Willie O’Ree, C. M., O.N.-B., joueur de hockey (né le 15 octobre 1935 à Fredericton, au Nouveau-Brunswick). Willie O’Ree est devenu le hockeyeur noir à jouer dans la Ligue nationale de hockey (LNH). Au total, il a joué au hockey de façon professionnelle pendant plus de 20 ans, dont 45 parties avec les Bruins de Boston. Depuis 1998, Willie O’Ree est directeur du développement jeunesse et ambassadeur du programme de diversité de la LNH. Il est membre de l’Ordre du Canada et de l’Ordre du Nouveau-Brunswick et a été intronisé au Temple de la renommée du sport du Nouveau-Brunswick et au Temple de la renommée du hockey. Les Bruins de Boston, quant à eux, ont retiré le maillot numéro 22 lors d’une cérémonie le 18 janvier 2022 — le jour du 64e anniversaire de sa première partie dans la LNH.
Enfance au Nouveau-Brunswick
Willie O’Ree grandit au sein d’une grande famille à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Il est le plus jeune des 13 enfants nés de l’union de Rosebud et Harry O’Ree. Ses grands-parents immigrent au Canada après avoir fui l’esclavage aux États-Unis grâce au chemin de fer clandestin.
Dire que la famille de Willie O’Ree fait de minorité ethnique à Fredericton à l’époque figure serait un euphémisme. Il n’y a que deux familles noires à Fredericton pendant son enfance. Son père, Harry, est ingénieur civil et travaille dans l’entretien routier pour la ville de Fredericton.
Willie O’Ree commence à jouer au hockey à trois ans et au hockey organisé à cinq ans. Il développe aussitôt une passion pour le sport. Il joue régulièrement sur la patinoire aménagée dans sa cour arrière et patine pour aller à l’école quand la météo le permet.
Willie O’Ree garde un bon souvenir de sa jeunesse au Nouveau-Brunswick. Dans son autobiographie intitulée The Willie O’Ree Story: Hockey’s Black Pioneer, il affirme que la couleur de sa peau n’a à l’époque jamais été un enjeu sur la patinoire : « Le fait que j’étais noir n’a jamais été soulevé lorsque je jouais dans mon enfance. Quelqu’un aurait pu être mauve avec une rayure verte en plein front, et ça n’aurait eu aucune importance. C’est seulement plus tard que j’ai appris ce que signifiait la “barrière de la couleur” ».
Hockey junior au Nouveau-Brunswick et au Québec
À 14 ans, Willie O’Ree joue au hockey organisé avec son frère Richard, alors dans la vingtaine. C’est lui qui lui enseigne les mises en échec. À 15 ans, Willie O’Ree joue pour les Falcons de Fredericton lors des séries éliminatoires de l’Association de hockey amateur du Nouveau-Brunswick.
Au cours des trois années qui suivent, il progresse dans le système de hockey de Fredericton. En 1951-1952, il joue pour les Merchants de Fredericton dans la ligue du comté de York, en plus de participer à 3 matches pour les Junior Capitals de Fredericton dans la ligue junior du Nouveau-Brunswick. Après deux saisons avec les Junior Capitals, il joint les rangs de l’équipe senior pendant toute la saison 1953-1954. Alors qu’il joue avec les Capitals de Fredericton, Willie O’Ree participe au tournoi de la coupe Allan, au cours duquel il compte sept buts en sept parties.
À 19 ans, Willie O’Ree déménage à Québec, où il joue avec les Frontenacs de Québec dans la Ligue de hockey junior du Québec pendant la saison 1954-1955. Il compte 27 buts et fait 17 passes décisives pour un total de 44 points en 43 matches.
Grave blessure à l’œil
En 1955-1956, Willie O’Ree joue pour les Canucks de Kitchener dans l’Association de hockey de l’Ontario. Lors d’un match, une rondelle l’atteint à l’œil droit. Le lancer lui fracture aussi le nez et la pommette. Il perd 95 % de sa capacité visuelle dans cet œil. Un docteur lui recommande de ne plus jouer au hockey. Néanmoins, il retourne au jeu après deux mois.
Toutefois, Willie O’Ree ne peut parler à quiconque de sa blessure. Selon le règlement de la LNH, il n’est plus éligible à jouer dans la ligue, car elle interdit, encore aujourd’hui d’ailleurs, à tout joueur aveugle d’un œil d’y jouer (arrêté 12.6). Il garde donc sa blessure aussi secrète que possible. Lors d’une entrevue avec Luke Fox, du réseau Rogers Sportsnet, le 29 février 2012, Willie O’Ree parle de son dilemme : « Si on apprend que je suis aveugle de l’œil droit, je ne pourrai pas jouer dans une ligue professionnelle, et encore moins dans la Ligue nationale de hockey. Je n’ai jamais passé d’examen de la vue au cours des 21 années de ma carrière de joueur. Je ne me suis jamais assis devant un instrument d’examen des yeux. Je ne sais pas pourquoi on ne m’a pas obligé à le faire à l’époque. C’est différent aujourd’hui. À l’époque, ils se souciaient davantage de notre condition physique et je me suis toujours tenu en forme. »
Willie O’Ree était déterminé à jouer dans la LNH. Dans Breaking the Ice, il affirme ceci : « Je devais à nouveau jouer au hockey, car je voulais absolument entrer dans la LNH. Vous voyez, c’était mon but depuis que j’avais 13 ans et rien ni personne n’allait m’en empêcher. »
Afin de gravir les échelons dans le monde du hockey, il doit non seulement surmonter l’obstacle que représente la couleur de sa peau, mais aussi un véritable handicap physique. Pour pallier sa condition, Willie O’Ree doit tourner la tête au-delà de son épaule droite lorsqu’il joue à l’aile gauche afin de voir les passes.
Les As de Québec
Après avoir joué pendant une saison en Ontario, Willie O’Ree retourne jouer au hockey au Québec. Au cours de la saison 1956-1957, il est le 8e compteur des As de Québec (22 buts et 12 passes, pour un total de 34 points). Il joue par la suite deux autres saisons avec les As en 1957-1958 et en 1958-1959.
Les As ont la réputation d’être une organisation inclusive. De 1949 à 1953, Herb Carnegie, un joueur noir originaire de Toronto, porte les couleurs des As dans la Ligue de hockey senior du Québec. Aux côtés de Jean Béliveau, il compte 77 buts et fait 121 passes décisives, pour un total de 198 points en quatre saisons avec l’équipe de Québec. Membre du Panthéon des sports canadiens, il est l’un des meilleurs joueurs de hockey de l’histoire à n’avoir jamais fait le saut chez les professionnels.
Alors qu’il joue avec les As de Québec, Willie O’Ree joue sur le même trio que Stan Maxwell, lui aussi un Noir canadien. Comme Willie O’Ree, Stan Maxwell joue avec les As de 1956 à 1959.
Débuts dans la LNH
Lors de la saison 1957-1958, les As s’allient aux Bruins de Boston, qui évoluent dans la LNH. Cette alliance signifie que les joueurs des As peuvent en tout temps être appelés à aller jouer pour les Bruins.
Le 18 janvier 1958, Willie O’Ree entre dans l’histoire du hockey lorsqu’il devient le premier joueur de hockey noir à jouer une partie dans la LNH. Les Bruins l’emportent 3 à 0 contre les Canadiens de Montréal au Forum de Montréal. Willie O’Ree joue seulement deux parties avec les Bruins de Boston pendant la saison 1957-1958. Il joue à nouveau pour les Bruins en 1960-1961. Il compte alors 4 buts et fait 10 passes décisives pour un total de 14 points en 43 parties de la saison régulière. Le 1er janvier 1961, il devient le premier joueur noir à compter un but dans la LNH lors d’une victoire de 3 à 2 contre les Canadiens.
À l’époque, le fait que Willie O’Ree soit le premier joueur noir à jouer dans la LNH passe presque inaperçu. Ni The Boston Globe ni The New York Times ne mentionnent ses débuts. Par ailleurs, un journaliste sportif canadien écrit alors que William O’Ree « a été accueilli sans émotion, sans applaudissements et, surtout, sans animosité ».
Il se peut que les débuts de Willie O’Ree n’aient pas été très remarqués à Montréal puisque les amateurs de sport de la ville le connaissaient déjà. Après tout, il jouait occasionnellement à Montréal avec les As de Québec.
Carrière après la LNH
Après son bref passage à Boston, Willie O’Ree joue au hockey professionnel pendant 14 autres années. Il fait en effet partie des Canadiens de Hull-Ottawa dans la Eastern Professional Hockey League, les Blades de Los Angeles et les Gulls de San Diego dans la Western Hockey League, les Nighthawks de New Haven dans la American Hockey League et les Mariners de San Diego dans la Pacific Coast League.
Willie O’Ree parvient à prolonger sa carrière notamment en passant de l’aile gauche à l’aile droite en 1964-1965, à 29 ans. Puisque les Blades de Los Angeles présentent des faiblesses à l’aile droite, l’entraîneur Alf Pike mute Willie O’Ree à cette position. Ce dernier livre rapidement la marchandise, récoltant un record personnel de 38 buts pendant la saison.
Toutefois, Willie O’Ree doit essuyer les moqueries racistes des joueurs et des fans des équipes adverses. Lors d’une partie jouée en Virginie lors de la saison 1972-1973 de la American Hockey League, les amateurs lancent des boules de coton et un chat noir sur la patinoire. Tout au long de sa carrière, il se souvient d’avoir été moins bien traité aux États-Unis qu’au Canada. Lorsqu’il jouait pour les Bruins de Boston en 1960-1961, il fait l’objet de propos racistes d’un joueur des Black Hawks de Chicago. Ce même joueur a d’ailleurs frappé Willie O’Ree au visage avec le bout de son bâton, ce qui lui fait perdre plusieurs dents. Willie O’Ree a riposté en cassant son bâton sur la tête de son adversaire. Le tout dégénère en bagarre.
Ambassadeur du hockey
Depuis 1998, Willie O’Ree est le directeur du développement jeunesse et ambassadeur du programme de diversité de la LNH. Il voyage à travers l’Amérique du Nord pour promouvoir les programmes de hockey mineur en mettant l’accent sur les programmes destinés aux enfants de milieux pauvres. À titre de directeur du programme Hockey is for Everyone, Willie O’Ree cherche à promouvoir l’engagement, la persévérance, le travail d’équipe ainsi que les compétences fondamentales et l’éducation. De plus, il organise un week-end des étoiles réunissant des enfants de diverses origines économiques et ethniques à l’occasion d’un tournoi.
Distinctions et prix
En 2003, Willie O’Ree remporte le trophée Lester Patrick pour ses services exceptionnels rendus au hockey aux États-Unis. Il partage cet honneur avec Raymond Bourque, ancien défenseur des Bruins de Boston, et Ron DeGregorio, président de USA Hockey.
En 2010, Willie O’Ree est décoré de l’Ordre du Canada pour sa contribution exceptionnelle au développement des jeunes et pour sa promotion du hockey en Amérique du Nord. Il est aussi décoré de l’Ordre du Nouveau-Brunswick (2005) et est membre d’honneur du Temple de la renommée sportive du Nouveau-Brunswick, qui l’intronise en 1984. En 2018, Willie O’Ree est nommé bâtisseur au Temple de la renommée du hockey. Il est le troisième joueur de hockey noir à être intronisé, après Grant Fuhr et Angela James.
Toujours en 2018, la LNH crée le prix Héros de la communauté Willie O’Ree en son honneur. Le prix récompense ceux et celles qui, comme l’athlète, ont utilisé le hockey pour « se forger le caractère, enseigner des compétences essentielles et promouvoir des valeurs positives. » Le prix peut être remis à quiconque s’investit de près ou de loin dans le sport, y compris les joueurs, les parents, les entraîneurs, les arbitres, les bénévoles et les propriétaires de patinoire.
Willie O’Ree a été nommé au Panthéon des sports canadiens en tant que bâtisseur en 2021. Le 12 janvier 2021, les Bruins de Boston annoncent que Willie O’Ree deviendrait le 12e joueur de l’histoire de la franchise à voir son numéro retiré. Le président de l’équipe, Cam Neely, a déclaré : « Les contributions de Willie au hockey transcendent ses réalisations sur la glace et ont ouvert d’innombrables portes aux joueurs qui lui ont succédé. Il mérite incontestablement cet honneur. » Le maillot 22 de Willie O’Ree a été levé avant un match à domicile au TD Garden le 18 janvier 2022 — le jour du 64e anniversaire de sa première partie dans la LNH.
Voir aussi : Athlètes canadiens noirs pionniers Éditorial : les joueurs de Saint Mary’s marquent l’histoire du hockey; Coloured Hockey League; Chatam Coloured All-Stars.