Les Mohawks de la baie de Quinte font partie de la nation kanyen’kehá:ka, ou mohawk. Le mot kanyen’kehá:ka signifie « peuple de la terre du silex ». La nation mohawk fait partie du peuple rotinonhsyón:ni (aussi Confédération Haudenosaunee ou des Six Nations), ce qui se traduit par « peuple des maisons longues ».
Plus de 10 000 Mohawks de la baie de Quinte vivent sur l’Île de la Tortue et sur les continents environnants. Environ 2 200 d’entre eux vivent sur le territoire mohawk de Tyendinaga. Le territoire, sur la rive nord-est de la baie de Quinte, se situe un peu à l’est de Belleville, en Ontario.
Mohawks de Fort Hunter pendant la Révolution américaine
Les Mohawks de la baie de Quinte sont des descendants des Mohawks de Fort Hunter. Jusqu’à la Révolution américaine, ceux-ci vivent dans la vallée de la Mohawk, qui fait aujourd’hui partie de l’État de New York.
Pendant la Révolution américaine, le peuple rotinonhsyón:ni demeure officiellement neutre, mais les hommes sont libres de se battre. Les Mohawks de Fort Hunter décident alors de s’allier avec les Britanniques. En contrepartie, ces derniers leur promettent de leur remettre tout ce qui a été perdu pendant la guerre. En 1777, après la bataille d’Oriskany, les Américains et les membres de la nation oneida prennent possession de Fort Hunter. Les Mohawks sont alors forcés de se relocaliser et s’installent près de Lachine, au Québec, pour le reste de la guerre. Lorsque le traité de Paris met fin à la guerre en 1783, aucune disposition ne concerne les alliés Rotinonhsyón:ni. Les Mohawks de Fort Hunter perdent ainsi leur terre d’origine.
En 1783, un leader mohawk de Fort Hunter nommé Capitaine John Deserontyon, avec l’aide d’autres personnes, sélectionne comme nouveau territoire les terres de la baie de Quinte, qui ont beaucoup d’importance pour les Rotinonhsyón:ni. En effet, la rive nord du lac Ontario est une part des terres ancestrales des peuples de langues iroquoiennes avant l’arrivée des Européens et la relocalisation des communautés Rotinonhsyón:ni au 17e siècle. Ces terres ont fait partie de la grande zone de chasse des Rotinonhsyón:ni pendant des siècles.
Au printemps 1784, environ 20 familles quittent Lachine en canot. À leur arrivée sur les rives de la baie de Kente (aujourd’hui Quinte) le 22 mai 1784, elles fondent une nouvelle communauté dont l’économie est basée principalement sur l’agriculture et la récolte.
Traité 3½
Le 1er avril 1793, John Graves Simcoe, lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, signe un acte pour céder les terres sélectionnées par les Mohawks de Fort Hunter. L’Acte de Simcoe, aussi connu sous le nom de Traité 3½, offre la terre aux chefs, guerriers, femmes et peuples des Six Nations pour les remercier de leur loyauté et pour compenser les pertes encourues en raison de la Révolution américaine. La terre, qui prend le nom de parcelle des Mohawks, couvre environ 92 700 acres (375 km2), soit moins d’un quart de la superficie sélectionnée par les Mohawks de Fort Hunter. Dans les faits, elle est même plus petite que le territoire décrit dans l’acte même : l’Acte de Simcoe décrit une parcelle longue de 19 km le long de la baie de Quinte et profonde de 21 kilomètres, ce qui correspond à 99 840 acres (404 km2).
Tout au long du 19e siècle, différentes administrations coloniales exercent une pression sur la communauté pour qu’elle cède toutes ses terres et se rende à la rivière Grand, où se trouvent plus de membres des Six Nations. Après la première cession en 1820, la parcelle des Mohawks est renommée Canton de Tyendinaga par le gouvernement du Haut-Canada.
Trois grandes cessions, et quelques petites, mènent à la perte des deux tiers du territoire. Au milieu et à la fin du 20e siècle, certaines de ces terres cédées sont toutefois regagnées. Aujourd’hui, le territoire mohawk de Tyendinaga occupe une superficie d’environ 18 000 acres (73 km2). Compte tenu des revendications territoriales sur le point de se conclure, les Mohawks de la baie de Quinte s’attendent à ce que d’autres terres leur soient retournées.
Langue
Dans le recensement fédéral de 1921, la langue maternelle déclarée par tous les Mohawks de la baie de Quinte était le kanyen’kéha. La transition vers l’anglais s’amorce de manière importante en 1920 lorsque le gouvernement fédéral prend le contrôle de l’éducation dans les réserves, avec un objectif d’assimilation. Aujourd’hui, les membres de cette communauté qui utilisent le kanyen’kehá comme langue maternelle représentent moins de 1 %. Toutefois, les efforts de revitalisation de la langue ont permis d’augmenter le nombre de personnes qui l’utilisent comme langue seconde, avec différents niveaux de maîtrise et d’aisance.
Dans les années 1970 et 1980, certains des locuteurs du kanyen’kehá enseignent la langue dans leur maison. Pendant la même période, la Quinte Mohawk School, l’école primaire gérée par le fédéral, commence à offrir des cours de kanyen’kéha. En 1991, l’école secondaire située hors réserve commence à son tour à enseigner la langue aux élèves de 9e et de 10e année. Ces cours sont encore offerts aujourd’hui.
À la fin des années 1990, le Tsi Tyónnheht Onkwawén:na Language Circle (TTO) est fondé pour promouvoir et revitaliser l’Onkwehonwe’néha, soit les manières traditionnelles d’être et de vivre, comme la langue, la culture et les coutumes. Aujourd’hui, le TTO propose une immersion aux enfants d’âge préscolaire (ce que l’on appelle un « foyer de revitalisation linguistique »), des cours à l’école primaire Kawenna’ón:we pour les enfants de la maternelle à la 4e année et un certificat de langue et culture mohawks. Le programme de certificat est offert directement sur le territoire mohawk de Tyendinaga, en partenariat avec l’Université Queen’s.
Gouvernance
Le peuple kanyen’kehá:ka est divisé en trois clans : tortue, loup et ours. L’appartenance à ces clans est transmise de manière matrilinéaire, soit de la mère à l’enfant. Selon les principes de la Grande loi, à la base de la société rotinonhsyón:ni, chaque membre de la communauté a une voix. Toutefois, ce sont les mères du clan qui sont responsables de nommer les chefs de chaque clan.
À ses débuts, la communauté est gouvernée de cette manière traditionnelle. Toutefois, les « vieux chefs » sont jumelés dans les années 1840 à un conseil d’hommes élus, ce qui réduit considérablement le rôle des femmes dans la prise de décisions. En 1869, le gouvernement du Canada adopte l’Acte pour encourager la civilisation graduelle, qui oblige l’élection de conseils, à l’instar des villes, et empêche ainsi l’utilisation des méthodes traditionnelles de sélection des chefs. La première élection en vertu de cette loi est tenue en 1870. Les femmes ne sont alors pas autorisées à voter, et ce, jusqu’en 1951.
Le système imposé par l’Acte pour encourager la civilisation graduelle fait encore partie aujourd’hui de la Loi sur les Indiens. Sous ce système, les Mohawks de la baie de Quinte élisent un chef et quatre conseillers tous les deux ans.
De 1870 à aujourd’hui, on retrouve toujours des gens qui résistent à l’imposition de ce système de gouvernance.
Éducation
En 1784, l’un des premiers bâtiments construits sur le territoire mohawk de Tyendinaga est une école. La plupart des élèves reçoivent une éducation formelle dans des « externats » de la communauté. Au début du 20e siècle, le territoire compte quatre écoles de ce genre. En 1955, l’externat Quinte Mohawk Day School (QMS) est créé pour regrouper tous les élèves de la 5e à la 8e année. Ces écoles sont plus tard remplacées par une plus grande institution (aussi appelée QMS) en 1974. Celle-ci fait partie des six écoles de l’Ontario encore gérées par Services aux Autochtones Canada. Les autres établissements scolaires situés sur le territoire regroupent ceux du TTO (voir la section « Langue »), le First Nations Technical Institute et le centre Ohahase (New Road).
Certains enfants de la communauté fréquentent des pensionnats indiens. De 1862 à 1962, plus de 100 enfants sont envoyés à l’institut Mohawk à Brantford, et plus de 15 sont envoyés à la Shingwauk Home, à Sault Ste. Marie.
Service militaire
La tradition guerrière est profondément ancrée dans la communauté rotinonhsyón:ni. Des Mohawks de la baie de Quinte participent à la Guerre de 1812, à la rébellion du Haut-Canada en 1837, à la Première Guerre mondiale, à la Deuxième Guerre mondiale et aux conflits en Corée, au Vietnam et en Afghanistan. Pendant la Première Guerre mondiale, plus de 95 hommes se portent volontaires. Parmi eux, des douzaines sont blessés et 22 ne reviendront jamais chez eux. Des membres de la communauté font aussi partie des forces armées américaines et de la Marine royale. Le territoire est lui aussi mis à contribution. On l’utilise notamment pour des formations de pilote pendant la Première Guerre mondiale, au camp Mohawk, et pendant la Deuxième Guerre mondiale, à l’aérodrome Mohawk.
Attraits de la communauté
La chapelle royale mohawk de Sa Majesté, nommée Christ Church, est bâtie en 1843 pour remplacer l’église d’origine de la communauté. Désignée lieu historique national en 1995, elle devient une chapelle royale en 2004. Parmi les autres lieux de culte présents sur le territoire, citons l’église anglicane All Saints et l’église pentecôtiste mohawk.
La première maison longue traditionnelle de la communauté, bâtie en 2003, est détruite par les flammes puis rebâtie en 2012.
L’« arrivée des Mohawks » sur les rives de la baie de Quinte est reproduite chaque année pendant la fin de semaine la plus près du 22 mai, soit la date exacte de leur arrivée en 1784. La foire agricole mohawk est aussi organisée chaque année pendant la troisième fin de semaine de septembre. On y trouve des jardins communautaires, du bétail et des compétitions de cuisine, de couture et de bricolage devant jury. La Mohawk Agricultural Society organise cette foire depuis 1901.
Le pow-wow traditionnel de Tyendinaga a lieu quant à lui pendant la deuxième fin de semaine d’août, au parc Tsi Tkeritoton. Événement annuel depuis 1987, il attire chaque année une foule de danseurs, de chanteurs, de commerçants et de spectateurs.