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Leif Eriksson

Leif Eriksson (du vieux norrois Leifr Eiríksson, ou Leifr hinn heppni, Leif le chanceux), explorateur, chef (né dans les années 970 EC en Islande; décédé entre 1018 et 1025 au Groenland). Leif Eriksson est l’un des premiers Européens à avoir exploré la côte est de l’Amérique du Nord, y compris les régions qui font aujourd’hui partie de l’Arctique et des provinces de l’Atlantique. À la mort de son père, Érik le Rouge, Leif Eriksson devient le chef suprême de la colonie scandinave du Groenland. Les deux principaux écrits qui lui font référence sont La Saga des Groenlandais et La Saga d’Érik le Rouge. Il est également mentionné dans La Saga d’Olaf Tryggvason et La Saga de Saint Olaf.

Leif Eriksson
Statue de Leif Eriksson près de Búðardalur, en Islande. Photographie prise en 2013. (avec la permission de Dominik/Creative commons, Flickr)

Jeunesse et formation

Leif Eriksson est l’un des trois fils d’Érik le Rouge – le premier colonisateur du Groenland – et de sa femme Thjodhild. Il quitte l’Islande pour le Groenland avec ses parents autour de l’an 985. Dans les années 990, il se présente à la cour du roi Olaf Tryggvason de Norvège, qui « lui fait grand honneur, Leif lui paraissant être un homme de bonne famille ». Servir un dirigeant respecté fait à l’époque partie de l’éducation de tout jeune scandinave bien élevé.

Selon certaines sources, Leif Eriksson se serait converti au christianisme à la demande d’Olaf, et lorsque Leif annonce son intention de retourner au Groenland, Olaf lui procure un prêtre et d’autres hommes du clergé et lui ordonne d’y introduire le christianisme. De nombreux historiens ont mis en doute la date de cet épisode, qui selon eux se serait plutôt déroulé une dizaine d’années ou plus après l’an 1000. Des indices archéologiques provenant du village groenlandais montrent cependant qu’il existait une église chrétienne entourée d’un cimetière où les morts ont commencé à être inhumés à partir des années 990. Mises à part les propres croyances de Leif, la loyauté qui le lie à Olaf et le statut qu’il aurait acquis en obtenant le soutien du roi sont suffisants pour expliquer sa motivation à entreprendre cette mission religieuse.

Explorations

Leif Eriksson est surtout réputé pour les explorations en Amérique du Nord qu’il entreprend autour de l’an 1000. Son rôle dans ces expéditions varie d’un écrit à l’autre. Dans La Saga des Groenlandais, qui n’a survécu que sous la forme d’un manuscrit écrit en 1387, il décide d’explorer les régions observées quinze ans plus tôt par l’Islandais Bjarni Herjolfsson, lorsque le navire fut déporté de sa route vers le Groenland au départ de l’Islande. Bjarni Herjolfsson a observé trois secteurs, que Leif baptise, du nord au sud, Helluland, Markland et Vínland.

Helluland, qui signifie « terre de larges pierres plates », est couvert de glaciers, de montagnes et de roches. Il couvrirait la région qui s’étend de l’île de Baffin et l’île Resolution au Nunavut aux monts Torngat, dans le Nord du Labrador. Plus au sud se trouve Markland (terre des forêts), probablement une vaste région autour de l’inlet Hamilton, dans le Centre du Labrador. Au sud de Markland, autour du golfe du Saint-Laurent, s’étend Vinland (terre du vin), qui doit son nom aux vignes sauvages découvertes par les explorateurs scandinaves.

Carte de Skálholt

La carte de Skálholt, dessinée par l’enseignant islandais Sigurd Stefánsson en 1570, sur laquelle sont identifiés Helleland (Helluland), Markland, Land (une référence aux habitants autochtones du Labrador) et le Promontorium Vinlandiæ (le promontoire/cap de Vinland). (Copie réalisée par Jörg Schulz, domaine public : lien.)

Dans La Saga des Groenlandais, Leif établit un camp de base en prévision des explorations à venir dans le Vinland et le baptise Leifsbúðir (le camp de Leif). L’emplacement exact de ce camp reste controversé chez les historiens, certains ayant proposé l’Anse aux Meadows, dans le Nord de Terre-Neuve.  

Les Sagas du Vinland relatent plusieurs rencontres saisissantes avec des Autochtones, probables ancêtres des Mi’kmaq, des Beothuks et des Innus. Il n’a cependant pas été clairement établi que Leif était présent durant ces rencontres, en partie parce que les différents récits ont été mêlés les uns aux autres.

La Saga d’Érik le Rouge, écrite au début du 14e siècle, minimise le rôle de Leif par rapport à celui de l’Islandais Thorfinn Karlsefni. Celui-ci considère que Leif Eriksson était avant tout un explorateur et la saga nomme Leif, plutôt que Bjarni, comme étant le marin qui a été emporté par une tempête jusqu’à se trouver à portée de vue de l’Amérique du Nord. Les voyages de Leif ont été condensés dans une paire de phrases ambiguës dans lesquelles sont énumérées les principales ressources du Vinland : raisins, bois de qualité et champs de blé naturel. La modification du récit est intentionnelle. Cette version a été rédigée pour rehausser la réputation de Thorfinn Karlsefni et de sa femme, Gudrid, et en faire profiter leurs descendants.

(Voir aussi Expéditions vikings.)

Leader et chef

Leif Eriksson
Statue de Leif Eriksson dans le parc Leif Erikson, à Duluth, dans le Minnesota. Photographie prise en 2012. (avec la permission de jpellgen/Creative Commons, Flickr).

Selon La Saga des Groenlandais, Leif Eriksson possède toutes les qualités du leader scandinave idéal : « grand et fort, d’une allure impressionnante, astucieux ainsi que modeste et sage dans tous les domaines ». Il devint « très riche et très respecté ». Même sa vue était meilleure que la plupart des gens. Alors qu’il vient de quitter le Vinland pour s’en retourner au Groenland, il aperçoit 15 naufragés sur un récif bien avant que son équipage puisse les distinguer. Il offre alors aux naufragés une hospitalité digne d’un leader, en organisant des quartiers pour loger le groupe et en invitant leur leader et sa famille à passer l’hiver avec lui. Après cet épisode, Leif Eriksson est surnommé Leif le chanceux (Leifr hinn heppni).

Le saviez-vous?
En vieux norrois, heppin n’a pas le sens moderne de « chanceux ». Selon la spécialiste de la mythologie nordique Bettina Sejbjerg Sommer, le mot désigne « une qualité inhérente de l’homme et de sa lignée, qui fait partie de sa personnalité, un peu comme sa force, son intelligence, son habileté aux armes, et qui est à la fois cause et expression de son succès, de sa richesse et de la puissance de sa famille… un héros était un homme de chance ». Dans l’esprit des Scandinaves, Leif Eriksson n’était pas « chanceux » du fait de ses réussites. C’était l’inverse. Il a réussi à faire ce qu’il a fait parce qu’il était chanceux.

À la mort de son père Érik, peu après l’an 1000 EC, Leif prend possession de la propriété familiale à Brattahlid, au Groenland. Il devient alors chef suprême de la colonie qu’Érik a fondée. Leif Eriksson n’a jamais visité le Vinland en tant que chef, mail a autorisé les membres de sa famille à s’y rendre.

Il était toujours en vie en 1018 lorsque, selon La Saga de Saint Olaf, le roi Olaf II envoie son adversaire vaincu Hraerik « à Leif Eriksson, au Groenland ». Olaf espère à l’époque que l’éloignement de cette colonie ferait que Hraerik ne reviendrait jamais. Selon La Saga des frères jurés, aux environs de 1025, Leif Eriksson est déjà mort et son fils Thorkell est chef à Brattahlid. Brattahlid resta le siège du chef suprême, mais on ne sait pas si les descendants de Leif devinrent eux aussi leaders.

Brattahlid (Qassiarsuk), Greenland
Reconstruction de l’église de Thjodhild et de la demeure d’Érik le Rouge à Qassiarsuk, au Groenland, le site de Brattahlid durant la colonisation par les Scandinaves. Photographie prise en 2018. (avec la permission de gordontour/Creative Commons, Flickr CC)

Vie personnelle

La femme de Leif n’est mentionnée dans aucun texte et l’on ne sait pas grand-chose de ses descendants, sauf qu’il a eu deux fils. L’un d’entre eux, nommé Thorgils, a été conçu hors mariage dans les Hébrides (une série d’îles au large de la côte ouest de l’Écosse), lors du premier voyage de Leif en Norvège. La mère de Thorgils, Thorgunna, appartenait à la noblesse des Hébrides. Leif Eriksson reconnaît à l’époque Thorgils comme étant son fils, mais il refuse d’épouser Thorgunna — une offense que selon elle, Thorgils devra payer lorsqu’il sera adulte : « J’ai le sentiment qu’il vous retournera un jour la faveur que vous me faites aujourd’hui ». Elle enverra finalement Thorgils au Groenland, où il fut perçu comme un être ayant un côté étrange. L’autre fils de Leif, Thorkell, est réputé être le fils de Leif et de sa femme, et donc l’héritier légitime de Brattahlid et du titre de chef suprême.

Importance

Leif Eriksson fut le premier Européen à explorer, autour de l’an 1000 EC, la région qui constitue aujourd’hui l’Est du Canada, de l’Arctique au Nouveau-Brunswick. Il accomplit ces voyages près de cinq cents ans avant l’expédition de Christophe Colomb qui ne traversera l’Atlantique qu’en 1492. Les archéologues s’affairent toujours aujourd’hui pour établir avec certitude l’emplacement du camp de base de Leif Eriksson au Vinland.

Leif Eriksson

Statue de Leif Eriksson à Reykjavik, en Islande. Photographie prise en 2016. (avec la permission de Plashing Vole/Creative Commons, Flickr)