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Pierre Poilievre

Pierre Poilievre, politicien, député de la Chambre des communes depuis 2004, ministre de cabinet, chef de l’opposition officielle de 2022 à 2025 (né le 3 juin 1979 à Calgary en Alberta). Pierre Poilievre a d’abord été élu député de la circonscription de Carleton (auparavant Nepean-Carleton) à Ottawa en 2004. Après avoir été le plus jeune député de la Chambre des communes, Pierre Poilievre est devenu ministre du cabinet dans le gouvernement du premier ministre Stephen Harper. Reconnu comme un partisan combatif avec une mentalité de chien d’attaque, Pierre Poilievre a été un critique acharné du premier ministre Justin Trudeau et de son gouvernement. Il est devenu le chef du Parti conservateur et de l’opposition officielle en septembre 2022. Il a perdu son siège lors des élections de 2025, mais son parti a augmenté son nombre de sièges et sa part des voix et a de nouveau formé l’opposition officielle. Pierre Poilievre devrait tenter de remporter un siège lors d’élections partielles dans la circonscription de Battle River-Crowfoot en Alberta.

Jeunesse et éducation

Pierre Poilievre naît à Calgary en Alberta. Sa mère, une adolescente célibataire, place son nouveau-né en adoption. Pierre Poilievre est adopté par deux enseignants, Donald et Marlene Poilievre. Pierre Poilievre confie plus tard que le fait d’avoir été adopté est l’un des fondements de ses opinions conservatrices, car cela lui démontre que la « générosité volontaire » est au cœur des communautés, plutôt que l’intervention gouvernementale dans la vie des gens.

Alors qu’il grandit dans la région de Shawnessy au sud-ouest de Calgary, Pierre Poilievre aime le hockey, la plongée et la lutte. Mais lorsqu’il devient jeune homme, il se découvre une véritable passion pour la politique. Tandis qu’il fréquente l’école secondaire Henry Wise Wood High School, il est membre du club conservateur et il participe à une simulation de modèle des Nations Unies à l’Université de Calgary. Pierre Poilievre vend des cartes de membre du Parti réformiste du Canada pour le futur ministre du cabinet fédéral et premier ministre de l’Alberta Jason Kenney. En 1996, à l’âge de 17 ans, il assiste à un congrès du Parti réformiste.

Début de son engagement politique

En 2008, Pierre Poilievre obtient un baccalauréat ès arts en relations internationales à l’Université de Calgary. Pendant ses études, il devient vice-président du Reform Club. Il fait également partie des dix finalistes qui remportent 10 000 $ au concours de dissertation « As Prime Minister ». Son texte de 2500 mots est intitulé « Building Canada through Freedom » (construire le Canada grâce à la liberté). Dans un argumentaire qui fait écho tout au long de sa carrière politique, Pierre Poilievre écrit que la liberté est le fondement de la prospérité personnelle des Canadiens et Canadiennes et de la démocratie du Canada. Les idées développées dans son essai reflètent sa lecture de Capitalism and Freedom de Milton Friedman, un livre que Pierre Poilievre qualifie plus tard « d’ouvrage charnière » pour sa pensée politique.

La dissertation de Pierre Poilievre lui vaut l’occasion de rencontrer le premier ministre Jean Chrétien. Démontrant très rapidement une propension pour lancer des piques partisanes, il déclare au Calgary Herald : « J’espère seulement qu’aucune de mes opinions n’offensera le premier ministre, parce que beaucoup d’entre elles sont en conflit avec le système désuet qu’il dirige depuis ces dernières années. »

Lorsque le Parti réformiste devient l’Alliance canadienne en janvier 2000, Pierre Poilievre se porte volontaire pour recueillir des fonds pour aider Stockwell Day à se faire élire avec succès à la direction du nouveau parti. Il accepte ensuite l’offre de Stockwell Day de devenir l’un de ses adjoints parlementaires à Ottawa.

Député au Parlement (2004-2008)

En décembre 2003, le Parti progressiste-conservateur et l’Alliance canadienne se fusionnent pour former le Parti conservateur du Canada, dirigé par Stephen Harper. Peu après, Pierre Poilievre remporte l’investiture du parti dans la circonscription de Nepean-Carleton dans la région d’Ottawa. Quelques mois plus tard, le premier ministre libéral Paul Martin convoque des élections pour le 28 juin 2004.

Pierre Poilievre se présente contre le libéral David Pratt, député depuis deux mandats et ministre de la défense. Pierre Poilievre confie à ses parents qu’il s’attend à perdre, mais il défait David Pratt par 3700 votes. À l’âge de 25 ans, il est le plus jeune député au Parlement.

Il s’attire une attention nationale pour ses attaques partisanes virulentes contre les personnes et les politiques auxquelles il s’oppose. Il est filmé en train d’insulter des membres de son comité, et il doit ensuite présenter ses excuses pour avoir fait un geste grossier dans la Chambre des communes. Il utilise l’expression raciste « tar baby » (bébé de goudron) en référence à une politique fédérale de tarification du carbone. Certains le qualifient de « chien d’attaque » de Stephen Harper. Pierre Poilievre justifie son style combatif en disant « je crois que les idées pour lesquelles je me bats méritent que je me batte pour elles, et pour faire cela, il faut fréquemment souligner les faiblesses des autres alternatives ». En 2006, les membres du personnel parlementaire élisent Pierre Poilievre en tant que député le plus travaillant.

Lors des élections fédérales de 2006, Pierre Poilievre est réélu avec 55 % des votes dans sa circonscription. Le Parti conservateur forme un gouvernement minoritaire. Le premier ministre Stephen Harper nomme Pierre Poilievre secrétaire parlementaire du président du Conseil du trésor. Sa réalisation la plus notable est sa contribution à la rédaction et à l’adoption de la Loi fédérale sur la responsabilité. Promulguée en décembre 2006, celle-ci vise à accroître la transparence en matière de financement des campagnes, de lobbying, de nominations, d’approvisionnements et de protection des dénonciateurs.

En juin 2008, un jour avant que Stephen Harper présente ses excuses aux peuples autochtones pour le rôle du gouvernement dans le système des pensionnats indiens, Pierre Poilievre dénigre la compensation financière qui doit accompagner les excuses. Il déclare : « Mon point de vue est que nous devons encourager les valeurs de travail assidu, d’indépendance et d’autonomie. C’est la solution à long terme; plus d’argent ne résoudra rien. » Le lendemain, il présente ses excuses à la Chambre des communes pour cette remarque.

Député au Parlement (2008-2013)

Lors des élections fédérales d’octobre 2008, Pierre Poilievre conserve son siège avec 55,8 % du vote. En novembre 2008, il est nommé secrétaire parlementaire du premier ministre et du ministre des Affaires intergouvernementales.

En 2009, le chef libéral Michael Ignatieff et le premier ministre Stephen Harper acceptent de former un groupe de travail pour préparer la réforme de l’assurance-chômage. Mais la réputation de partisan combatif de Pierre Poilievre est si forte que sa nomination dans le groupe est interprétée par beaucoup comme une tentative réussie de Stephen Harper pour la saboter.

En 2012, Pierre Poilievre défend l’idée de rendre les cotisations syndicales facultatives pour les employés de la fonction publique. Aux critiques qui l’accusent de vouloir détruire les syndicats, il répond : « Vous pouvez voir les choses ainsi. Pour moi, il s’agit d’une amélioration des droits et libertés des travailleurs. » Son travail contribue à l’adoption des projets de loi C‑377 et C‑525. Ces deux mesures législatives anti-syndicales sont ensuite abrogées par l’adoption du projet de loi C‑4 du Parti libéral en 2017.

Ministre du cabinet (2013-2015)

Lors du remaniement du Cabinet en juillet 2013, Pierre Poilievre est nommé ministre d’État (réforme démocratique). En février 2014, il dépose le projet de loi C‑23, la Loi sur l’intégrité des élections. L’opposition, les experts et les éditorialistes affirment que cette loi rendrait le vote plus difficile. Les querelles parlementaires et l’adoption de nombreux amendements aboutissent à l’adoption du projet de loi C‑23 en mai.

Dans un remaniement ministériel en février 2015, Pierre Poilievre est promu ministre de l’Emploi et du Développement social. Les conservateurs se concentrent déjà sur les enjeux économiques dans le but de remporter les élections à venir, alors cette nomination démontre la confiance accordée aux capacités de Pierre Poilievre.

En juillet 2015, Pierre Poilievre annonce que les paiements d’allocation canadienne pour enfants de moins de six ans passeront de 100 $ à 160 $ par enfant. Plus encore, cette augmentation sera rétroactive pour six mois, de telle sorte que les parents avec des enfants de moins de six ans recevront 420 $ par enfant, tandis que ceux qui ont des enfants âgés de six à dix‑sept ans recevront 520 $ par enfant. En raison de la date imminente des élections, les détracteurs qualifient cette annonce de pure manœuvre politique. Pierre Poilievre est critiqué pour avoir porté un polo bleu avec un logo du parti conservateur lorsqu’il a annoncé la nouvelle. Deux ans plus tard, le commissaire aux élections détermine que cet événement a enfreint les règles du financement électoral.

Député de l’opposition (2015-2022)

Le 19 octobre 2015, 184 candidats libéraux sont élus. Le parti forme un gouvernement majoritaire dirigé par Justin Trudeau. La circonscription de Pierre Poilievre fait partie de celles qui sont modifiées avant les élections et elle est renommée Carleton. Il est réélu avec 47 % du vote. Le candidat libéral, Chris Rodgers, termine deuxième avec 44 % des voix.

Les années qui suivent la démission postélectorale de Stephen Harper voient le Parti conservateur aux prises avec des chefs intérimaires et deux dirigeants décevants. Pendant cette période, Pierre Poilievre occupe la fonction de porte-parole du Conseil du Trésor; du ministère de l’Emploi et du Développement social; et ensuite du ministère des Finances.

Lors des élections fédérales d’octobre 2019, les libéraux sont réélus avec un gouvernement minoritaire. Pierre Poilievre est à nouveau réélu dans Carleton. Lorsque le chef du Parti conservateur Andrew Scheer donne sa démission, Pierre Poilievre se prépare d’abord à se présenter à la direction du parti. Mais il se retire ensuite, affirmant qu’il a besoin de temps pour s’occuper de sa jeune famille.

Pierre Poilievre remporte à nouveau sa circonscription aux élections du 20 septembre 2021. De nombreux partisans du Parti conservateur et membres du caucus considèrent que le chef conservateur Erin O’Toole a mal mené sa campagne, alors que les libéraux reviennent au pouvoir avec un autre gouvernement minoritaire. Erin O’Toole démissionne le 4 février 2022, deux jours après que 73 des 118 membres du caucus votent pour son remplacement.

Le lendemain, Pierre Poilievre annonce qu’il se présente à la chefferie du Parti conservateur. Fidèle à ses convictions depuis l’école secondaire, il déclare que son objectif est de faire « des Canadiens le peuple le plus libre sur Terre ».

Campagne à la chefferie en 2022

Tout au long de sa campagne pour la direction du parti, Pierre Poilievre affirme qu’il ne se présente pas pour devenir chef du Parti conservateur, mais pour devenir premier ministre, afin de rendre les Canadiens plus libres. Au début de 2022, le Convoi de la liberté bloque temporairement un passage frontalier entre le Canada et les États-Unis en Alberta, et il occupe ensuite le centre-ville d’Ottawa du 29 janvier au 21 février. Les activistes réclament la fin de la vaccination obligatoire contre la COVID‑19 et la démission du premier ministre Justin Trudeau. Pierre Poilievre appuie sans réserve les manifestations. Le 28 janvier, il se laisse filmer avec les dirigeants de la manifestation et affirme que ceux-ci représentent « les gens qui veulent se tenir debout et défendre leurs libertés ».

Les sondages indiquent que Pierre Poilievre est en tête tout au long de la campagne à la direction du parti. Ses détracteurs soulignent ses déclarations les plus controversées. Celles-ci comprennent sa promesse de congédier le gouverneur de la Banque du Canada et sa suggestion que la population canadienne échappe à l’ inflation en investissant dans les cryptomonnaies. Toutefois, il attire des foules importantes dans plus de 80 de ses événements de campagne et les sondages lui donnent une avance croissante sur les autres candidats, comme l’ancien premier ministre du Québec Jean Charest et le maire de Brampton Patrick Brown. La campagne de Pierre Poilievre vend 311 958 adhésions au parti. Ce chiffre est stupéfiant, quand on considère qu’Andrew Scheer a remporté la direction du parti en 2017 après en avoir vendu moins de 10 000.

Lorsque Pierre Poilievre remporte la chefferie du Parti conservateur le 10 septembre 2022, au premier tour avec 68,2 % du vote, sa victoire est déjà considérée comme évidente. Dans son discours de victoire, Pierre Poilievre s’engage à aider les Canadiens qui sont touchés par la volatilité de l’économie post-pandémique. Il affirme que les Canadiens et Canadiennes « ont besoin d’un premier ministre qui les écoute, qui leur redonne l’espoir d’avoir à nouveau les moyens de s’acheter une maison, une voiture, de payer leurs comptes, de se nourrir, d’avoir une retraite sûre, et si Dieu le veut, de réaliser leurs rêves s’ils travaillent fort. »

Chef du Parti conservateur, de 2002 à aujourd’hui

Le 13 septembre 2022, Pierre Poilievre présente son équipe de neuf personnes qui dirigera l’opposition officielle. Il déclare que sa principale mission est de stopper les hausses d’impôt proposées par le gouvernement et de lutter contre l’inflation. Il surnomme ce problème « Justinflation » dans un effort de rejeter le blâme sur Justin Trudeau.

Le premier ministre Justin Trudeau manque les deux premières périodes des questions de la nouvelle session de la Chambre des communes pour assister aux funérailles de la reine Elizabeth II et à une assemblée générale des Nations Unies. La première occasion pour Pierre Poilievre de confronter Justin Trudeau en tant que nouveau chef de l’opposition se présente le 22 septembre. Il annonce qu’il compte conserver son esprit partisan virulent lorsqu’il déclare, en français : « C’est bon de voir le premier ministre, qui est venu au Canada pour faire le plein d’essence de son avion privé. » Dans les questions qui suivent, il attaque le gouvernement pour son incapacité à mettre fin à l’inflation. En tant que chef de l’opposition, Poilievre fustige sans relâche les politiques de Justin Trudeau et du Parti libéral. Les affirmations selon lesquelles « le Canada est brisé » et que Pierre Poilievre et les conservateurs sont les seuls à pouvoir le réparer deviennent le credo du Parti conservateur. Les espoirs d’un effondrement rapide du deuxième gouvernement minoritaire de Justin Trudeau sont tempérés par l’accord de soutien sans participation conclu entre les libéraux et le NPD en mars 2022. Le NPD accepte de soutenir le gouvernement libéral dans toutes les motions de confiance jusqu’en juin 2025, en échange du soutien des libéraux à des politiques du NPD comme les soins dentaires et l’assurance-médicaments.

Bien que l’accord tienne les conservateurs à l’écart, Pierre Poilievre en profite pour mettre les libéraux et le NPD dans le même panier. Alors que le Canada est aux prises avec un malaise post-pandémique et une inflation galopante, les libéraux et le NPD chutent dans les sondages d’opinion, tandis que les conservateurs progressent régulièrement. Le changement d’image adopté par Pierre Poilievre en juillet 2023, lorsqu’il abandonne ses lunettes et commence à porter des tenues plus flatteuses, semble également projeter une certaine force. « Que je porte des lunettes ou non, j’ai la meilleure vision pour le pays », déclare-t-il. En août 2023, Pierre Poilievre a dix points d’avance sur Justin Trudeau dans les sondages.

Au début de 2024, un scandale éclate autour de l’application ArriveCan du gouvernement de Justin Trudeau, lancée en 2020 pour les passages frontaliers. L’application, qui est censée coûter 80 000 $, coûte finalement la somme faramineuse de 60 millions de dollars. Pierre Poilievre la présente comme la preuve du gaspillage et de l’incompétence des libéraux. En juin 2024, les conservateurs remportent une nouvelle victoire sur les libéraux en difficulté lorsqu’ils gagnent des élections partielles dans Toronto–St. Paul’s, qui est détenue par les libéraux depuis 1993.

En septembre 2024, l’amalgame fait par Pierre Poilievre au sujet des libéraux et du NPD s’avère si efficace que le chef du NPD, Jagmeet Singh, préfère « déchirer » l’accord de soutien sans participation plutôt que de voir le NPD chuter encore davantage dans les sondages. À la fin de 2024, Pierre Poilievre et les conservateurs disposent d’une confortable avance nationale de plus de 20 points. Une large majorité gouvernementale lors des élections imminentes semble presque certaine.

Cependant, le 6 janvier 2025, après des mois de spéculations sur son avenir politique et plusieurs défections au sein de son Cabinet, un Justin Trudeau assiégé annonce qu’il démissionne de son poste de chef libéral et de premier ministre. Deux semaines plus tard, le président américain nouvellement investi, Donald Trump, entame son deuxième mandat en menaçant le Canada d’une guerre commerciale dans le but de l’annexer pour en faire le 51e État. Le nationalisme au Canada monte en flèche et les inquiétudes concernant la souveraineté du pays deviennent un enjeu électoral majeur. Le 14 mars 2025, Mark Carney, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, devient le nouveau chef libéral et le premier ministre. Sa première mesure en tant que premier ministre est de supprimer la taxe sur le carbone à la consommation.

Alors que le terrain se déroule rapidement sous ses pieds, Pierre Poilievre a de la difficulté à demeurer en équilibre. Son affirmation selon laquelle « le Canada est brisé » et ses appels répétés à une « élection sur la taxe sur le carbone » ne correspondent plus au discours national. De plus, ses positions de droite, ses similitudes avec Donald Trump dans son style et sa rhétorique, et son affinité pour le mouvement MAGA de Donald Trump axé sur la « liberté » semblent soudainement jouer fortement contre lui.

Élections de 2025

Le 24 mars 2025, lorsque le premier ministre Mark Carney convoque des élections anticipées pour le 28 avril, les sondages démontrent que les libéraux et les conservateurs sont à nette égalité. Mais le momentum continue de pencher en faveur des libéraux ressuscités. Un sondage publié par 338 Canada le 28 mars indique 41 % des intentions de vote pour les libéraux à l’échelle nationale, contre 37 % pour les conservateurs. Chose plus inquiétante encore, les libéraux détiennent une avance de 15 points en Ontario, qui est riche en électeurs. Pour aggraver davantage la situation, un sondage Abacus Data révèle que 55 % des électeurs attribuent à Mark Carney le mérite d’avoir éliminé l’impopulaire taxe sur le carbone, contre 28 % pour Pierre Poilievre, qui a passé plus de deux ans à faire campagne contre elle.

Tout au long de la campagne, Pierre Poilievre doit continuellement expliquer pourquoi il a refusé d’obtenir une habilitation de sécurité et de se soumettre à la rigoureuse vérification de ses antécédents que cela implique. Il explique que c’est pour pouvoir s’exprimer librement sur les enjeux et ne pas être « muselé » par l’impossibilité de discuter de sujets confidentiels. Il suggère également que son habilitation de sécurité précédente, obtenue alors qu’il était ministre du cabinet douze ans plus tôt, prouve qu’il n’a rien à cacher. Mais Ward Elcock, l’ancien directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), déclare : « Ça ne fonctionne pas comme ça. Les habilitations de sécurité ne durent pas si longtemps. » Wesley Wark, un expert en sécurité nationale et en renseignement, affirme que « la position de Pierre Poilievre n’a aucun sens pour quiconque comprend la nature des habilitations de sécurité ». Pierre Poilievre doit également faire face à des allégations du SCRS rendues publiques le 25 mars, selon lesquelles des agents indiens auraient tenté d’interférer dans la campagne à la direction du Parti conservateur de 2022, qu’il a remportée. Il réplique en affirmant qu’il a « remporté la course à la direction du Parti conservateur de manière équitable et honnête ».

De plus, Pierre Poilievre est critiqué par d’autres conservateurs. Le stratège conservateur Kory Teneycke, le directeur de campagne de Doug Ford, le premier ministre de l’Ontario, accuse l’équipe de Pierre Poilievre « d’irrégularités lors de la campagne » pour avoir laissé passer une avance de 25 points et s’être retrouvée avec 10 points de retard. Kory Teneycke déclare au Toronto Star le 10 avril qu’à moins que Pierre Poilievre et les conservateurs « ne s’attaquent rapidement au problème, ils vont être pulvérisés ». Kory Teneycke exprime également son inquiétude envers « tout ce côté trumpiste » de la campagne de Pierre Poilievre. « Il ressemble beaucoup à Trump », déclare-t-il. « Je pense donc qu’il y a un manque de cohérence. » Kory Teneycke ajoute « pour ce qui est de Ford, parfois la vérité fait mal. » Lorsque Pierre Poilievre contacte Doug Ford le 17 mars pour la première fois depuis qu’il est devenu chef du Parti conservateur fédéral deux ans et demi plus tôt, Doug Ford lui conseille de concentrer sa campagne sur Donald Trump et les tarifs douaniers. Dans le Hamilton Spectator, le commentateur politique Craig Wallace déclare que Pierre Poilievre « devrait tourner son caractère de “chien d’attaque” contre Donald Trump ».

Mais Pierre Poilievre et son équipe de campagne préfèrent miser sur les questions de maintien de l’ordre et du coût de la vie plutôt que de se concentrer sur les menaces que pose Donald Trump. Pierre Poilievre promet de lutter contre le trafic du fentanyl en imposant des peines d’emprisonnement à vie obligatoires. Il propose également une loi qui vise à imposer une peine selon le style américain du « trois fois et c’est terminé » avec la peine maximale d’emprisonnement à vie, et il s’engage aussi à mettre en œuvre son programme de répression de la criminalité en recourant à la clause nonobstant pour outrepasser certains droits garantis par la Charte. Il dévoile également son plan « Boots Not Suits » (des bottes, et non des complets) qui vise à accroître la formation et le soutien financier des travailleurs exerçant des métiers spécialisés. Ce plan est approuvé par plusieurs syndicats à travers le pays. « Les libéraux et les lobbyistes veulent que j’arrête de parler des prix élevés des denrées alimentaires », déclare Pierre Poilievre à un journaliste le 14 avril. « Ils veulent que j’arrête de parler du doublement des coûts du logement pendant la décennie perdue des libéraux. Je ne vais pas arrêter d’en parler. » Au lieu de cela, le fait de souligner les effets de « la décennie libérale perdue » et les dangers potentiels d’accorder aux libéraux un quatrième gouvernement consécutif devient le nouveau credo du parti.

Les tentatives des conservateurs pour prêcher ce credo sont quelque peu sapées par le contrôle restrictif exercé par Pierre Poilievre sur les membres de son caucus, qui ne sont pas autorisés à parler à la presse, et par sa relation conflictuelle avec les médias. La campagne de Pierre Poilievre interdit aux journalistes de voyager avec l’équipe de campagne comme c’est la coutume, et elle limite à quatre le nombre de questions qui peuvent lui être posées à chaque apparition. (Lors d’un événement, Pierre Poilievre traite de « manifestant » un journaliste qui a crié une question non autorisée.) Pierre Poilievre et sa directrice de campagne, Jenni Byrne, sont critiqués pour ce que la CBC considère comme une « main de fer du parti sur le contrôle des messages ». David Colletto d’Abacus Data remet ouvertement en question la raison pour laquelle Pierre Poilievre continue à mener une campagne de favori, même si « cette stratégie ne semble pas fonctionner parce que le paysage en entier a changé ».

Mais cette stratégie porte éventuellement ses fruits. Lors de la dernière semaine de campagne, les questions de l’accessibilité et du coût de la vie ont dépassé celles sur les relations canado-américaines et la souveraineté canadienne comme enjeu électoral prioritaire. Les conservateurs réussissent ainsi à combler l’écart avec les libéraux dans les sondages. Cependant, la cote de popularité de Pierre Poilievre demeure faible. Une semaine avant les élections, l’Institut Angus Reid évalue sa cote de popularité globale à 38 %, un record pour lui, contre 54 % pour Mark Carney. Également au cours de cette dernière semaine, l’équipe de campagne de Pierre Poilievre commence à investir les ressources du parti dans sa circonscription, qu’il détient depuis 2004, par crainte qu’il ne la perde.

De nombreux sondages préélectoraux prédisent un gouvernement libéral majoritaire, mais le jour du scrutin, les conservateurs obtiennent de meilleurs résultats que prévu. Le parti augmente son nombre de sièges en remportant 23 sièges de plus, soit plus que tous les autres partis. En fin de compte, les élections s’avèrent être une course à deux. Les libéraux et les conservateurs obtiennent ensemble 85,1 % des voix. Les libéraux remportent 170 sièges (à 2 de la majorité) avec 43,8 % des voix, tandis que les conservateurs obtiennent 41,3 % et 143 sièges. Il s’agit du plus grand nombre de voix obtenues pour le Parti conservateur depuis les élections de 1988. C’est également la première élection depuis les années 1930 où deux partis terminent tous deux avec plus de 40 % des voix. Les résultats très serrés se reflètent dans le nombre surprenant de courses électorales qui se jouent avec des marges de votes incroyablement étroites. Par exemple, les libéraux remportent la circonscription de Terrebonne dans la région de Montréal par une voix seulement. (À la mi-mai, des recomptages judiciaires sont encore en cours dans certaines circonscriptions.) Le taux de participation atteint un solide 68,7 %, le plus élevé depuis 1993, mais il est tout de même inférieur aux prévisions de certains experts, compte tenu de l’enjeu important de ces élections.

Mais alors que les conservateurs dépassent légèrement les attentes, Pierre Poilievre échoue dans sa propre circonscription. Il obtient 45,7 % des voix à Carleton, contre 50,9 % pour le candidat libéral Bruce Fanjoy. Le soir des élections, alors que la défaite des conservateurs est confirmée mais que le résultat final à Carleton est toujours inconnu, Pierre Poilievre déclare à ses partisans : « Je continuerai à me battre, chaque jour, et nous n’abandonnerons jamais notre lutte pour le peuple canadien. »

Conséquences des élections de 2025

Immédiatement après les élections, la querelle de longue date entre les conservateurs fédéraux et les progressistes-conservateurs provinciaux du Canada éclate. Alors que le dépouillement des votes est toujours en cours dans sa circonscription, le député conservateur réélu Jamil Jivani s’en prend au premier ministre de l’Ontario Doug Ford, l’accusant d’avoir saboté les élections et d’avoir fait du battage médiatique pour le Parti libéral. Doug Ford répond : « La dernière fois que j’ai vérifié, Pierre Poilievre ne s’est jamais manifesté lors de nos élections [le 27 février]. En fait, lui, ou l’un de ses lieutenants, a dit à tous ses membres : “N’osez surtout pas aller aider les progressistes-conservateurs.” N’est-ce pas ironique? » Le lendemain des élections, Tim Houston, le premier ministre progressiste-conservateur de la Nouvelle-Écosse, déclare : « Je pense que le Parti conservateur du Canada a très bien réussi à repousser les gens, mais il n’a pas été très bon pour les attirer… J’espère qu’ils feront preuve d’introspection. »

Cependant, contrairement aux propos de Tim Houston, les conservateurs réussissent en fait à attirer de nouveaux électeurs dans leur parti. Le PCC réalise des gains importants chez les électeurs jeunes, multiethniques et ceux de la classe ouvrière, même s’il demeure nettement en retrait chez les femmes et les électeurs plus âgés. Les conservateurs réussissent à ravir 14 circonscriptions aux libéraux et 11 au NPD. Ces circonscriptions comprennent sept conscriptions ravies aux libéraux dans la région du Grand Toronto (RGT) et quatre au NPD en Ontario et en Colombie-Britannique. La percée dans la région du Grand Toronto, où l’accent mis par Pierre Poilievre sur la criminalité s’avère déterminant, suffit à priver les libéraux d’une majorité. De nombreux observateurs attribuent d’ailleurs au plan « Boots Not Suits » de Pierre Poilievre le mérite d’avoir contribué à convertir les électeurs ouvriers du NPD, plus particulièrement en Ontario et en Colombie-Britannique.

Alors que la poussière retombe, la question la plus urgente pour le Parti conservateur est de savoir s’il doit conserver Pierre Poilievre à la tête du parti. Certains se demandent s’il a suffisamment d’attrait pour mener son parti jusqu’à la ligne d’arrivée, d’autant plus que le fait qu’il soit si semblable à Donald Trump est passé d’un avantage pour les conservateurs à un handicap pour une grande partie du reste du pays. Comme le déclare une « source chevronnée du parti » au Toronto Star à propos de Pierre Poilievre : « Il divise. Il polarise. Il est tellement agressif. Et il a poussé vers le Parti libéral des gens qui auraient normalement voté pour d’autres partis politiques. Ce n’est pas une stratégie gagnante pour nous. » Dans son analyse postélectorale, Dan Letts du Winnipeg Free Press se demande : « Est-ce que Pierre, le chien d’attaque en colère des Tories, peut apprendre à cesser d’effrayer le voisinage? » Parallèlement, en référence à la répression des communications du parti, le Hub se demande : « Est-ce que le Parti conservateur pourrait se détendre et laisser le public entrer? »

Mais avec plusieurs gains électoraux à son actif, et surtout avec l’absence d’un rival clair au sein du parti, le leadership de Pierre Poilievre semble assuré. Le 6 mai, le Parti conservateur annonce qu’il a choisi l’ancien chef Andrew Scheer comme chef de l’opposition intérimaire pendant que Pierre Poilievre tente d’obtenir un siège au Parlement lors d’élections partielles dans la circonscription de Battle River-Crowfoot en Alberta. Andrew Scheer déclare que Pierre Poilievre devrait « absolument » demeurer chef et il lui attribue le mérite des « gains historiques » du parti lors des dernières élections. Comme Matt Gurney lui fait écho dans le Toronto Star : « Poilievre a obtenu une plus grande part des voix cette fois-ci que les cinq derniers premiers ministres qui ont remporté la majorité. Je comprends donc pourquoi les Tories souhaitent maintenir le cap et considérer cette victoire comme un coup de chance. Ils pourraient bien avoir raison. »

Vie personnelle

Pierre Poilievre rencontre Anaida Galindo, d’origine vénézuélienne, alors qu’elle travaille comme adjointe parlementaire. Ils se marient au Portugal en décembre 2017. Ils ont deux enfants; Valentina (née en 2018) et Cruz (né en 2021).

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