mar, orch; ms.
Musique de chambre
Trois menuets : 1944; quat cdes; ms.
Quatuor à cordes no 1 : 1948; ms; RCI 12 et 4-ACM 5 (Quat à cdes Parlow).
Quatre monodies : 1955; fl; Leeds 1971; 2-Dom S-69006 (Aitken), (1980) 4-ACM 5 (Stewart)/SNE-Techn sonore SNE 665 (C. Régimbald, J. Riverin).
Quatuor à cordes no 2« Variations » : 1956; Pépin 1983; RCI 295 et 4-ACM 5 (Quat à cdes Orford).
Suite : 1958; vn, vc, p; Pépin 1988; RCI 514 (Trio de Mtl).
Quatuor à cordes no 3 : 1959; ms; Col MS-6364 (Canadian String Quartet).
Quatuor à cordes no 4« Hyperboles » : 1960; ms.
Séquences : 1972; fl, ht, trio cdes; ms.
Monade IV-Réseaux : 1974; vn, p; ms.
Monade VI-Réseaux : 1974-6; vn; Pépin 1984.
Quatuor à cordes no 5 : 1976; ms.
Interactions : 1977; 7 perc, 2 p; ms.
Nuclées : 1977; perc; ms.
Trio no 2 : 1982; vn, vc, p; Pépin 1982.
Monade VII : 1986; vn, al; Pépin 1986.
Piano
Andante : 1939; ms.
Petite étude nos 1, 2, 3et 4 : 1940, 1946, 1947, 1950; West 1948, Pépin 1986 (nos 1, 2, 3), ms (no 4); (nos 1, 2, 3) RCI 132 et 4-ACM 5 (R. Pratt).
Thème et variations : 1940; ms.
Andante pour piano : 1943; ms.
Toccate no 1 : 1946; Pépin 1982.
Sonate en un mouvement : 1947; Pépin 1980, 1990.
Thème et variations : 1947; Pépin 1982.
Étude-Atlantique : 1949 (rév 1982); Pépin 1982.
Nocturne : 1950; Pépin 1983. DT 2005 (Dimiter Terziev).
Suite : 1951 (rév 1955); Leeds 1973, Pépin 1984 (« Danse frénétique »); (« Allegro leggiero » et « Fantaisie en hommage à Arthur Honegger ») RCI 135 et 4-ACM 5 (J. Dufresne), (« Danse frénétique ») RCA CCS-1022 et 4-ACM 5 (Troup).
Le nez, berceuse, Les portes de l'enfer : 1953; FH 1953; (Les portes de l'enfer) 2-Dom S-69002 (Mould).
Pièces faciles pour piano : 1938-1953; Pépin 1982, 1989.
Deux préludes et Petite étude no 5 : 1954; ms.
Trois pièces pour « La légende dorée » : 1956 ; Clavecin ou piano; Leeds 1971; Pépin 1987. SHMW CD-001 (Allen Reiser)/APMQ CMC-001 et 002.
Ronde villageoise de l'oiseau-phénix : 1961 (rév 1986); 2 p; Pépin 1986; CBC SM-61 et 4-ACM 5 (V. Bouchard).
Toccate no 3 : 1961; Pépin 1983.
Pièces pour piano Vol. 2. 1958-1995. Pépin 1995
Ainsi que des pièces tirées Musique canadienne pour jeunes pianistes (2-CD, 1997) APMQ CMC 001 et 002 ; et Passacaglia (1950, org, ms).
Chœur ou voix
Cycle Éluard (Éluard) : 1949; sop, p; ms; RCI 148 et 4-ACM 5 (Alarie), RCI 426 (B. Laplante).
Ave Maria : 1946; SATB, org; Pépin 1989.
Cantique des cantiques (Bible) : 1950; SATB, p; ms.
Mouvement (traditionnel) : 1958 (Québec 1958); SATB, orch; ms.
Pièce de circonstance : 1967; ch d'enfants, ens instr scolaire; ms.
La messe sur le monde, Symphonie no 4 (Teilhard de Chardin) : 1974 ed. revé 1990 (pour basse, chœur et grand orchestre); Spkr, SATB, orch; ms.
Paysage : 1987; sop, cl, vc, p; ms.
Trois incantations : 1987; v, p; ms.
Te Deum. 1991. Chœur, ens. instr.
Écrits
« Musique », Vie des arts, I, II (janv.- févr., mars-avril 1956).
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La prospective et le décideur (Montréal 1988).
« Jean Papineau-Couture: Hommage d'un collègue », Circuit, XII, no 1.
Bibliographie
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John Vinton, éd., Dictionary of Contemporary Music (New York 1974).
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