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Gabriel Dumont

Gabriel Dumont, chef métis (né en décembre 1837 dans la colonie de la rivière Rouge, décédé le 19 mai 1906 à Bellevue, en Saskatchewan.) Dumont a joué un rôle politique d’importance au moment où les troupeaux de bisons étaient en déclin. Il s’est battu pendant des décennies pour la prospérité économique et l’indépendance politique de son peuple. Chef de chasse et guerrier notable, Gabriel Dumont a été surtout connu pour son rôle-clé de commandant militaire métis et allié de Louis Riel durant la Résistance du Nord-Ouest en 1885. Son altruisme et sa bravoure durant le conflit de 1885, tout autant que ses prouesses inégalées en tant que chasseur en font encore à ce jour un héros du folklore métis.

Gabriel Dumont
Gabriel Dumont était un homme faisant preuve de grande chevalerie et de savoir-faire sur le plan militaire, superbement à l'aise dans la vie précoloniale des Prairies.
(courtesy Glenbow Archives)

Jeunesse

Gabriel Dumont est le fils aîné du chasseur Métis Isidore Dumont et le petit-fils du voyageur canadien-français Jean-Baptiste Dumont. Les Dumont, importante famille de chasseurs de bisons, ont l’habitude de diriger les brigades dans les campagnes de Saskatchewan. Ils gagnent leur vie de la chasse et du troc du pemmican et de peaux avec la Compagnie de la Baie d’Hudson. Très jeune initié à la chasse au bison, Gabriel Dumont maîtrise rapidement la vie dans les prairies. Il parle sept langues dont le mitchif, la langue pied-noir, le sioux, le cri, le crow et le français, bien qu’il n’apprenne que quelques mots d’anglais. C’est un tireur hors pair à l’arc et au fusil, doublé d’un cavalier d’exception connaissant bien les subtilités de la géographie des Prairies, et comme tout leader métis, il maîtrise parfaitement la culture diplomatique des plaines nordiques.

En 1851, à l’âge de 13 ans, Gabriel Dumont connaît son baptême de feu à la Bataille du Grand Coteau, où il défend un camp Métis contre un groupe de guerriers Dakotas. En 1862, il accompagne son père pour conclure un pacte entre les Métis et les Dakotas. Il contribuera plus tard à la signature d’un traité avec les Pieds-noirs, mettant ainsi un terme aux tensions traditionnelles entre les deux peuples.

Ascension politique

Les prouesses de chasse de Gabriel Dumont le font élire chef de chasse des Métis de la Saskatchewan en 1863, un rôle qu’il occupe jusqu’à la disparition des troupeaux de bisons dans la région en 1881. Il ne participe pas directement à la Résistance de la rivière Rouge entre 1869 et 1870, mais il se hâte vers Fort Garry pour offrir son aide à la résistance contre les forces expéditionnaires du Colonel Garnet Wolseley. On raconte que le gouvernement provisoire de Louis Riel, désireux de résoudre le conflit de façon pacifique, aurait décliné l’offre de Dumont. Après la résistance, entre 1870 et 1880, Gabriel Dumont devient fermier et possède un traversier au lieu-dit Gabriel’s Crossing, au sud de la rivière Saskatchewan Sud, où s’établissent les nombreuses familles métisses chassées du Manitoba.

Gabriel Dumont est un leader visionnaire qui sait reconnaître que le déclin des troupeaux de bisons et l’arrivée de fermiers d’ailleurs au Canada va grandement changer le paysage des Prairies. Il s’engage dans un programme politique de longue haleine qui vise à maintenir l’indépendance politique et économique des Métis de la Saskatchewan. Le 10 décembre 1873, Gabriel Dumont convoque une réunion pour former un nouveau gouvernement pour la colonie métisse de Saint-Laurent sur la rivière Saskatchewan Sud, durant laquelle il est élu président du nouveau Conseil de Saint-Laurent. Le Conseil, gouvernement métis basé sur la chasse au bison, institutionnalise le système de propriété foncière métis sur la rivière Saskatchewan Sud et développe les fondements d’un code juridique. Grâce à la participation populaire, Gabriel Dumont institue une constitution formelle écrite pour la postérité par un prêtre local, le Père André.

En tant que président, Gabriel Dumont supervise un comité de conseillers élus, agit comme médiateur et règle les conflits entre les différents peuples de la région. Le Conseil fait dès ses débuts face à l’ingérence politique du Canada qui se proclame la seule autorité gouvernante de la région. Gabriel Dumont annonce clairement aux autorités canadiennes que le Conseil n’est qu’un gouvernement local et non un mouvement sécessionniste, ce qui calme l’inquiétude de la plupart des colons. Lorsque la nouvelle se rend à Londres, le secrétaire d’État aux colonies de Grande-Bretagne répond : « Il serait difficile de voir d’un mauvais œil les agissements d’une communauté qui, parce qu’elle a à cœur que le maintien de l’ordre, fait ce qui est en son pouvoir pour atteindre cet objectif. »

Le Conseil cherche toutefois à atteindre une certaine autonomie et n’a aucune intention de céder du territoire aux arpenteurs canadiens qui arrivent dès 1870 et n’ont aucun respect pour le système foncier des Métis. Le gouvernement de Sir John A. Macdonald, de son côté, ne semble pas vouloir considérer les Métis comme un peuple autochtone autonome. L’arrivée en 1874 de la police à cheval du Nord-Ouest (P.C.N.-O.) dans les plaines envenime grandement la tension.

Dumont, Riel et le gouvernement provisoire de la Saskatchewan

Au début des années 1880, Gabriel Dumont et son conseil envoient plusieurs pétitions à Ottawa qui demandent que le Parlement reconnaisse aux Métis la propriété des terres et inclue les lots riverains dans le cadastre de l’ouest effectué par le Dominion. Devant le silence d’Ottawa, les Métis de Saint-Laurent décident de défendre eux-mêmes leur territoire. Gabriel Dumont et plusieurs de ses conseillers décident en mars 1884 de demander conseil Louis Riel, qu’ils considèrent comme un expert pour s’adresser au gouvernement canadien. En mai 1884, une délégation demande à Louis Riel de venir en Saskatchewan pour conseiller les Métis sur la protection de leurs terres et de leur liberté. Ils sont quatre, incluant Gabriel Dumont, à voyager jusqu’à la mission jésuite de St Peters, dans le Montana. Ils convainquent Louis Riel de les suivre jusqu’en Saskatchewan. Louis Riel et Gabriel Dumont tissent alors d’étroits liens d’amitié.

En mars 1885, alors que les tentatives de négociation des Métis sont ignorées par le gouvernement, Gabriel Dumont convoque une réunion générale des Métis à Batoche. Nombreux sont ceux qui suggèrent le recours aux armes pour défendre leurs terres contre la colonisation canadienne. Gabriel Dumont offre d’orchestrer la défense de Saint-Laurent advenant le cas que cette option fasse l’unanimité. La réunion se solde avec la création d’un nouveau gouvernement provisoire de la Saskatchewan, qui a pour mandat de négocier avec le Canada et de défendre les territoires Métis. Gabriel Dumont est nommé « adjudant général » et, ainsi qu’il le faisait pour la chasse au bison, dirige quelque 300 soldats métis. Bien que le gouvernement soit officiellement dirigé par Louis Riel, Gabriel Dumont demeure un leader précieux dans la communauté. On lui doit maintes décisions politiques et militaires.

Résistance du Nord-Ouest

À l’époque, des rumeurs courent selon lesquelles les Métis s’apprêtent à attaquer Fort Carlton. Le gouvernement canadien dépêche donc la P.C.N.-O. pour contrecarrer les plans du gouvernement métis. Ce dernier organise rapidement une offensive et, le 26 mars 1885, va à la rencontre de la P.C.N.-O. près du lac aux Canards. Lorsque Isidore, le frère de Gabriel Dumont, et un Cri nommé Assiwyin sont abattus par la P.C.N.-O. à la suite de pourparlers ratés, les Métis sonnent l’attaque et tuent trois policiers et neuf milices. Bien des Métis croient que cette bataille n’était que légitime défense, parce que les Canadiens avaient ouvert le feu et tué les diplomates envoyés pour éviter un conflit armé. Gabriel Dumont est atteint d’une balle à la tête durant le conflit. Heureusement, la balle ne fait qu’effleurer son crâne. Il soigne sa blessure durant le reste de la Résistance du Nord-Ouest, ce qui ne l’empêche pas de diriger ses soldats.

Conscient que d’autres troupes canadiennes dirigées par le général Frederick Middleton se dirigent vers eux, Gabriel Dumont propose de lancer une campagne de guérilla visant les chemins de fer et les soldats canadiens. Le gouvernement provisoire refuse toutefois cette idée. Louis Riel préfère une résolution pacifique des hostilités, la confrontation avec les soldats canadiens n’étant qu’un dernier recours. Malgré sa volonté de combattre les Canadiens, Gabriel Dumont fait confiance au jugement de Louis Riel et accepte de retarder l’attaque.

Celle-ci a lieu à Fish Creek le 24 avril causant la surprise parmi les forces canadiennes inexpérimentées du général Middleton et ralentissant leur progression jusqu’au bastion métis de Batoche. À Batoche, Gabriel Dumont mène le combat acharné pour la défense de la communauté pendant quatre jours, du 9 au 12 mai 1885. Malgré un adversaire de force supérieure, il réussit à neutraliser un traversier transformé en canonnière et à repousser plusieurs vagues de soldats. Le quatrième jour, alors que les munitions manquent et que les Métis n’ont plus que des clous et des retailles de métal à tirer, les Canadiens percent leur ligne de défense. Batoche est pillée et Gabriel Dumont est contraint de se cacher. Il reste néanmoins aux environs de Batoche plusieurs jours après sa chute, distribue des couvertures aux femmes et aux enfants sans abri et assure leur sécurité. Il cherche aussi Louis Riel, qui s’est rendu avant que Gabriel Dumont ne puisse le trouver. En apprenant qu’il a été arrêté. Gabriel Dumont part aux États-Unis.

Vie ultérieure

Gabriel Dumont est toujours recherché au Canada et son nom est entouré d’une aura mystique sur le territoire de la Saskatchewan. On raconte qu’il prépare une audacieuse attaque pour libérer Riel lors de son procès à Régina, ce qui force les gardiens du prisonnier sur le qui-vive. On dit également que les soldats, en apprenant que Dumont a encore son fameux fusil, Le petit, mettent peu d’effort à trouver sa cachette. En arrivant aux États-Unis, Gabriel Dumont et son compagnon Michel Dumas sont arrêtés, mais les autorités locales reçoivent rapidement un message du Bureau ovale leur ordonnant de les relâcher. Au vu de l’acrimonie qui entoure le procès de Louis Riel, le gouvernement canadien décide de ne pas demander son extradition. En juin 1886, le Canada lui accorde même le pardon. Il voyage un peu partout aux États-Unis durant les années qui suivent et s’arrêtent à Montréal en 1888 puis, deux ans plus tard, en Saskatchewan. En 1893, il s’installe à Batoche de façon permanente, et dicte ses mémoires racontant en détail la Résistance du Nord-Ouest. Il meurt d’un arrêt cardiaque le 19 mai 1906.

Le saviez-vous?

En 1903, Gabriel Dumont dicte ses mémoires à un groupe d’amis. Le manuscrit de 103 pages reste méconnu et non publié dans les archives provinciales du Manitoba jusqu’à ce que Michael Barnholden le découvre en 1971. Il est alors traduit en anglais (étant à l’origine rédigé dans un mélange de français et de mitchif) et Barnholden le publie sous le titre de Gabriel Dumont Speaks en 2009.

Dans ses mémoires, Gabriel Dumont raconte comment un petit groupe de leaders métis et lui-même se sont rendus jusqu’au Montana en 1884 afin de demander à Louis Riel de les aider à se battre pour la terre de leur peuple et leurs droits politiques en Saskatchewan. Selon Gabriel Dumont, Louis Riel répond : « Cela fait quinze ans déjà que j’ai donné mon cœur à mon pays. Je suis prêt à le faire à nouveau… » Gabriel Dumont se souvient aussi de la terrible blessure par balle qu’il reçoit lors de la bataille de Duck Lake en 1885, lors de la Résistance du Nord-Ouest : « J’avais au sommet de ma tête une blessure longue de deux pouces et profonde de trois quarts de pouce… J’étais en souffrance pendant toute la guerre, de Fish Creek à Batoche, criant de douleur toute la journée. Ma tête a saigné toute la nuit. »


Héritage

L’héritage de Gabriel Dumont chez les Métis est presque aussi important que celui de Louis Riel. Sa vie est un exemple d’altruisme : il s’occupe des familles métisses laissées vulnérables à la suite de la chute de Batoche et participe à la défense des terres métisses contre la colonisation, malgré que ses propres terres auraient été reconnues par le Dominion. Gabriel Dumont avait tout à perdre en s’engageant au combat en 1885. En fait, sa demeure a d’ailleurs été pillée et incendiée par les Canadiens, le forçant à vivre chez des proches le reste de sa vie.

Après les événements de 1885, on se rappelle Gabriel Dumont avec plus d’affection que Louis Riel, personnage provoquant la division. Juste après la chute de Batoche, alors que Gabriel Dumont est en fuite aux É.-U., il jouit d’une certaine célébrité et est même mentionné comme chef rebelle et recherché dans le Wild West Show de Buffalo Bill Cody. C’est peut-être parce qu’il est chasseur de bison qu’il a capté l’imagination romantique, contrairement à Louis Riel, qui reste un personnage controversé jusque dans les années 1960. Toutefois, avec la recrudescence de l’intérêt pour l’histoire, la politique et la culture métisse, tous deux deviennent des personnages publics importants tant pour les Canadiens que les Métis.

De nombreux Métis considèrent Gabriel Dumont comme ce que leur culture produit de mieux. C’est un combattant et un guerrier motivé plus que tout par le bien de son peuple. Gabriel Dumont fait partie d’innombrables histoires, poèmes, livres et œuvres d’art. Son nom orne plusieurs institutions métisses, dont le Gabriel Dumont Institute of Native Studies and Applied Research, important centre de recherche Métis qui publie un livre par Darren R. Préfontaine en l’honneur de Gabriel Dumont : Gabriel Dumont : Li Chef Michif in Images and in Words.

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