Origines
Même si les causes sous-jacentes de la récession sont diverses et font toujours l’objet d’un débat, il est largement reconnu que la crise financière mondiale a été déclenchée par la bulle immobilière suivie de l’effondrement des prix de l’immobilier qu’ont connus les États-Unis dans les années 2000.
Marché immobilier américain
En 2001, l’économie américaine fait face à une récession et la Réserve fédérale américaine – le système bancaire central du pays – baisse les taux d’intérêt à titre de mesure contracyclique (voir Politique monétaire). La baisse des taux d’intérêt permet aux ménages de contracter des hypothèques plus substantielles, augmentant la demande de logement aux États-Unis. L’augmentation des prix qui en résulte stimule la construction résidentielle; l’accroissement des emplois et de la production dans le secteur immobilier constitue un important facteur du redressement de l’économie américaine.
L’un des facteurs qui contribuent à la hausse des investissements immobiliers est un afflux massif d’investissement étranger aux États-Unis, notamment de la Chine : en 2006, le déficit du compte courant américain atteint 6 % du PNB (voir Balance des paiements). Une bonne partie de ce capital étranger est ensuite consacré au secteur immobilier américain, offrant une réserve d’épargne bonifiée aux ménages souhaitant du financement hypothécaire.
Le marché immobilier est connu pour ses cycles d’expansion et d’éclatement, et vers le milieu des années 2000, le prix du logement montre plusieurs caractéristiques d’une « bulle ». Les bulles de prix d’actifs surviennent quand des investisseurs font des achats selon leur capacité potentielle de revente avec profit plutôt que sur les qualités inhérentes de l’actif même.
Au début de 2006, le prix du logement aux États-Unis atteint un sommet. Le secteur immobilier ralentit, et l’économie américaine entreprend une transition d’investissement et d’emploi vers d’autres secteurs. Cette transition ne se fait pas sans heurts : en décembre 2007, les États-Unis plongent dans une récession.
Crise financière
Au départ, on appréhende l’impact de la chute des prix du logement sur la richesse des ménages : moins on possède d’argent, moins on dépense. Le choc de richesse est généralement perçu comme gérable : les pertes estimées sont moindres que celles subies durant l’effondrement, survenu quelques années plus tôt, du marché boursier dû à la bulle électronique. Mais le problème le plus fondamental s’avère les faiblesses structurelles dans les systèmes financiers des États-Unis et d’autres pays. (Le Canada fait partie des exceptions, comme il est mentionné plus bas.)
Un des facteurs est la détérioration des normes de souscription à une hypothèque : une part croissante des prêts est octroyée à des emprunteurs à risque élevé. Quand survient une chute du prix du logement, ces hypothèques « à risque » ou sub-primes ont davantage tendance à ne plus être respectées.
Le renforcement de la sécurisation des actifs hypothécaires, et plus particulièrement le développement d’obligations adossées à des actifs (CDO), amplifie le risque sous-jacent. Une CDO donne à l’investisseur un droit de regard sur le flux des paiements hypothécaires des ménages. Les CDO qui offrent des réclamations prioritaires offertes sont considérées comme les moins risquées, et elles transigent à des prix supérieurs. Le développement de CDO et d’outils apparentés offre une motivation supplémentaire à l’octroi d’hypothèques à risque : les acheteurs de ces CDO peuvent difficilement vérifier la qualité des hypothèques sous-jacentes sur lesquelles reposent les actifs.
Au moment de la chute du prix du logement aux États-Unis, plusieurs propriétaires se retrouvent dans le rouge : leur dette hypothécaire excédant la valeur de leur propriété, ils ne peuvent plus honorer leur prêt. Il est vite clair pour les institutions financières et d’autres investisseurs que plusieurs des actifs fondés sur l’hypothèque jugée « sûre » valent beaucoup moins que leur valeur comptable. La liquidité du marché financier fond : les institutions craignent d’accorder des prêts de peur que leurs contreparties fassent faillite à court terme. Ces craintes culminent en septembre 2008 avec l’effondrement de Lehman Brothers, la quatrième plus importante banque d’investissement américaine.
LE SAVIEZ-VOUS?
La liquidité est la facilité avec laquelle un actif peut être converti en argent. Les actifs liquides sont les plus faciles à convertir en argent et perdent peu ou pas de valeur une fois convertis, car ils sont évalués par un vaste marché, comme les devises et les marchandises. Les actifs non liquides, comme l’immobilier et les objets de collection, sont plus difficiles à convertir en argent, car il y a moins d’acheteurs dans le marché où ils sont vendus. Les actifs non liquides peuvent avoir une valeur réduite quand ils sont rapidement convertis en argent.
Transmission au Canada
Dans les premiers mois de 2008, le prix du pétrole continue de monter, et l’économie canadienne semble d’abord peu affectée par la récession américaine : l’emploi et la production continuent de prospérer. Mais à l’automne 2008, la crise financière américaine affecte les marchés financiers à l’échelle internationale, et le Canada en subit les effets.L’effondrement du prix du pétrole et d’autres exportations de produits décuple les effets de la crise financière et en octobre 2008, l’économie canadienne plonge en récession (voir Opérations sur marchandises).
Réponse politique canadienne à la récession de 2008-2009
Stabilisation des marchés financiers
La priorité immédiate des décideurs politiques des États-Unis et d’autres pays est de gérer la situation des banques et des autres institutions financières qui sont soudainement insolvables. Les institutions financières jouent un rôle clé dans l’économie, et les gouvernements agissent afin de minimiser les perturbations causées par les faillites bancaires. Les banques les plus importantes considérées comme « trop grosses pour faire faillite » sont renflouées. Le fait que les banques se savent trop importantes pour faire faillite crée un dangereux problème d’aléa moral : la certitude d’un sauvetage éventuel de la part des gouvernements encourage les banques les plus importantes à adopter un comportement à risque.
Les décideurs politiques canadiens n’ont pas à gérer ce problème. Bien que les six plus importantes banques à charte – Banque Nationale du Canada, Banque Royale du Canada, Banque de Montréal, CIBC, Banque Scotia et Banque Toronto-Dominion – sont considérées comme « trop grosses pour faire faillite », le régime de réglementation du Canada les empêche d’adopter le genre de comportement à risque observé ailleurs (voir Loi sur les banques). Plus particulièrement, les banques canadiennes sont tenues de maintenir un ratio d’endettement beaucoup plus bas que leurs contreparties étrangères. Des ratios d’endettement plus élevés ouvrent la porte à des taux plus élevés de profits, mais les banques à fort levier financier sont également plus vulnérables aux chocs négatifs administrés à la valeur de leurs actifs. L’effondrement en 1985 de la Norbanque et de la Banque Commerciale du Canada mène à un resserrement de la réglementation canadienne (voir Commission Estey). En partie en raison de ce solide environnement réglementaire, les banques canadiennes ne sont pas en danger d’insolvabilité durant la crise.
La priorité des décideurs politiques canadiens est plutôt de rétablir la stabilité et la liquidité des marchés financiers (voir Actions et obligations). Bien que les investisseurs et les institutions financières du Canada n’essuient pas de pertes aussi substantielles qu’aux États-Unis, la valeur des avoirs canadiens de papier commercial adossé à des actifs non bancaires chute brusquement. (Le terme « papier commercial »définit les prêts à court terme non sécurisés que les compagnies émettent afin de financer leurs comptes et leurs inventaires. Ils sont habituellement vendus à rabais, mais payés à leur pleine valeur.) Pour éviter l’effondrement des prix « vente en catastrophe » observé ailleurs, les autorités canadiennes convainquent les investisseurs d’accepter et d’annuler les pertes à court terme. De plus, des mesures comme le Programme d’achat de prêts hypothécaires assurés (PAPHA) permettent aux banques d’échanger des actifs hypothécaires non liquides pour des obligations émises par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Étant donné que la SCHL est soutenue par le gouvernement fédéral, ces actifs sont plus facilement acceptés en tant que collatéral pour les prêts à court terme. Cet échange n’affecte pas l’exposition au risque du gouvernement sur le marché hypothécaire : seules les hypothèques déjà assurées par le gouvernement sont éligibles au PAPHA.
Politique monétaire
Avec la faillite de Lehman Brothers, il est clair que l’ampleur de la crise financière affectera bientôt toute l’économie. Le 8 octobre 2008, la Banque du Canada – de concert avec d’autres banques centrales – réduit son taux au-jour-le-jour de 3 % à 2,5 % (voir Taux d’intérêt au Canada). Cette action est suivie par une série de baisses de taux : le 21 avril 2009, le taux directeur de la banque atteint sa limite inférieure de 0,25 %. (La banque permet une déviation de 0,25 % de part et d’autre de la cible; par conséquent, une cible de 0,25 % signifie un taux directeur de 0 %; voir Taux d’escompte).
Puisque la Banque du Canada ne peut réduire davantage son taux directeur, elle est contrainte d’utiliser des instruments de politique monétaire « non conventionnels ». D’autres banques centrales, notamment celles des États-Unis et du Royaume-Uni, ont également atteint la limite inférieure de leur taux directeur et commencent à utiliser des outils de politique monétaire non conventionnels. Au Canada, la baisse du taux d’intérêt à sa limite inférieure est accompagnée d’un « engagement conditionnel » à maintenir le taux directeur de la Banque à sa limite inférieure jusqu’au milieu de l’année 2010. Cette mesure est le seul instrument de politique monétaire non conventionnel utilisé au Canada; contrairement aux États-Unis et au Royaume-Uni, la Banque du Canada ne juge pas nécessaire d’appliquer des mesures d’assouplissement quantitatif.
LE SAVIEZ-VOUS?
Le terme assouplissement quantitatif définit la politique monétaire non conventionnelle selon laquelle une banque centrale achète des titres du gouvernement, ou tout autre titre, afin de baisser les taux d’intérêt et d’augmenter l’offre monétaire.
Politique fiscale
À la suite des élections fédérales du 14 octobre 2008, le gouvernement conservateur de Stephen Harper reste au pouvoir avec un gouvernement minoritaire plus fort. Durant sa campagne électorale, le parti conservateur promet de maintenir l’équilibre budgétaire et dans la mise à jour fiscale du 27 novembre, on annonce des mesures visant à réduire les dépenses pour éviter un déficit. Des événements ultérieurs – dont une tentative des partis de l’opposition de former un gouvernement de coalition – forcent les conservateurs à revenir sur leur position. Le 27 janvier 2009, le gouvernement Harper présente un budget qui inclut un programme de relance sur deux ans, principalement sur les dépenses d’infrastructure (voir Politique budgétaire).
Sauvetage financier de l’industrie automobile
L’industrie automobile nord-américaine est en difficulté et connaît un déclin avant 2008, et la récession pousse General Motors (GM) et Chrysler à la faillite (Ford résiste à la crise). Le constructeur automobile italien Fiat acquiert Chrysler, lui permettant de poursuivre ses activités.
GM n’a pas cette chance, et est « trop gros pour faire faillite ». Le risque d’un effondrement catastrophique du réseau de fournisseurs et d’industries connexes de GM force les gouvernements des États-Unis et du Canada à participer au capital de la société. Cette injection de capitaux donne à GM du temps pour se restructurer et poursuivre ses activités. En 2015, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial de l’Ontario vendent leurs dernières actions de GM.
Facteurs contribuant à la reprise
Les efforts des décideurs politiques canadiens ne sont pas les seuls – voire les plus importants – facteurs menant à l’éventuelle reprise après la récession. Au milieu de 2008, le dollar canadien est près de la parité avec son homologue américain, mais sa valeur se déprécie au fur et à mesure que la crise s’intensifie. En mars 2009, le dollar canadien perd plus de 20 % de sa valeur qui n’atteint pas 0,80 USD. Cette dépréciation stimule les exportations canadiennes (voir Taux de change).
Un facteur beaucoup plus important est la vigueur soutenue de l’économie chinoise durant la crise financière générale qui permet une reprise du prix du pétrole et de l’exportation d’autres ressources. En décembre 2008, le prix du baril de pétrole vaut 30 USD et en mai 2009, plus de 60 USD.
Tournant et reprise
La récession américaine est sévère au point de la comparer à la crise économique mondiale des années 1930, mais la récession canadienne de 2008-2009 est moins difficile que celles de 1981-1982 et de 1990-1992. Les principaux indicateurs du cycle économique canadien rebondissent au printemps et au début de l’été 2009. Le PNB mensuel atteint un creux en mai 2009, et le taux de chômage connaît son apogée en juin de la même année. En octobre 2010, le PNB mensuel retrouve son sommet d’avant la crise. Les pertes d’emploi sont absorbées en janvier 2011. Aux États-Unis, le taux d’emploi ne retrouve son sommet d’avant la crise qu’en mai 2014.
Contrecoups et legs
La reprise est plus lente aux États-Unis et en Europe, et après 2011, la croissance stagnante de l’économie mondiale ralentit la croissance économique canadienne. La Banque du Canada et d’autres banques centrales maintiennent leurs taux directeurs bas, puisque l’inflation demeure faible. Ce n’est qu’en 2017 – soit presque dix ans après l’entrée des États-Unis en récession – que le Canada et les États-Unis poursuivent leur politique monétaire d’avant la crise.