Les forêts anciennes sont des écosystèmes forestiers complexes s’étant développés sur une longue période sans subir de perturbations importantes. Elles présentent des caractéristiques uniques et une grande valeur écologique, sociale, culturelle et économique. Les forêts anciennes constituaient autrefois une part importante du paysage forestier canadien, mais elles n’existent désormais que sous forme de petites parcelles fragmentées en raison de l’exploitation forestière intensive (voir Exploitation forestière), de la conversion des forêts à l’agriculture, des épidémies d’insectes (voir Quatre insectes nuisibles majeurs des forêts canadiennes), des feux de forêt et des maladies. Des mesures de plus en plus nombreuses visant à protéger ces écosystèmes sont mises en œuvre partout au Canada pour lutter contre leur déclin continu.

Description
Les forêts anciennes sont des forêts qui se sont développées sur une longue période, généralement sans subir de perturbations majeures comme des feux de forêt destructeurs ou des coupes à blanc. Comme elles présentent un éventail de caractéristiques écologiques uniques qui varient considérablement en fonction de l’emplacement et de la composition des espèces d’arbres, il est très difficile de définir avec précision ce qui constitue une forêt ancienne.
La caractéristique la plus importante des forêts anciennes est la présence de vieux arbres qui ont atteint l’« âge d’apparition ». Cette donnée marque la période pendant laquelle la croissance d’un arbre ralentit, car il investit plus d’énergie dans la préservation et moins dans la croissance de nouvelles pousses. Cependant, les vieux arbres ne sont pas nécessairement de gros arbres. La taille et l’âge d’apparition d’un arbre varient en fonction du climat, du sol et de l’espèce. Par exemple, certains des plus vieux arbres connus de l’Ontario sont de petits cèdres blancs rabougris qui ont plus de 1 000 ans et qui s’accrochent aux falaises de l’escarpement du Niagara.
Les forêts anciennes présentent également des structures forestières uniques et complexes. Elles contiennent généralement beaucoup de bois mort, notamment des chicots (arbres morts sur pied) et des tronçons (arbres morts abattus), qui constituent un habitat essentiel pour de nombreuses espèces. Leur parterre forestier peut être couvert de fosses et de monticules créés par les arbres tombés, et leur canopée est souvent composée d’arbres d’espèce, de hauteur et d’âge différents. Ces forêts sont des écosystèmes dynamiques qui se renouvellent continuellement au fil du temps, de nouveaux arbres poussant dans les espaces laissés par les arbres tombés. Dans les endroits où les perturbations naturelles sont rares, les forêts anciennes peuvent donc être beaucoup plus vieilles que leurs arbres les plus vieux.

Fonctions
Les forêts anciennes sont des écosystèmes vitaux aux nombreuses fonctions écologiques, sociales, culturelles et économiques.
Rôles écologiques
Les forêts anciennes représentent certaines des plus grandes réserves terrestres de carbone de la planète, ce qui en fait une solution naturelle importante pour lutter contre le changement climatique. Leur structure et leurs habitats uniques en font des hauts lieux de la biodiversité, abritant de nombreuses espèces rares et menacées.
Les forêts anciennes fournissent d’innombrables services écologiques : elles purifient l’air, filtrent l’eau, recyclent les nutriments, contrôlent l’érosion et abritent des pollinisateurs. De plus, la diversité des espèces qu’elles abritent les rend résistantes aux perturbations naturelles telles que les dommages causés par les insectes, les feux de forêt et la sécheresse. Elles sont également précieuses pour la recherche scientifique. Les vieux arbres contiennent dans leurs anneaux de croissance des informations sur l’évolution climatique de la Terre. Les vieux arbres sont également importants pour la santé et la régénération de la forêt environnante, car ils envoient souvent des nutriments aux arbres jeunes ou en détresse par le biais de réseaux mycorhiziens souterrains.
Les forêts plus jeunes ou fragilisées, même celles qui contiennent de vieux arbres, peuvent rarement atteindre la résilience et la complexité écologique des forêts anciennes, et n’abritent pas la même biodiversité.

Liens sociaux et culturels
Les forêts anciennes revêtent une importance culturelle et spirituelle pour de nombreuses personnes au Canada. Elles procurent également de nombreux avantages à la santé humaine et offrent des possibilités de loisirs et d’éducation.
Les Premières Nations de toute l’Amérique du Nord (ou de l’île de la tortue) ont depuis longtemps un lien spirituel et culturel particulier avec les forêts anciennes. Ces forêts sont notamment importantes pour les pratiques culturelles telles que la sculpture, le tissage, la construction de canoës (voir Pirogue et Canot d’écorce de bouleau), la réalisation d’un mât totémique et la récolte de nourriture et de médicaments (voir Médecine traditionnelle des Premières Nations au Canada).
Valeurs économiques
La grande valeur du bois d’œuvre des forêts anciennes en fait un atout pour l’industrie du bois qui est au cœur de l’économie canadienne depuis plus de 300 ans. En 2013, le secteur forestier contribue dans son ensemble à hauteur de 19,8 milliards de dollars, soit 1,25 %, au produit intérieur brut (PIB) réel du Canada. Depuis 60 ans, l’industrie fait face à une préoccupation publique croissante quant à son rôle dans le déclin historique et continu des forêts anciennes. En conséquence, les pratiques forestières écologiquement durables et régénératives gagnent du terrain. Ces pratiques limitent ou interdisent généralement les activités d’exploitation forestière dans les forêts anciennes.
Types de forêts anciennes au Canada
Le Canada compte de nombreux types de forêts anciennes. Globalement, on peut les ranger parmi les huit régions forestières du Canada : la forêt boréale, la forêt des Grands-Lacs et du St-Laurent, la forêt acadienne, la forêt carolinienne, la forêt subalpine, la forêt du Columbia, la forêt montagnarde et la forêt côtière. Ces régions sont ensuite classées par zones biogéoclimatiques, et même par sites spécifiques. Par exemple, les forêts côtières humides de la Colombie-Britannique produisent des forêts à grands arbres et à longue durée de vie qui sont considérées comme anciennes à partir de 250 ans. Par contre, les forêts sèches de cette province subissent davantage de perturbations naturelles telles que des incendies et des infestations d’insectes (voir Quatre insectes nuisibles majeurs des forêts canadiennes). Il s’agit donc généralement de forêts à plus petits arbres et à durée de vie plus courte, considérées comme anciennes à partir de 140 ans seulement.

Répartition
Avant la colonisation européenne, les forêts anciennes constituent la majeure partie du paysage forestier du Canada, soit jusqu’à 90 % dans certaines régions. Il ne reste aujourd’hui qu’une petite mosaïque fragmentée de forêts anciennes. La disparition historique de ces forêts est principalement attribuable à plus de 300 ans d’exploitation forestière intensive et de conversion des forêts en terres agricoles.
L’abondance des forêts anciennes restantes varie d’un bout à l’autre du Canada. Au Québec et dans les Maritimes, par exemple, il reste très peu de forêts anciennes. En Nouvelle-Écosse, seulement 0,3 % des forêts de la province sont considérées comme anciennes, et au Québec, seulement 0,06 %. En revanche, on estime que 23 % des terres forestières de la Colombie-Britannique sont anciennes. Cependant, la plupart de ces forêts sont constituées de petits arbres. Seuls 3 % environ sont des écosystèmes à grands arbres, très productifs sur le plan écologique, car ces forêts font l’objet d’une exploitation forestière intensive.

Déclin et menaces
À l’heure actuelle, les forêts anciennes continuent de décliner partout au Canada; on ne sait pas exactement combien il en reste. Entre 2000 et 2014, c’est le Canada, parmi tous les pays du monde, qui perd la plus grande quantité de forêts primaires (forêts intactes incluant les forêts anciennes).
Le déclin des forêts anciennes est principalement attribuable à l’exploitation forestière industrielle (voir exploitation forestière), aux feux de forêt, aux épidémies d’insectes (voir Quatre insectes nuisibles majeurs des forêts canadiennes), aux maladies et au changement climatique. Par exemple, 44 400 hectares de forêts anciennes sont abattus en Colombie-Britannique en 2021, bien que ce soit 42 % de moins qu’en 2015. Les espèces envahissantes (voir Espèces envahissantes au Canada : plantes et Les espèces envahissantes au Canada : animaux), la conversion des forêts en terres agricoles et la pollution de l’air et de l’eau également affaiblissent et réduisent les peuplements forestiers anciens. Ces éléments sont souvent cumulatifs : les forêts affaiblies par une menace sont ensuite plus vulnérables à d’autres menaces. Leur déclin continu est très préoccupant. Il faut des centaines d’années pour qu’une forêt ancienne se régénère et même dans ce cas, il est peu probable qu’elle retrouve tous les attributs écologiques d’une forêt ancienne naturelle et intacte.
Il existe peu de protocoles généralisés pour recenser et protéger les forêts anciennes au Canada, ce qui complique la recherche et la préservation des parcelles restantes. Les aires protégées existantes sont souvent petites et fragmentées, ce qui se traduit par des habitats de moindre qualité et des écosystèmes moins complexes. Ces petites forêts fragmentées sont souvent plus vulnérables aux maladies, aux espèces envahissantes et à la pollution que les écosystèmes plus grands et non fragmentés.

Protections
Environ 7 % (24 millions d’hectares) de la superficie forestière totale du Canada est protégée, principalement dans les parcs provinciaux et nationaux. On ne sait cependant pas avec certitude quelle proportion de cette superficie de forêts protégées est constituée de forêts anciennes.
Étant donné que la plupart (94 %) des forêts canadiennes se trouvent sur des terres publiques gérées par les gouvernements provinciaux et territoriaux, les politiques, les méthodes et la réglementation visant à protéger les forêts anciennes varient d’une région à l’autre du pays. Certaines provinces, comme l’Ontario et la Nouvelle-Écosse, ont des politiques sur les forêts anciennes pour en orienter le recensement et la protection. En Nouvelle-Écosse, 30 000 hectares de forêts anciennes sont protégés par la politique provinciale sur les forêts anciennes.
D’autres provinces ont des méthodes différentes pour protéger les forêts anciennes. Au Québec, par exemple, les forêts anciennes peuvent être reconnues et protégées en tant qu’« écosystèmes forestiers exceptionnels » (EFE) en vertu de la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier. Le nombre d’EFE augmente de façon constante au cours des 20 dernières années, passant de 70 en 2003 à 265 en 2023. En Colombie-Britannique, le gouvernement provincial s’associe aux Premières Nations pour protéger les forêts anciennes en les soustrayant temporairement à l’exploitation. Quelque 2,4 millions d’hectares de forêts anciennes sont pour le moment soustraits à l’exploitation, en plus des 3,7 millions d’hectares déjà protégés.
La protection des forêts anciennes n’est pas uniquement de compétence provinciale, elle peut également s’effectuer par le biais de propriétaires fonciers privés, de fiducies foncières et d’organismes de conservation et d’accords sur les revendications territoriales autochtones.
