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Droit au logement au Canada

Le droit au logement est un sujet de préoccupation et de discussion croissant dans la société canadienne. Le débat sur la portée et l’application du droit au logement dans le droit canadien, et sur la mesure dans laquelle les Canadiens peuvent revendiquer ce droit en tant que droit juridique fondamental, est encore plus controversé ces dernières décennies. La prise de conscience croissante du droit au logement est attribuable à de nombreux facteurs dont la crise du logement, l’embourgeoisement, le manque général de logements abordables et l’augmentation du nombre de personnes sans abri vivant dans des campements dans les villes canadiennes (voir L’itinérance au Canada). Le processus continu d’élaboration et de mise en œuvre d’un cadre réglementaire et politique fédéral, la Loi sur la stratégie nationale du logement (2019), a également contribué au débat sur le logement en tant que droit de la personne.

Trois niveaux de droit au logement au Canada

Au Canada, trois ordres juridiques se chevauchent pour définir et intégrer le droit au logement : international, fédéral et provincial-territorial.

International

L’ordre juridique international est depuis longtemps cité comme une source d’inspiration et une base potentielle pour l’exercice du droit au logement par les défenseurs des droits de la personne au Canada (voir Droit international). Le travail de Leilani Farha, avocate canadienne spécialisée en droits de la personne et ancienne rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le logement convenable, illustre parfaitement ce genre de plaidoyer.

Les exemples de droit au logement dans les doctrines et traités internationaux sur les droits de la personne sont nombreux. Parmi les plus cités par les législateurs et juristes canadiens figurent le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) (1966) et la Déclaration universelle des droits de l’homme. (Voir aussi Éditorial : John Humphrey, Eleanor Roosevelt et la Déclaration universelle des droits de l’homme.) Fait révélateur, le PIDESC a été intégré au droit canadien par l’intermédiaire de la Loi sur la stratégie nationale du logement, en tant que norme juridique pour évaluer le droit au logement au Canada (réalisation progressive).

Fédéral

Au Canada, les principaux fondements du droit au logement relèvent de lois fédérales et provinciales. Bien que la législation sur la propriété et les codes du logement soient de compétence provinciale, en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, les institutions fédérales ont généralement exercé leur droit de regard sur le logement de diverses manières indirectes et importantes. (Voir aussi Loi constitutionnelle de 1867.)

En 2019, l’adoption d’une loi fédérale révolutionnaire consacre finalement le droit à un logement convenable dans le droit canadien. Elle établit également un nouveau cadre juridique ainsi que des organismes fédéraux dotés de mandats explicitement définis pour la réalisation du droit au logement. Il s’agit notamment du défenseur fédéral du logement (depuis 2019) et du Conseil national du logement, un organisme consultatif du ministre du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités. Ces deux organismes sont chargés de superviser et de conseiller le gouvernement sur le développement d’éléments clés liés au droit au logement du régime fédéral du logement. La création d’une Stratégie sur le logement des Autochtones en milieux urbain, rural et nordique en est un exemple.

Ce tableau illustre les différents mécanismes des droits en vertu du RNDL

Provincial

Sur le plan constitutionnel, le droit au logement repose principalement sur des lois et des codes provinciaux portant sur les droits de la personne, et, dans une moindre mesure, sur des décisions des cours et des tribunaux administratifs des provinces chargés de la médiation des différends opposant les locataires et les propriétaires. Ce droit consiste essentiellement à prévenir la discrimination dans le secteur du logement, à assurer le maintien dans les lieux et à prévenir les évictions illégales ou arbitraires. (Voir aussi Droit de la location immobilière.) Les codes provinciaux sur les droits de la personne confèrent aux tribunaux administratifs (la Commission de la location immobilière de l’Ontario, p. ex.) le pouvoir d’entendre les questions juridiques liées au logement, et même d’imposer un règlement aux parties. Ces exemples peuvent porter sur des questions de droits de la personne telles que des politiques de location discriminatoires, le harcèlement des locataires et des conditions de vie inadéquates.

Dans de rares cas, comme celui d’Irma Sparks en Nouvelle-Écosse (Sparks c. Dartmouth/Halifax County Regional Housing Authority) en 1993, où un tribunal civil a jugé que les règlements provinciaux sur le logement social avaient porté atteinte aux droits de la demanderesse sur le motif qu’ils étaient fondés sur la discrimination raciale et sexuelle, les juges peuvent même procéder à une analyse intersectionnelle du droit au logement pour rendre leur décision. (Voir aussi Intersectionnalité.)

Défis contemporains du droit au logement au Canada

Une multitude de droits au logement sont largement acceptés au Canada de nos jours, bien que leur application demeure difficile et que la question de savoir si un droit au logement peut être appliqué par les tribunaux reste indéterminée. Par exemple, dans l’affaire Tanudjaja c. Procureur général du Canada (2013), les procureurs généraux ont déposé une requête en radiation d’une plainte selon laquelle le Canada et l’Ontario ne respectaient pas leurs obligations, en vertu de la Charte des droits et libertés, de réduire l’itinérance en élargissant l’accès au logement (voir Charte canadienne des droits et libertés). De nombreuses violations des droits de la personne et de nombreux obstacles à la justice auxquels sont confrontés les Canadiens comportent un élément crucial d’accès au logement, et le militantisme en faveur du droit au logement (voir la carrière du militant en faveur du droit au logement François Saillant) est plus répandu que jamais.

Bon nombre de défenseurs du droit au logement, d’organisations de la société civile et de législateurs se préoccupent des personnes en situation d’itinérance, compte tenu de l’augmentation marquée du nombre de Canadiens sans logement ces dernières décennies. Le manque d’accès au logement demeure un facteur déterminant de mauvaise santé, de chômage et d’autres conséquences sociales indésirables. Il est en outre considéré comme une violation flagrante du droit au logement d’une personne, en vertu du droit international.

Parallèlement, les grandes villes canadiennes subissent une augmentation du « squattage » sur les terrains publics et de l’érection de villages de tentes ou de campements, attribuable à une panoplie de facteurs complexes liés à la pandémie de COVID-19, aux évictions pour cause de loyer impayé, au sans-abrisme et à une grave pénurie de logements abordables attribuable à l’embourgeoisement des quartiers et à l’inflation subséquente du prix du logement. (Voir aussi Vancouver en vedette : Des squatters s’installent au parc Stanley)

D’autres problèmes majeurs menacent le droit au logement au Canada, notamment la financiarisation du logement par le biais d’investissements étrangers et nationaux et la spéculation sur le marché immobilier comme moyen de générer des profits, contribuant ainsi à la pénurie de logements locatifs abordables et à la marchandisation des logements. Le phénomène de la réno-éviction, qui consiste à utiliser des rénovations réelles ou factices comme prétexte pour expulser des locataires qui ne sont pas en faute, est un autre problème, car cela peut entraîner des augmentations de loyer et le sans-abrisme.

Plaidoyer

Politiques et programmes

Les défenseurs du droit au logement ont encouragé les gouvernements, ainsi que les fournisseurs de logements privés et sans but lucratif, à adopter plusieurs mesures pour aborder et atténuer les répercussions de la crise du logement sur les détenteurs de droits. Ces mesures comprennent l’application de politiques, comme le contrôle des loyers (limites au loyer qu’un propriétaire peut demander à un locataire). Le contrôle des loyers s’étendrait aux règlements sur les loyers comme l’élimination du contrôle des loyers (règlements qui permettent aux propriétaires d’augmenter le loyer des logements bien au-dessus des niveaux précédents, ce qui peut réduire l’accès à des logements abordables).

Depuis la fin des années 1970, les programmes Priorité au logement (parfois appelés « logements supervisés ») se sont imposés dans tout le Canada comme un modèle accessible, fiable et efficace pour les collectivités ayant des populations sans abri. Ce modèle prend pour principe fondamental le droit au logement et crée un système de soutien pour aider les personnes ayant des difficultés mentales, physiques ou autres, sans condition préalable, à se loger.

En réponse aux problèmes structurels de l’abordabilité du marché du logement, des autorités municipales, des décideurs et des urbanistes ont cherché à appliquer une optique de droit au logement à leurs règlements et politiques en matière de logement. Parmi les plus célèbres de ces plans de « zonage d’inclusion » figure le Règlement pour une métropole mixte de Montréal. Ce règlement municipal de 2021, adopté par l’administration de la mairesse Valérie Plante, favorise l’accès à un logement convenable pour tous.

Associations et comités

Les associations de défense des droits des locataires et les comités de logement, comme le Herongate à Ottawa et le Parkdale Neighbourhood Land Trust à Toronto, ont également gagné en popularité, en partie en réponse aux évictions massives. Ces organismes communautaires, généralement constitués de bénévoles locaux, sont explicitement axés sur les droits de la personne et adoptent parfois des tactiques d’action directe, comme des grèves des loyers, pour atteindre leurs objectifs.

Termes clés : Droit au logement au Canada

Réno-éviction – Rénovations réelles ou factices d’un bâtiment utilisées comme prétexte par un propriétaire pour expulser un locataire. Également connu sous le nom d’éviction frauduleuse.

Contrôle des loyers – Règlements concernant les augmentations de loyer.

Droit au maintien dans les lieux – Protection juridique contre l’éviction forcée ou frauduleuse, le harcèlement et les menaces.

Droit à un logement convenable – Défini en droit international comme contenant sept éléments : le droit au maintien dans les lieux, l’abordabilité, l’habitabilité, l’accès aux services de base, l’emplacement, l’accessibilité, le respect du milieu culturel.

Réalisation progressive du droit au logement – En droit international en matière de droits de la personne, cette norme juridique crée une obligation pour les gouvernements de prendre des mesures concrètes immédiates, d’utiliser toutes les ressources disponibles et d’utiliser tous les moyens appropriés, y compris l’adoption de lois, pour créer les conditions permettant à chacun d’avoir accès à un logement convenable.

Approche fondée sur les droits de la personne (AFDP) – L’AFDP est un cadre conceptuel permettant de recenser et d’éliminer les obstacles systémiques à la jouissance des droits de la personne, tels que le droit à un logement convenable, et de faire en sorte que les voix des personnes touchées par des problèmes de logement soient au cœur de l’ensemble des politiques, des programmes et des décisions budgétaires en matière de logement.

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