Frances Gertrude McGill, enseignante, bactériologiste, pathologiste médico-légale (née le 18 novembre 1882 à Minnedosa, au Manitoba; décédée le 21 janvier 1959 à Winnipeg). Frances McGill était la première femme pathologiste médico-légale canadienne. Elle a été aussi considérée comme une pionnière du domaine. Au cours de sa vie, elle a aidé la police à résoudre de nombreuses affaires criminelles compliquées et à expliquer bon nombre de morts suspectes, ce qui lui vaut le surnom de « Sherlock de la Saskatchewan ». Elle est souvent citée comme étant la première femme membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Sa devise personnelle aurait été « Penser comme un homme, agir comme une dame et travailler comme un chien ».
Jeunesse et éducation
Frances McGill grandit avec ses trois frères et sœurs sur une petite ferme au sud-ouest du Manitoba. En 1900, ses deux parents, Edward McGill et Henrietta Wigmore, meurent de la fièvre typhoïde après avoir bu de l’eau contaminée lors d’une foire de comté. (Voir aussi Salmonelle.) Frances McGill fréquente l’école normale (aujourd’hui le Manitoba Teachers’ College), à Winnipeg, puis enseigne dans une école de campagne (voir Écoles normales; Enseignants en milieu rural au Canada). Elle pense ensuite se lancer dans une carrière en droit, mais décide finalement, comme deux de ses frères et sœurs, de se tourner vers la médecine (voir Formation médicale). Elle s’inscrit donc à l’Université du Manitoba et occupe un emploi d’enseignante pendant l’été pour payer ses études. Frances McGill obtient son diplôme de médecine en 1915 et reçoit le prix du Doyen ainsi que la médaille d’or Hutchinson pour l’excellence de ses résultats scolaires. Elle réalise ensuite un stage d’un an à l’hôpital général de Winnipeg avant de poursuivre ses études au laboratoire provincial.
Bactériologiste provinciale
En tant qu’experte en bactériologie, Frances McGill accepte en 1918 le poste de bactériologiste provinciale pour le ministère de la Santé de la Saskatchewan, à Regina. À ce moment-là, la pandémie d’influenza, connue sous le nom de grippe espagnole, éclate au Canada et dans le monde entier (voir La grippe espagnole de 1918 au Canada). Dans le cadre de ses fonctions, Frances McGill est aussi appelée à traiter les infections transmises sexuellement, surtout celles des soldats du Corps expéditionnaire canadien de retour d’Europe après la Première Guerre mondiale. Son bureau et son laboratoire se trouvent alors au dernier étage du parlement de la Saskatchewan. Les animaux utilisés pour la recherche sont quant à eux gardés en cage sur le toit.
Pionnière de la pathologie
En 1920, Frances McGill change de poste et devient pathologiste provinciale. Deux ans plus tard, elle est nommée directrice du laboratoire provincial, ce qui lui confère la tâche d’enquêter sur les morts suspectes à l’aide de la science judiciaire. Puisqu’il s’agit alors d’un domaine assez récent au Canada et que Frances McGill est une professionnelle qualifiée, elle réussit à éviter les écueils auxquels sont généralement confrontées les femmes de l’époque dans les domaines où les hommes sont majoritaires. Elle doit cependant prouver ses aptitudes à la GRC, qui hésite à accepter une femme pathologiste.
Puisque le premier laboratoire médico-légal de la GRC n’est fondé qu’en 1937, Frances McGill doit se déplacer partout en Saskatchewan pour effectuer les autopsies, les analyses et les préservations des éléments de preuve que lui demandent la police et la GRC. (Voir aussi Droit de la preuve.) Des enquêtes l’obligent à parcourir des milliers de kilomètres à toute heure du jour ou de la nuit, souvent dans des conditions météorologiques extrêmes. Son travail l’amène à voyager partout dans la province, parfois dans des endroits éloignés, comme le cercle arctique. Lorsqu’elle ne peut pas se rendre quelque part en voiture, elle se déplace à cheval, en traîneau à chiens, en hydravion ou en motoneige. Juste en 1934, elle est appelée à réaliser 43 séjours à l’extérieur de la ville dans le cadre d’enquêtes criminelles. Frances McGill s’avère être une personne forte et robuste qui épate ses collègues masculins grâce à son dévouement, son énergie, son endurance et sa capacité à rester de marbre lorsqu’elle mène des enquêtes macabres.
La charge de travail de Frances McGill diminue en 1937, après la création du premier laboratoire d’enquête médico-légal de la GRC. En 1942, elle quitte le laboratoire provincial et commence à travailler en pratique privée, en se spécialisant dans les maladies de la peau et les allergies. Toutefois, lorsque le directeur du laboratoire médico-légal de la GRC à Regina, le Dr Maurice Powers, décède dans un accident d’avion l’année suivante, on demande à Frances McGill de le remplacer. En tant que directrice, elle est donc appelée une fois de plus à mener des enquêtes partout en Saskatchewan. Elle donne également des conférences et des formations aux policiers et aux détectives, sur les thèmes du droit médical, de la pathologie et de la toxicologie. Elle apprend à ses élèves comment étudier des scènes de crime, à distinguer le sang animal du sang humain ainsi qu’à recueillir et à conserver des preuves. Elle leur inculque également l’importance d’adopter un esprit critique lors de l’examen d’une scène de crime et de documents comme des certificats de décès. En raison de sa détermination à découvrir les faits liés à une affaire, elle agit à la fois à titre d’enquêteuse médicale et de détective. Lorsqu’elle présente des preuves en cour, Frances McGill fait preuve de rigueur. Certains disent toutefois qu’elle peut être impatiente avec les avocats et qu’elle leur lance parfois des remarques acerbes.
Affaires notoires
En 1932, à Lintlaw, en Saskatchewan, les policiers sont convaincus que le fermier Joseph Shewchuk, retrouvé sans vie avec une blessure par balle à la tête, a été victime d’un meurtre. Ils accusent alors un fermier voisin. Cependant, Frances McGill, après avoir étudié les preuves, détermine que la victime s’est suicidée par balle et que le sang retrouvé sur les vêtements de l’accusé est celui d’un veau.
Dans l’affaire South Poplar de 1933, la police croit qu’un autostoppeur, dont le corps a été retrouvé gelé dans un champ, a été tué d’un coup à la tête. Frances McGill réussit toutefois à prouver que la victime est morte d’une crise cardiaque et que ce qui semble être un coup à la tête est en fait le résultat d’un rachitisme infantile et d’une exposition au froid extrême après une consommation d’alcool.
Dans l’affaire Muffin au son de 1936, Frances McGill prouve qu’une femme a assassiné ses grands-parents et tenté d’empoisonner son père. Avant son enquête, aucun crime n’était présumé puisqu’il n’existait aucun motif apparent.
Fin de carrière
Frances McGill se retire de ses fonctions lorsque la GRC embauche un nouveau directeur permanent au laboratoire, le Dr C.D.T. Mundell. Selon un article de 2013 écrit par Susanna McLeod dans The Kingston Whig Standard, le nouveau directeur suggère que « cette femme reçoive un titre et une fonction officielle dans la GRC […] pour récompenser son excellent service, mais aussi pour assurer sa collaboration future, si le besoin se fait sentir ». Frances McGill est nommée chirurgienne honoraire de la GRC le 16 janvier 1946.
En 1952, Frances McGill fait une tournée en Angleterre en tant que seule femme membre de la GRC et est autorisée à visiter les laboratoires médico-légaux de Scotland Yard. Elle demeurera célibataire toute sa vie. Elle aurait même d’ailleurs affirmé qu’elle n’abandonnerait jamais une carrière gratifiante pour un homme. Frances McGill poursuit ses fonctions de conseillère pour la GRC jusqu’à son décès en 1959.
Héritage
Frances McGill est intronisée au Panthéon canadien des sciences et du génie en 1999. Le lac McGill, au nord de la Saskatchewan, est nommé en son honneur après son décès, en 1959. Elle est l’inspiration derrière le roman La pathologiste : Dr. Lesley Richardson enquête (2022) d’Elisabeth Tremblay.