Edmond de Nevers (né Abraham-Edmond Boisvert), essayiste et traducteur canadien-français (né le 12 février 1862 à Baie-du-Febvre dans le comté de Yamaska, au Bas-Canada; mort le 15 avril 1906 à Central Falls dans le Rhode Island, aux États-Unis). Il est reconnu pour ses publications : L’Avenir du peuple canadien-français (1896) et L’Âme américaine (1900).
Début de vie
Edmond Boisvert grandit au sein d’une famille d’agriculteurs (voir Agriculture au Canada.). Il changera son nom pour Edmond de Nevers vers 1888, convaincu que sa famille est l’une des plus anciennes et des meilleures de la noblesse française.
Le futur Edmond de Nevers entre au séminaire de Nicolet en classe d’Éléments latins en 1873. Il se distingue aussitôt par sa prodigieuse mémoire, ses dons pour les langues, ses talents de prosateur et de poète, ainsi que par son originalité. C’est pendant son séjour au séminaire que se produisent les premières crises de conscience qui allaient peu à peu le conduire à l’incroyance.
En 1880, il est accepté comme clerc dans un bureau d’avocats de Trois-Rivières. Reçu au Barreau en 1883, il pratique quelque temps le droit, mais s’ennuie fermement dans ce métier.
Départ pour l’Europe
Rêvant de découvrir les vieux pays, Edmond de Nevers embarque à bord d’un transatlantique en 1888.
Berlin est sa destination première. Il souhaite approfondir sa maîtrise de l’allemand, s’abreuver à la science des universités allemandes et perfectionner ses talents de violoniste. Éternel touche-à-tout, il passe ses jours et ses nuits à étudier la musique, la médecine, l’ethnographie, l’histoire et la littérature.
Après deux ans en Allemagne, il visite l’Autriche, la Suisse, la Hongrie, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et peut-être aussi l’Algérie. Il s’installe à Paris en 1891, où il demeure jusqu’en 1900, à l’exception d’un séjour en Amérique (notamment en Nouvelle-Angleterre, où a déménagé sa famille) en 1896-1898. Polyglotte, il décroche un poste de rédacteur à l’agence Havas et a pour tâche de traduire les nouvelles internationales.
Il publie en 1893 son premier ouvrage, une traduction de deux pièces de Henrik Ibsen, en collaboration avec Pierre Bertrand. Dès cet ouvrage paru, il en prépare un second, cette fois tout entier centré sur la situation du peuple canadien-français, auquel il n’a cessé de penser et rêver depuis son départ du Canada. Il confie en 1895 à son ami le docteur J.-M. Brisebois : « Je pense, j’écris, je rêve : je pense au pays, à son avenir, je forme des projets patriotiques. » Ses réflexions, il les couchera dans les pages de L’Avenir du peuple canadien-français, qui sortira des presses au printemps 1896.
Dans son essai, Edmond de Nevers n’a qu’une ambition, qu’un message à livrer : la nation canadienne-française étant menacée d’être engloutie par « les flots montants de l’anglo-saxonisme », il paraît urgent de travailler au relèvement national en insufflant une forte dose de fierté patriotique dans « l’âme » du peuple canadien-français. Ce discours, Edmond de Nevers le répétera par la suite sur toutes les tribunes, profitant parfois des sujets en apparence les plus distants et abstraits pour ressasser sa thèse nationaliste. (Voir aussi Nationalisme canadien-français.)
Le retour au Canada
En 1900, Edmond de Nevers rentre en Amérique ayant terminé un autre essai, en deux volumes, consacré cette fois aux États-Unis. La rédaction de L’Âme américaine (1900) achève de lui coûter ses dernières forces. C’est un homme brisé par le surmenage et paralysé par les ravages de la syphilis dont il est atteint depuis plus de dix ans qui revient au pays.
Grâce au patronage d’Adélard Turgeon, qu’il a connu à Paris, il s’installe à Québec et devient publiciste au ministère des Terres, Mines et Pêcheries du gouvernement provincial, en remplacement d’Arthur Buies qui vient de mourir. Ce n’est pas là la carrière dont il rêvait.
Mais ses idées sont connues, son œuvre commence à rayonner dans le petit cercle nationaliste qui s’anime au Canada français. (Voir aussi Nationalisme canadien-français.) Olivar Asselin fréquente son appartement, ainsi que Henri Bourassa, Rodolphe Lemieux et l’abbé Camille Roy. On applaudit à sa dénonciation de l’anglo-saxonisme et à ses attaques antisémites, lui dont la pensée est nourrie par une conviction racialiste (le monde est divisé en plusieurs races) et raciste (certaines races, dont la race juive, sont inférieures aux autres) profonde. (Voir aussi Antisémitisme au Canada.)
Fin de vie
Edmond de Nevers rêve d’être à la tête d’un véritable mouvement de réveil national. Mais le corps ne suit plus. Il doit laisser dans les cartons, entre autres, un livre de poésie, le récit de ses voyages, un ouvrage d’économie politique et un roman de mœurs, manuscrits tous aujourd’hui perdus.
En 1903, il s’installe à Central Falls, dans le Rhode Island, dans le logement de ses parents. Pendant les trois dernières années de sa vie, la maladie le torture de plus en plus et le fait délirer.
Il s’éteint le 15 avril 1906.