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Affaire David Milgaard

David Milgaard était un jeune hippie de 16 ans lorsqu’il a été accusé du viol et du meurtre de Gail Miller, une infirmière de Saskatoon, en 1969. La poursuite du jeune David Milgaard de 17 ans pour meurtre au premier degré est devenue l’une des condamnations injustifiées les plus notoires du Canada. Il a finalement été libéré en 1992, après 23 ans de prison. Des preuves d’ADN l’ont exonéré et ont mené à la condamnation de Larry Fisher, un agresseur sexuel en série, en 1999. David Milgaard a reçu des excuses officielles de la part du gouvernement de la Saskatchewan en 1997, ainsi qu’un règlement de 10 millions de dollars en 1999. David Milgaard est devenu un défenseur de la réforme des pénitenciers et des droits des accusés, et il a contribué à la création d’une commission fédérale chargée d’enquêter sur les cas d’allégations d’erreurs judiciaires.

Cet article traite de thématiques délicates qui peuvent ne pas convenir à tous les publics.

Meurtre de Gail Miller et enquête

Le 31 janvier 1969, vers 6 h 45, Gail Miller est violée, poignardée à mort et laissée dans un banc de neige. Son corps est découvert deux heures plus tard. La police se met rapidement à la recherche des délinquants sexuels connus dans la région pour les interroger, mais ne trouve aucune piste évidente.

Ce même matin, David Milgaard (né le 7 juillet 1952 à Winnipeg), accompagné de deux amis, Ron Wilson et Nichol John, arrive à Saskatoon en route de Regina vers Calgary. Vers 9 h 30, le trio s’arrête au domicile d’un ami commun, Albert « Shorty » Cadrain, qui doit se joindre à eux pour la suite de leur voyage.

Un mois après le meurtre, Albert Cadrain contacte la police pour leur dire que David Milgaard agissait de manière suspecte durant leur trajet vers Calgary. Il ajoute également que David Milgaard semblait avoir des taches de sang sur ses vêtements ce jour-là. En 24 heures, la police retrouve David Milgaard à Winnipeg et l’interroge. Ce dernier nie toute implication dans le meurtre.

Les enquêteurs localisent ensuite ses deux autres compagnons de voyage, Nichol John et Ron Wilson. Leurs dépositions initiales fournissent à David Milgaard un solide alibi; tous deux déclarent qu’ils ont été en sa présence tout au long de la matinée le jour de l’attaque, et que David Milgaard n’a rien à voir avec l’affaire.

David Milgaard condamné

Cependant, en mai, les enquêteurs commencent à entendre des rumeurs selon lesquelles David Milgaard a diverti des amis dans une chambre d’hôtel de Regina en reconstituant le meurtre de Gail Miller. La police décide que Nichol John et Ron Wilson ont menti dans leurs déclarations initiales et décide de les interroger à nouveau. Cette fois, les jeunes gens changent leurs déclarations, impliquant David Milgaard dans le meurtre. Nichol John va même jusqu’à déclarer qu’elle a vu David Milgard poignarder la victime.

David Milgaard est accusé de meurtre au premier degré le 30 mai 1969. Son procès devant un juge et un jury débute neuf mois plus tard. Après que la Couronne ait présenté ses arguments, l’avocat de David Milgaard choisit de ne présenter aucune preuve ou aucun témoignage. David Milgaard est reconnu coupable le 31 janvier 1970. Il est condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant au moins 10 ans.

Deux ans plus tard, la Cour d’appel de la Saskatchewan rejette son appel.

La campagne de Joyce Milgaard

Pendant toute la durée de l’incarcération de David Milgaard, sa mère Joyce Milgaard, travaille sans relâche pour attirer l’attention sur la condamnation injustifiée de son fils, ce dont elle est convaincue. Avec un sens infaillible pour les nouvelles et un épais Rolodex rempli de contacts médiatiques, Joyce Milgaard fournit aux journalistes un flot de différents angles au fil des années afin de garder l’histoire de son fils vivante et de faire pression sur les autorités. Durant sa campagne, elle confronte la ministre fédérale de la Justice Kim Campbell alors que les caméras de télévision filment. Elle menace également de camper sur la pelouse de l’Assemblée législative de la Saskatchewan.

En décembre 1988, David Milgaard demande une révision fédérale de son cas en vertu de l’article 690 du Code criminel. La disposition permet au ministre de la Justice, après avoir considéré de nouvelles preuves, de demander à une haute cour d’appel de réexaminer une condamnation ou de tenir un nouveau procès. En février 1991, la ministre de la Justice Kim Campell rejette la demande. Six mois plus tard, une deuxième demande, celle-ci portant sur la culpabilité potentielle de Larry Fisher, un délinquant connu, est acceptée par Kim Campbell. Dans un développement très inhabituel, le gouvernement fédéral envoie la requête de David Milgaard directement à la Cour suprême du Canada, le plus haut tribunal du pays.

Cour suprême

Les nouvelles preuves rassemblées pour la défense de David Milgaard incluent une rétractation du témoin Ron Wilson. Celui-ci déclare qu’au moment de sa deuxième interrogation avec la police, il avait pris de la drogue et que les effets commençaient à diminuer; il admet qu’il croyait que la police le laisserait partir et qu’il pourrait retourner à la rue pour se procurer d’autres drogues s’il leur donnait ce qu’ils voulaient.

Un autre élément clé des nouvelles preuves concerne les aveux de 1970 d’un délinquant sexuel local, Larry Fisher. Ce dernier admet avoir commis six agressions sexuelles, dont quatre dans la région de Saskatoon où Gail Miller a été assassinée, ce qui soulève la possibilité très réelle qu’elle soit une autre de ses victimes.

La Cour suprême entend les nouvelles preuves en 1992. Elle recommande au ministère de la Justice d’annuler la condamnation de David Milgaard et de tenir un nouveau procès. Cependant, cette décision déçoit David Milgaard et ses partisans, car la Cour conclut que son procès a été équitable et n’a pas été entaché d’actes répréhensibles de la part de la police.

Libération de David Milgaard

Le gouvernement fédéral suit la recommandation de la Cour. Cependant, deux jours plus tard, le procureur général de la Saskatchewan décide d’inscrire une suspension d’instance (un arrêt des procédures) au lieu de refaire un procès. Ceci veut dire que David Milgaard doit être libéré immédiatement. Pourtant, ce dernier n’est pas satisfait étant donné que ce résultat fait en sorte qu’il sera difficile pour lui d’obtenir une compensation financière. La province provoque également la colère chez les partisans de David Milgaard en refusant d’ouvrir une enquête pour examiner ce qui s’est mal passé dans son affaire.

Poursuite de David Milgaard

En 1993, David Milgaard intente une poursuite contre les fonctionnaires de la justice et la police de la Saskatchewan, alléguant des actes répréhensibles généralisés et une opération de camouflage. La procédure judiciaire avance à un rythme si lent que David Milgaard décide de contacter James Lockyer, un avocat de la Association in Defence of the Wrongly Convicted (AIDWYC), en 1996. On sait alors que des échantillons de sperme ont été trouvés sur les vêtements de Gail Miller et qu’ils sont conservés par la Couronne. La AIDWYC fait pression pour qu’un test d’ADN soit effectué dans l’espoir d’innocenter David Milgaard définitivement.

Il faut des années de démêlés juridiques avant que James Lockyer ne parvienne à obtenir les échantillons et à les faire tester dans un laboratoire du Royaume-Uni. Les résultats excluent finalement David Milgaard comme étant l’homme qui a assassiné Gail Miller. Les résultats de l’ADN pointent directement Larry Fisher comme étant le vrai coupable.

Enquête de l’AIDWYC

Grâce à sa propre enquête, la AIDWYC apprend que Larry Fisher est bien connu de la police en 1970. De plus, au moment du meurtre de Gail Miller, il vit en appartement dans le sous-sol du bâtiment où réside Albert Cadrain.

James Lockyer et la AIDWYC apprennent également qu’en 1970, Larry Fisher a avoué avoir commis plusieurs viols dans la région de Saskatoon, pour lesquels il purge une peine de dix ans de prison. Libéré en 1980, Larry Fisher est arrêté en quelques semaines pour une nouvelle agression sexuelle, ce qui le mène à être condamné à un autre peine de dix ans d’incarcération.

Avec l’entrée en vigueur de nouvelles lois régissant la divulgation de preuves dans tout le pays, l’équipe de défense de David Milgaard peut également obtenir des documents indiquant qu’en août 1980, l’ex-femme de Larry Fisher, Linda, a contacté la police de Saskatoon pour leur dire qu’elle le soupçonnait d’avoir tué Gail Miller. Linda Fisher affirme que le jour du meurtre, un couteau d’office avait disparu de leur cuisine. Elle a également dit à la police que son ex-mari a paru secoué et troublé lorsqu’elle l’a confronté ce jour-là en l’accusant d’avoir commis l’agression.

Condamnation de Larry Fisher

Lorsque Linda Fisher contacte la police, David Milgaard est en prison pour le crime. La police ne donne jamais suite aux informations reçues.

Larry Fisher est arrêté le 25 juillet 1997. Avec les preuves d’ADN le liant à la victime, il est reconnu coupable en 1999 du meurtre de Gail Miller. Il est condamné à la prison à vie et il meurt en 2015, à l’âge de 65 ans.

Compensation et enquête

Entretemps, la fureur du public et des médias continue de tourbillonner autour de l’affaire David Milgaard. Étant sous une intense pression, le gouvernement de la Saskatchewan nomme le juge de la Cour supérieure du Québec, Alan Gold, qui est alors à la retraite, pour qu’il négocie une compensation pour David Milgaard. Sa recommandation d’un règlement de 10 millions de dollars est acceptée par le gouvernement en mai 1999.

En 2004, la province cède également aux demandes d’enquête, et nomme le juge Edward P. MacCallum, de la Cour du Banc de la Reine d’Alberta, pour la présider.

Le juge MacCallum publie une série de recommandations et d’observations en 2008, dont plusieurs concernent la conservation et la divulgation des éléments de preuve. Dans sa conclusion clé, il affirme avoir découvert qu’un polygraphe de la police de Saskatoon qui a interrogé Nichol John et Ron Wilson lors d’un test au détecteur de mensonges a exercé sur eux une pression inacceptable, les poussant à modifier leur histoire et à sceller le destin de David Milgaard avec de faux témoignages. Le service de police de Saskatoon a officiellement présenté des excuses à David Milgaard en décembre 2006.

Vie personnelle et années ultérieures

Au cours des 23 années passées derrière les barreaux, David Milgaard a subi un énorme stress psychologique. Il a été agressé physiquement et sexuellement à plusieurs reprises et il a tenté de se suicider plusieurs fois. Au cours des années suivant son exonération, il a parlé ouvertement de ses souffrances. Il est devenu un défenseur de la réforme des pénitenciers et des droits des accusés. Il travaille avec le ministère fédéral de la Justice pour établir une commission chargée d’enquêter sur les cas de condamnations injustifiées.

David Milgaard s’est marié et a eu deux enfants. Sa famille et lui ont vécu à Cochrane, en Alberta. Joyce Milgaard est décédée dans une maison de soins de Winnipeg en 2020, à l’âge de 89 ans. David Milgaard est décédé d’une pneumonie dans un hôpital de Calgary le 15 mai 2022, à l’âge de 65 ans. Après son décès, le psychologue docteur Patrick Bailie, qui a témoigné lors de l’enquête sur la condamnation injustifiée de David Milgaard en 2006, a dit à CBC News que David Milgaard « voulait vivre pleinement sa vie avec le temps dont il disposait et sans garder de rancune. Sa vie a toujours été définie par quelque chose qu’il n’a pas fait, et il voulait avoir la possibilité de définir sa vie en se basant sur les choses qui lui étaient importantes. » L’avocat Greg Rodin, qui est devenu un ami de David Milgaard, l’a qualifié de « personne aimante, attentionnée et douce. »

Culture populaire

Le livre de Carl Karp et Cecil Rosner, When Justice Fails: The David Milgaard Story, est publié en 1991. En 1992, Global TV diffuse le documentaire The David Milgaard Story, réalisé par Vic Sarin. L’auteur-compositeur-interprète Gord Downie du groupe The Tragically Hip écrit la chanson Wheat Kings, de l’album Fully Completely (1992), qui parle de « David Milgaard et sa foi en lui-même. Et de sa mère, Joyce, et de sa foi absolue en l’innocence de son fils. »

Le téléfilm Hard Time: The David Milgaard Story (v.f. Erreur judiciaire : l’histoire de David Milgaard), mettant en vedette Ian Tracey dans le rôle de David, et Gabrielle Rose dans le rôle de Joyce, est diffusé en 1999 et remporte six prix Gemini, incluant celui du meilleur film pour la télévision ou minisérie dramatique. Le livre de Joyce Milgaard, A Mother’s Story : My Battle to Free David Milgaard, coécrit avec Peter Edwards, est également publié en 1999. L’artiste de bande dessinée David Collier raconte l’histoire de David Milgaard dans le roman graphique Surviving Saskatoon (2000).

Voir aussi Condamnations injustifiées.

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