Éditorial

Drapeau du Canada : autres motifs

L'article suivant est un éditorial rédigé par le personnel de l'Encyclopédie canadienne. Ces articles ne sont pas généralement mis à jour.

Le drapeau national est un moyen simple et efficace d’identifier un pays et d’exprimer sa volonté collective et sa souveraineté. Son symbolisme doit être d’une portée étendue et représenter les différentes perspectives rencontrées dans l’ensemble du pays. Il doit toutefois rester singulier, afin de suggérer l’unité du peuple. Le Canada n’a pas eu un drapeau qui lui est propre pendant presque un siècle. L’Union Jack et le Red Ensign canadien sont ainsi hissés tour à tour au-dessus du Parlement. Mais aucun de ces drapeaux n’est vraiment canadien, ni permanent. La question d’un nouveau drapeau est posée deux fois devant le Parlement (en 1925 et en 1945), mais elle est chaque fois abandonnée devant le manque de consensus. Certains s’accrochent à l’usage traditionnel et aucun symbole unificateur ne parvient à recueillir l’assentiment de chacun. Lorsque le premier ministre Lester B. Pearson rouvre le débat en 1964, il offre aux Canadiens une opportunité de « dire fièrement au monde et à l’avenir : “Ceci est le symbole du Canada” ». Un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes est mis sur pied pour décider du motif le plus approprié. Après des mois de débats intenses, le nouveau drapeau est hissé sur la Colline du Parlement le 15 février 1965. Les membres du public sont invités à participer à la création du drapeau, et plusieurs de milliers de suggestions sont envoyés. Cet article montre douze ces motifs, accompagnés des explications sur les symboles qui se trouvent sur chacun. Ils expriment tous une certaine vision du Canada, un pays encore jeune et qui teste encore sa capacité à s’exprimer.

Castor

Avant l’arrivée des Européens, le castor est vénéré par plusieurs peuples autochtones, dont les Hurons. Les pionniers européens ont pris connaissance de l’existence des castors peu de temps après leur arrivée et Jacques Cartier fait déjà le commerce des fourrures en 1534. En fait, c’est le commerce des peaux de castor qui motive l’exploration coloniale de vastes régions de l’Amérique du Nord.

Le castor a eu un tel impact sur le développement et l’histoire du Canada qu’il fait aujourd’hui partie des emblèmes nationaux officiels du Canada et qu’il est présent sur les armoiries de l’Alberta et de la Saskatchewan. Il apparaît également dans 1 000 noms de lieux d’un bout à l’autre du pays.

Motif de drapeau proposé : castor

Aurore boréale

Ce motif représente une aurore boréalearsaniit en Inuktitut. Symbole canadien profondément associé aux régions nordiques, l’aurore boréale hante et inspire depuis des siècles l’imagination de ceux qui l’aperçoivent. Les histoires et les légendes inuits donnent vie à l’arsaniit. Selon l’Association de tourisme de Nunavik, certains associent ces lueurs dansantes à des « personnages célestes jouant dans l’obscurité de l’hiver » et affirment qu’en « sifflant bruyamment, on peut les faire danser encore plus furieusement ».

Les bouleaux

Les bouleaux sont connus pour leur écorce qui rappelle le papier. Les peuples autochtones utilisent les bouleaux, en particulier le bouleau à papier, pour la confection de leurs paniers et de leurs ustensiles de cuisine. Le canot d’écorce de bouleau est le principal moyen de transport des peuples autochtones des forêts de l’Est, et plus tard celui des voyageurs et des coureurs des bois, qui l’utilisent à grande échelle pour la traite des fourrures au Canada.

Motif de drapeau proposé : bouleau

La Bernache du Canada

La Bernache du Canada, un oiseau que l’on rencontre d’une côte à l’autre du Canada, symbolise les régions sauvages du pays. Le drapeau de l’Union royale (ou « Union Jack ») est utilisé quelque temps comme drapeau national du Canada et il apparaît également dans le coin supérieur gauche du Red Ensign canadien, le drapeau qui a un temps flotté sur la Colline du Parlement et sur les édifices du gouvernement canadien à l’étranger.

La fleur de lys, symbole de l’identité culturelle des Francophones, est présente sur les armoiries du Canada, mais aussi sur le drapeau du Québec. Surnommé le « Fleurdelisé », il est hissé pour la première fois en 1948. La fleur de lys symbolise également les communautés francophones canadiennes sur d’autres drapeaux et emblèmes, notamment le drapeau franco-ontarien.

Motif de drapeau proposé : bernaches du Canada

Quatre feuilles

Il est peu probable que la feuille d’érable ait été considérée comme un emblème du Canada avant le début du 19e siècle. Le premier écrit faisant état de l’érable comme emblème des Canadiens francophones est un épigramme paru dans l’édition du 29 novembre du journal Le Canadien. Dans ce texte adressé à son rival, le journal anglais Mercury, l’érable accuse la rose épineuse (symbole de l’Angleterre) d’égratigner malicieusement les passants.

Dix feuilles

Emblème du Canada depuis au moins le début des années 1830, la feuille d’érable est pour la première fois reconnue officiellement lorsque le prince de Galles présente ses couleurs au 100e régiment (Royal Canadians) en Angleterre. Une feuille d’érable orne chaque coin du drapeau du régiment. L'année suivante, le régiment ajoute des branches d’érable à son insigne, et cette même année, les feuilles sont largement utilisées dans les décorations lors de la visite du prince de Galles.

En 1867, Alexander Muir compose « The Maple Leaf Forever », un chant qui sera considéré pendant des décennies comme l’hymne national au Canada anglais. Les armoiries des provinces du Québec et de l’Ontario, créées en 1868, sont chacune ornées d’un rameau portant trois feuilles d’érable. La feuille d’érable est l’insigne du Corps expéditionnaire canadien durant la Première Guerre mondiale. Une branchette portant des feuilles est un élément important du motif des armoiries nationales établi en 1921.

Motif de drapeau proposé : dix feuilles

Suggestion du Groupe des Sept

« Vous me pardonnerez de faire part de mon opinion dans ce débat assez confus », écrit l’artiste A. Y. Jackson dans une lettre au premier ministrePearson datée du 10 juin 1964. Dans cette lettre, Jackson fait référence au croquis de drapeau montré ici, à propos duquel il écrit :

« [J’avais] à l’esprit le souvenir d’un camp en compagnie de Tom Thomson, dans le parc Algonquin, il y a exactement cinquante ans. J’ai réalisé un croquis qui est devenu une peinture intitulée “L’érable rouge” […] Il représentait un arbre aux feuilles rouges avec la rivière Oxtongue s’agitant dans le fond. Lorsque l’on pense à la manière dont tout ce territoire a été découvert et exploré par des hommes qui se déplaçaient en canot, descendant les rapides ou les remontant à la perche […] cette rivière sauvage est associée de plus près à notre histoire que n’importe quel océan et la ligne dansante sur ce motif la symbolise facilement.

À part ça, je pense que la feuille de l’érable à sucre dans son état naturel est bien plus belle que sa version simplifiée utilisée dans la plupart des motifs de drapeau ».

Parmi les autres artistes établis ayant contribué aux motifs, on retrouve A. J. Casson, du Groupe des Sept, et Maxwell Bates.

Fanion de Pearson

En 1964, Alan B. Beddoe, artiste et conseiller en héraldique, présente à Lester B. Pearson un motif de drapeau représentant trois feuilles d’érable rouges en rameau sur un fond blanc bordé de chaque côté par un pan bleu. La simplicité de la devise, « D’un océan à l’autre », semble satisfaire Pearson qui présente le motif au Parlement en juin 1964. L’idée des trois feuilles d’érable s’inspire probablement des armoiries du Canada accordées par le roi George V en 1921.

George Bist

George Stanley, doyen de la faculté des arts du Collège militaire royal du Canada, est l’un des principaux acteurs participant à la création du drapeau du Canada. Dans une lettre qu’il adresse en mars 1964 au député John Matheson, membre du Comité du drapeau, il insère un croquis de drapeau divisé verticalement en trois parties égales, deux parties rouges encadrant une partie blanche ornée d’une feuille d’érable rouge au centre. Stanley préfère voir une feuille d’érable bien stylisée sur le drapeau, un motif immédiatement associé au Canada et suggérant l’unité du peuple (voir aussi : Drapeau de George Stanley).

Matheson ne rejette pas le motif proposé par Stanley, mais estime qu’il y manque quelque chose. Un motif proposé par George Bist, un ancien combattant, se rapproche de celui d’Alan Beddoe, mais ne comporte qu’une seule feuille d’érable au centre, à l’intérieur d’un carré, ce qui permet d’insérer une feuille plus grande. Bist accompagne son motif du texte suivant : « Je suis fier de ma patrie, le Canada… de son intéressant passé… de ses perspectives de progrès… de son rôle futur sur le plan international ».

Matheson incorpore le carré de Bist au motif de Stanley et ajoute calmement le résultat aux motifs proposés.

Design final

Le drapeau du Canada est unique parmi les drapeaux nationaux par le fait qu’il arbore en son centre un carré blanc qui couvre deux fois plus de surface qu’un « pal » ordinaire (la bande verticale qui occupe un tiers de la surface d’un drapeau).

La feuille initialement dessinée par Beddoe comporte 13 pointes. Matheson observe comment se comporte un drapeau prototype portant la feuille d’érable lorsqu’il bat à l’intérieur de la soufflerie du laboratoire du Conseil national de recherche. Il opte finalement pour une feuille à onze pointes et supervise alors la stylisation de la feuille par Jacques Saint-Cyr, un artiste graphique de la Commission des expositions du gouvernement canadien.

Motif de drapeau proposé : motif final sélectionné
Motif choisi pour le drapeau officiel du Canada en 1965.

Voir aussi :Héraldique ; Emblèmes du Canada ; Le drapeau canadien : typiquement nôtre ; Débat sur le drapeau.