Venus du Groenland, les Islandais sont les premiers voyageurs européens à pénétrer dans ce qui est aujourd’hui le Canada. Vers l’an 985, Érik le Rouge établit un poste au Groenland et, en 986, Bjarni Herjolfsson est le premier Européen à repérer la côte Nord-Est du Canada. Des fouilles archéologiques effectuées à l’L’Anse aux Meadows indiquent que des Scandinaves se sont établis à Terre-Neuve. Le fils de Karlsefni, Snorri, est probablement le premier Européen à naître au Canada.
Le recensement de 2016 dénombre 101 795 habitants d’origine ethnique islandaise et indique que 1 440 personnes ont l’islandais comme langue maternelle.
Historique
Colonisée au 9e siècle par des chefs de clans norvégiens rebelles et leurs partisans, l’Islande est une île au climat tempéré, adouci par le Gulf Stream. L’intérieur du pays, formé de monts volcaniques, d’un plateau de glaciers, de champs de lave et de zones désertiques, est inhabitable. La côte, dépourvue d’arbres, est cependant couverte de pâturages propices à l’élevage des moutons et à la culture. L’assemblée islandaise connue sous le nom de l’Althing (constitué en 930) est le plus ancien parlement du monde.
Au cours de leur histoire, les Islandais sont victimes de nombreux désastres naturels. En 1800, après une période de famine, d’épidémies et une série d’éruptions volcaniques, la population n’est plus que de 47 000 habitants. Au 19e siècle, d’autres fléaux, dont une épidémie ovine, la détérioration du climat et de nouvelles éruptions volcaniques, frappent les Islandais. Le gouvernement danois, qui a autorité sur l’Islande à l’époque, propose de reloger toute la population islandaise au Danemark. La plupart des gens refusent, mais quelques Islandais émigrent au Brésil et au Wisconsin. Le 12 septembre 1872, Sigtryggur Jonasson débarque à Québec. Âgé de 22 ans, c’est le premier Islandais des temps modernes à fouler le sol canadien.
Immigration
En 1873, quelque 150 Islandais suivent l’exemple de Jonasson. Dès leur arrivée à Québec, ils se voient offrir par le gouvernement canadien le transport gratuit pour l’Ontario ainsi que des terres. On choisit Rosseau, dans le comté de Muskoka. Cependant, comme les emplois promis par le gouvernement en attendant l’aménagement des terres ne leur conviennent pas, les immigrants quittent bientôt les lieux, laissant derrière eux une petite communauté islandaise.
Un second groupe d’immigrants s’installe à Kinmount (Ontario) en 1874. Un agent du service de l’Immigration de la Nouvelle-Écosse invite les nouveaux venus à s’établir dans une région que les Islandais baptisent Markland (Nouvelle-Écosse), près de Halifax. Des terres, des instruments ménagers et une aide financière leur sont offerts, mais, malheureusement, le sol est incultivable.
Peuplement
En 1875, 235 Islandais, partis de Winnipeg, au Manitoba, en barge, se dirigent vers le nord en empruntant la rivière Rouge et gagnent la rive ouest du lac Winnipeg. On leur a promis une réserve dans ce qui n’est encore qu’une partie mal délimitée des Territoires du Nord-Ouest. Cette réserve, établie par décret, devient la Nouvelle-Islande, dont la structure politique est unique dans l’histoire du Canada. En 1876, 1200 nouveaux venus s’ajoutent au premier groupe. La même année, 50 immigrants restent à Winnipeg, puis 200 l’année suivante, créant ainsi le premier regroupement urbain permanent d’Islandais au Canada.
En Nouvelle-Islande, les habitants élaborent leurs propres lois, conservent leur système d’éducation et, en général, gèrent leurs propres affaires. Une suite de désastres, dont des inondations et une épidémie de variole (1876-1877), viennent toutefois les décimer. En 1878, on assiste à un exode général vers Winnipeg et le Dakota du Nord, si bien qu’en 1881, la population de la Nouvelle-Islande n’était plus que d’environ 250 personnes.
C’est aussi en 1881 que les frontières provinciales s’étendent au nord. La Nouvelle-Islande fait désormais partie du Manitoba, mais la région conserve toujours un caractère fortement islandais. Le peuplement le plus important de la Nouvelle-Islande est Gimli. Ailleurs au Manitoba, les Islandais peuplent Lundar (sur le lac Manitoba); Glenboro, dans le Sud-Ouest de la province; Selkirk, au nord de Winnipeg; et Morden, au sud.
Pendant les 19e et 20e siècles, Winnipeg continue d’accueillir des immigrants. Les nouvelles communautés qui se forment plus tard dans les zones rurales de la Saskatchewan et de l’Alberta sont surtout composées de gens qui ont quitté le Manitoba ou les communautés islandaises des États-Unis. Les descendants de ces pionniers sont aujourd’hui dispersés dans tout le territoire canadien. Dans le recensement de 2016, 101 795 personnes indiquent avoir des origines ethniques islandaises (8 630 réponses simples et 93 165 réponses multiples).
Vie économique
La plupart des immigrants islandais conservent le métier qu’ils pratiquaient dans leur pays d’origine, c’est-à-dire l’agriculture. Toutefois, les communautés agricoles qu’ils forment en Ontario et en Nouvelle-Écosse connaissent des échecs et la situation en Nouvelle-Islande n’est guère plus favorable. La pêche en eau douce contribue cependant à la viabilité économique de cette région.
Quand cela leur est possible, les immigrants envoient leurs enfants à l’université, ce qui peut avoir comme effet d’accélérer leur assimilation. Les Islandais ne rencontrent guère de préjugés. Les mariages mixtes sont d’ailleurs relativement fréquents. En général, les jeunes Islandais choisissent des professions libérales : médecine, droit et enseignement.
Vie sociale et communautaire
Depuis l’époque de la Nouvelle-Islande, les Islandais conservent une partie des traditions sociales, culturelles et linguistiques de leur pays d’origine. Leurs initiatives, cependant, sont souvent empreintes d’un esprit de clan qui se reflète dans leurs nombreuses associations de bénévoles, dont la plupart, à l’époque de la Nouvelle-Islande, regroupent des personnes qui partagent des intérêts religieux.
L’Icelandic National League of North America, l’association la plus importante du point de vue historique, est fondée en 1919. Elle a pour but d’aider les Islandais à s’adapter au Canada, tout en préservant des éléments de leur patrimoine. L’association est représentée dans presque toutes les localités fondées par les Islandais et dans les villes habitées par les descendants des pionniers. En 1942, l’Icelandic Canadian Club lance le premier périodique islandais anglophone d’Amérique du Nord, l’Icelandic Canadian.
Les associations islandaises ont coutume d’organiser des manifestations à caractère social et éducatif parmi lesquelles l’Icelandic Festival (Islendingadayurinn), tenu pour la première fois à Winnipeg, en 1890. Depuis 1932, le festival se déroule tous les ans à Gimli, le 2 août. Créé au départ pour commémorer l’octroi d’une constitution à l’Islande (1874), il rend également hommage aux pionniers islandais du Canada.
Vie religieuse et culturelle
La plupart des Islandais du Canada professent le luthéranisme, religion d’État en Islande. C’est d’ailleurs à Winnipeg qu’a lieu, en 1885, la première assemblée du synode évangélique islandais de l’Église luthérienne d’Amérique. L’Église unitarienne est alors la deuxième Église en importance, mais on ignore les origines précises de sa formation. Le premier temple unitarien ouvre ses portes en 1892. D’assez fortes rivalités politiques et religieuses opposent les membres de ces deux confessions à Winnipeg et, par la suite, dans les petites communautés rurales. L’Église unie est aujourd’hui la deuxième confession en importance des Islandais.
Le premier journal islandais d’Amérique du Nord, Framfari (Le progrès), est publié en Nouvelle-Islande de 1877 à 1880. Entre 1879 et 1910, huit autres publications voient le jour à Gimli. En 1886, paraît Heimskringla (Le monde), journal qui entraînera, en partie par réaction, la formation du Lögberg (La tribune) en 1887. Tous deux sont publiés en islandais. Ils fusionnent cependant en 1959 sous le nom de Lögberg-Heimskringla, qui est publié en anglais (voirJournaux au Canada).
La littérature formée des sagas retraçant la colonisation de l’Islande constitue sans doute l’élément unificateur par excellence de la culture islandaise. La communauté canado-islandaise compte de nombreux poètes et romanciers de langue anglaise et islandaise. Stephán G. Stephansson demeure, selon de nombreux critiques, le poète islandais le plus marquant de notre siècle. Son contemporain, Guttormur J. Guttormsson, est surtout connu pour son poème Sandy Bar, un hommage aux pionniers de sa terre natale, la Nouvelle-Islande. Né en 1878, il ne visitera l’Islande qu’en 1939. Vilhjalmur Stefansson, explorateur et anthropologue dans l’Arctique, a beaucoup écrit sur les Inuits. Parmi les écrivains islandais contemporains, citons Laura Goodman Salverson, lauréate du Prix du Gouverneur général, première rédactrice en chef de l’Icelandic Canadian et auteure de The Viking Heart et de Confessions of an Immigrant’s Daughter; William Valgardson, qui a écrit, entre autres, Bloodflowers; David Arnason, dramaturge et auteur de recueils de poèmes, de nouvelles et d’un roman; Kristjana Gunnars, auteure de plusieurs recueils de poésie.
Éducation
Pendant longtemps, l’Islandais qui désirait se marier devait posséder une certaine érudition et tout le monde était censé avoir une connaissance intime des sagas anciennes. En Nouvelle-Islande, on demande l’établissement d’une école avant même que les maisons ne soient construites. L’islandais est enseigné dès 1901 au collège Wesley, devenu depuis l’Université de Winnipeg. La même année, le ministère manitobain de l’Éducation approuve l’enseignement de l’islandais dans les écoles provinciales, là où les parents le demandent, et l’Université du Manitoba le reconnaît comme langue seconde pour les étudiants nouvellement admis. Entre 1913 et 1940, la Jon Bjarnson Academy de Winnipeg, parrainée par l’Église luthérienne, offre un programme d’enseignement secondaire. L’U. du Manitoba crée une chaire de langue et de civilisation islandaises en 1951. Aujourd’hui, un conservateur administre la collection islandaise (plus de 14 000 volumes) de la bibliothèque. Le recensement de 2016 enregistre 21 440 personnes dont la langue maternelle (première langue apprise) est l’islandais.
Vie politique
Bien que de nombreux Islandais aient embrassé des carrières politiques, on ne peut les associer à une idéologie ou à un parti politique canadien particuliers. En 1898, Sigtryggur Jonasson est élu député de St. Andrews à la législature du Manitoba. En 1908, Margaret J. Benedictson, directrice du magazine féminin Freyja de 1898 à 1910, fonde la première société de suffragettes à Winnipeg. En 1915, Thomas H. Johnson est nommé ministre de la Justice et ministre des Travaux publics du Manitoba, devenant ainsi le premier Islandais à siéger au sein d’un cabinet au Canada. De plus, George Johnson a agi comme ministre de la Santé du Manitoba avant d’accéder au poste de lieutenant-gouverneur de la province.