Ronfard, Jean-Pierre
Jean-Pierre Ronfard. Auteur, metteur en scène, comédien et pédagogue. (Thivencelle, France, 14 janvier 1929 - Montréal, Qc, 26 septembre 2003). Cet homme de théâtre complet a marqué la pratique théâtrale au Québec de façon soutenue pendant quarante ans, à la fois par sa contribution aux institutions, par son engagement envers son art, et par l'esprit de liberté créatrice qu'il a transmis aux jeunes générations. Érudit passionné de culture populaire, il est associé à l'émergence et à l'essor du théâtre expérimental à Montréal.
Après des études classiques à Douai, Jean-Pierre Ronfard obtient une licence ès lettres et un diplôme d'études supérieures de l'Université de Lille. Agrégé de grammaire, il enseigne le français, le grec et le latin en Grèce, au Portugal et en Autriche, après un séjour en Algérie, où il fait du théâtre au sein d'une troupe d'amateurs. Sa passion pour les planches remonte à l'adolescence, alors qu'il s'adonne au jeu comme à la mise en scène, à la traduction comme à la conception de décors et de costumes. En 1960, à l'invitation de Jean GASCON, Jean-Pierre Ronfard devient le premier directeur de la section française de l'École nationale de théâtre du Canada, fondée à Montréal. Il occupe ce poste jusqu'en 1964, et, après un retour de quelques années en France, il s'installe définitivement au Québec en 1970.
Jean-Louis ROUX lui offre le poste de secrétaire général du THÉÂTRE DU NOUVEAU MONDE, où il agit aussi comme directeur artistique des Jeunes Comédiens. Il y met en scène la pièce choc de Claude GAUVREAU, Les oranges sont vertes, qui, par son audace langagière et son propos, crée l'événement et la controverse en 1972. Bien qu'il quitte ses fonctions cette année-là, Jean-Pierre Ronfard signera d'autres spectacles mémorables au TNM, dont La Charge de l'orignal épormyable du même Gauvreau en 1973, Ubu roi de Jarry en 1974, HA ha!... de Réjean DUCHARME en 1978, Le roi se meurt d'Ionesco en 1988, ainsi que La Médée d'Euripide, écrite par son épouse, la romancière Marie Cardinal, en 1986.
Parallèlement à ces travaux, Jean-Pierre Ronfard s'engage dans une réflexion sur le rôle social du théâtre, qui l'amène, en 1975, à co-fonder le Théâtre Expérimental de Montréal, voué à la recherche et à la création, en compagnie de Robert Gravel et Pol Pelletier. Quatre ans plus tard, l'équipe se scinde, et Gravel et Ronfard fondent le Nouveau Théâtre Expérimental. Il y crée sa plus spectaculaire aventure, Vie et mort du roi Boiteux (1981-1982), un cycle de six pièces totalisant quinze heures de représentation, qu'il écrit et met en scène. Cette « épopée sanglante et grotesque » à la démesure inusitée bouscule le paysage théâtral, transgresse les codes, mélange les genres, transcende les époques, en une ode à l'impur, à la bâtardise, à la passion et à l'anarchie.
Les spectacles que Jean-Pierre Ronfard et ses collaborateurs, Gravel puis Alexis Martin notamment, montent au NTE, installé dès 1981 à l'Espace libre, dont il assume aussi la codirection artistique, rivalisent tous d'audace : Les Mille et Une Nuits (1984), Le Grand Théâtre du monde (1989), Tête à tête (1994), 50 + 1 (1995), Matines : Sade au petit déjeuner (1996) et Les Mots (1998) sont quelques succès marquants. Au moment de sa mort, sa mise en scène d'Œdipe à Colone de Sophocle, traduit par Marie Cardinal, était à l'affiche. Sa disparition fut fortement ressentie par le milieu théâtral montréalais, qui doit beaucoup à ce grand artiste. Il a reçu le prix du Gouverneur général du Canada pour les arts de la scène en 1997 et le prix Denise-Pelletier du gouvernement du Québec en 1999.