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Philip Awashish

Philip Awashish, chef, négociateur, aîné, conseiller (né en 1948 près de Otter Trail Lake au Québec). L’aîné Philip Awashish est un chef et un négociateur cri qui a été conseiller auprès des peuples autochtones et des gouvernements du Québec, du Canada et des États-Unis. Il a également été grand chef adjoint du Grand conseil des Cris et chef de la Nation crie de Mistissini. Philip Awashish est l’un des dirigeants autochtones les plus influents du Canada.

L’aîné Philip Awashish

Jeunesse

L’aîné Philip Awashish naît en 1948 sous une tente à Inchoukw mehk Saakhiikun (Otter Trail Lake). Il est l’aîné des enfants des chasseurs traditionnels Agnès Voyageur et Isaiah Awashish. La famille parcourt son territoire au gré des saisons, en suivant les animaux. Philip Awashish a onze frères et sœurs.

En 1954, un agent des Indiens et deux agents de la Gendarmerie royale du Canada arrachent de force Philip Awashish, qui a alors six ans, de sa maison d’été familiale au bord du lac Mistassini pour l’emmener au pensionnat indien Bishop Horden Memorial (plus tard connu sous le nom de pensionnat indien de Moose Fort) à Moose Factory en Ontario. Il y demeure durant sept ans. Philip Awashish est ensuite transféré au pensionnat indien Shingwauk à Sault Ste. Marie en Ontario, pendant deux ans. Soumis aux abus et aux tentatives d’assimilation des pensionnats indiens, il perd sa culture et sa langue cries.

Il fréquente la Bawating Collegiate and Vocational Secondary School à Sault Ste. Marie. Il étudie ensuite les arts libéraux et le génie civil à l’Université McGill.

Convention de la Baie James et du Nord québécois

Le 30 avril 1971, le premier ministre du Québec Robert Bourassa annonce le gigantesque projet hydroélectrique de la baie James. Les initiateurs du projet, soit Hydro-Québec et le gouvernement du Québec, ne consultent pas au préalable les Cris de la baie James, dont le territoire, Eeyou Istchee, serait partiellement inondé pour les barrages. L’aîné Philip Awashish, alors âgé de 22 ans, organise la réponse crie en mettant sur pied le tout premier rassemblement des huit chefs d’Eeyou Istchee. Ce rassemblement est la toute première réunion délibérément politique d’Eeyou Istchee. L’événement en lui-même est une réalisation importante, d’abord parce qu’Eeyou Istchee s’étend sur plus de 400 000 km². Deuxièmement, les communautés sont nouvelles; les Affaires indiennes ont forcé les Cris à quitter leur système d’habitations saisonnières pour s’installer dans des communautés permanentes (voir aussi Ministères fédéraux des Affaires autochtones et du Nord). Troisièmement, les communautés sont éloignées et la plupart d’entre elles ne sont pas accessibles par les routes. Quatrièmement, le rassemblement doit être géré sans l’argent des Cris puisque les Affaires indiennes contrôlent tous leurs fonds. Et, finalement, cette situation doit être gérée en défiant la Loi sur les Indiens, qui prive les gouvernements autochtones de tout pouvoir effectif.

Après trois jours de délibérations (du 30 juin au 2 juillet 1971), les chefs cris acceptent d’aborder le projet hydroélectrique en discutant entre eux des différents aspects, mais en s’unissant comme une nation unie à une voix. Cette unité empêche les forces opposées de les minimiser ou d’utiliser les dissensions internes pour écarter leurs préoccupations. Philip Awashish et un ami du pensionnat indien, le chef Billy Diamond, sont chargés de recueillir des informations et de faire entendre cette voix unique.

Philip Awashish se rend d’une communauté à l’autre pour expliquer le processus et pour recueillir les commentaires des communautés en les filmant sur vidéo. Il montre ensuite ces vidéos aux communautés suivantes, recueillant ainsi davantage de commentaires. De cette manière, il crée le premier système de discussions politiques cries. Tous ces commentaires sont transformés en une réponse officielle de la part des Cris au projet proposé.

Philip Awashish se fait rapidement connaitre comme un négociateur redoutable et tenace. En 1973, le juge Albert Malouf reconnait explicitement, pour la première fois dans l’histoire législative canadienne, les droits inhérents des peuples autochtones. Il ordonne une injonction sur le projet hydroélectrique, forçant le gouvernement du Québec et Hydro-Québec à négocier avec les Cris et les Inuits. La Cour d’appel du Québec infirme par la suite cette décision, arguant que la convenance des colons l’emporte sur les droits des populations autochtones du Nord. Cependant, les gouvernements provincial et fédéral reconnaissent que le jugement Malouf marque un tournant dans le respect de l’existence des droits intrinsèques des Autochtones. Par conséquent, ils négocient avec les Cris et les Inuits.

En août 1974, le peuple d’Eeyou Istchee forme le Grand conseil des Cris pour trois objectifs principaux. L’organisation doit négocier la construction d’un barrage hydroélectrique selon les conditions des Cris. De plus, elle est chargée de négocier un traité moderne pour instituer un régime de gestion des terres d’Eeyou Istchee et pour consacrer les droits des Cris, incluant le droit à l’autonomie gouvernementale. Et finalement, elle représente les Cris qui pratiquent l’autonomie gouvernementale. Philip Awashish est grand chef adjoint et négociateur principal, des fonctions qu’il occupe jusqu’en 1988. Ces négociations mènent à la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ), le premier traité moderne du Canada, qui est signée le 11 novembre 1975. Philip Awashish est l’un des signataires.

Pour assurer la mise en œuvre adéquate de la CBJNQ, le Grand conseil des Cris intente plus de 30 poursuites contre les gouvernements. Toutes ces poursuites sont réglées à l’amiable. Le Grand conseil récupère et construit également des écoles, des cliniques de soins de santé et des communautés cries, ce qui améliore considérablement les conditions de vie à Eeyou Istchee.

En 1982, les droits issus de traités, y compris ceux découlant des revendications territoriales dans le cadre de la CBJNQ, sont reconnus et confirmés dans la Loi constitutionnelle de 1982 du Canada.

À travers ce parcours, Philip Awashish retrouve sa langue crie et certaines connaissances culturelles.

Autres projets et fonctions

En 1974, des images des visites communautaires qu’a filmées l’aîné Philip Awashish sont utilisées pour réaliser un documentaire produit par l’Office national du film du Canada. Le film, Cree Hunters of Mistassini (v.f. Chasseurs cris de Mistassini) remporte un prix BAFTA. Philip Awashish contribue au projet, en plus d’en assurer l’interprétation et la traduction.

Please embed this National Film Board of Canada video on the French side of the entry: https://www.nfb.ca/film/chasseurs_cris_de_mistassini/

De 1975 à 1984, Philip Awashish est négociateur principal et commissaire de la Commission crie-naskapie. Cette Commission, qui mène à une lutte particulièrement acharnée, aboutit à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Cette loi sépare complètement les Cris de la baie James (et les Naskapis) au Québec de la Loi sur les Indiens, mettant fin à son pouvoir sur eux. La loi modifie de manière permanente la relation entre les Cris de la baie James au Québec et le gouvernement fédéral. Il s’agit de la première loi de ce genre, et elle ouvre la voie à d’autres nations qui suivent. Il convient de noter que les 16 rapports de mise en œuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis doivent être présentés en français, en anglais, en cri et en naskapi. Cette directive établit un précédent selon lequel les langues crie et naskapie sont d’importance égale au Canada, au même titre que les langues officielles, qui sont le français et l’anglais.

De 1974 à 1989, Philip Awashish est chef exécutif et vice-président du Grand conseil des Cris. De 1978 à 1979, il est chef de la Nation crie de Mistassini (renommée plus tard Mistissini).

De 1975 à 1995, Philip Awashish est nommé membre de l’équipe canadienne chargée de négocier avec le gouvernement canadien et le gouvernement américain la modification de la Convention concernant les oiseaux migrateurs de 1916. Cette modification restitue aux chasseurs autochtones du Canada le droit de chasser les oiseaux migrateurs tout au long de l’année, alors que la Convention originale interdisait la chasse au printemps et en été.

Philip Awashish est largement reconnu comme le créateur du Programme de sécurité du revenu, le premier de ce genre au monde. Créé en 1976 pour faciliter la transition stable d’Eeyou Istchee vers une nouvelle économie, le programme offre une aide financière aux trappeurs et aux chasseurs cris qui pratiquent leur mode de vie traditionnel axé sur la terre. Ce programme présente ces modes de vie comme des choix de carrière viables et valorisés. Des études démontrent que le programme améliore la santé des participants.

En 2009, Philip Awashish reçoit un doctorat honorifique en droit de l’Université McMaster pour son travail sur le droit et la gouvernance des Autochtones.