John Sopinka, juge à la Cour suprême, avocat, défenseur des droits sociaux, auteur, joueur de football et violoniste (né le 19 mars 1933 à Broderick, en Saskatchewan; décédé le 24 novembre 1997 à Ottawa, en Ontario). John Sopinka a joué dans la Ligue canadienne de football pendant ses études en droit à l’Université de Toronto. Éminent avocat plaidant, il a représenté des Canadiens d’origine ukrainienne dans le cadre de commissions nationales et internationales et s’est chargé d’autres affaires d’importance. En 1988, il est devenu le premier Canadien d’origine ukrainienne nommé à la Cour suprême du Canada.
Jeunesse
John Sopinka voit le jour à Broderick, un petit village au sud de Saskatoon. Ses parents, Metro Sopinka et Nancy Kikcio, d’origine ukrainienne, émigrent de Pologne en 1926. John Sopinka et ses cinq frères et sœurs parlent le lemkovien, un dialecte ukrainien, à la maison. La famille déménage dans la communauté de Stoney Creek à Hamilton, en Ontario, lorsque John est âgé de sept ans. Son père y travaille comme métallurgiste.
Violoniste accompli, John Sopinka joue avec l’Orchestre philharmonique d’Hamilton à l’âge de 15 ans. Il obtient son diplôme de l’école secondaire Saltfleet de Stoney Creek, puis, en 1955, décroche un baccalauréat ès arts avec mention d’excellence de l’Université de Toronto. John Sopinka joue également comme milieu de terrain pour l’équipe de football des Varsity Blues, qui remporte le championnat de l’Union sportive interuniversitaire canadienne en 1954.
En 1957, John Sopinka épouse Marie Wilson, elle aussi étudiante en droit. Le couple aura deux enfants, Melanie et Randall.
Carrière dans la LCF
Pendant ses études en droit à l’Université de Toronto, John Sopinka joue avec les Argonauts de Toronto au sein de la Ligue canadienne de football (LCF) en 1955 et en 1956. Il commence la saison 1957 avec les Alouettes de Montréal, puis retourne auprès des Argonauts. Au cours de sa carrière dans la LCF, John Sopinka capte huit passes pour un total de 116 verges, réalise six interceptions et 15 retours de bottés de dégagement et réussit un touché.
Droit et action sociale
John Sopinka est admis au Barreau de l’Ontario en 1960. Il est ensuite admis au Barreau de Terre-Neuve, ainsi qu’à ceux du Nouveau-Brunswick, de la Saskatchewan, de l’Alberta, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest.
John Sopinka commence sa carrière d’avocat à Toronto, au cabinet Fasken & Calvin. Il devient ensuite associé principal chez Stikeman & Elliott. Redoutable avocat plaidant, il donne également des cours à l’Université de Toronto ainsi qu’à la Osgoode Hall Law School. John Sopinka écrit The Trial of an Action (1981), un ouvrage demeurant à ce jour une source reconnue d’informations sur les techniques de plaidoirie.
Parmi ses nombreux clients de premier plan, on trouve notamment Susan Nelles, une infirmière inculpée en 1981 relativement à la mort de quatre bébés au Toronto’s Hospital for Sick Children. Les accusations dans cette affaire sont abandonnées en 1982. Le juge Samuel Grange dirige une commission royale qui fait enquête sur l’affaire Nelles. Représentant l’infirmière, John Sopinka démontre que la police et la Couronne se sont en fait livrées à une poursuite abusive. Susan Nelles se voit accorder une réparation financière. L’affaire sera finalement entendue par la Cour suprême, dont la décision permettra de garantir que la police, les ministres du cabinet et les procureurs soient tenus responsables en cas de poursuite abusive.
À partir de 1985, le juge Jules Deschênes mène la Commission d’enquête sur les criminels de guerre au Canada. Celle-ci a pour objectif de déterminer la présence de criminels de guerre nazis au pays. La Ukrainian Canadian Civil Liberties Association met sur pied la Commission des libertés civiles, qui retient les services de John Sopinka. Celui-ci soutient que les accusations selon lesquelles des Canadiens d’origine ukrainienne auraient accueilli sous leur toit des criminels de guerre sont sans fondement. Il parvient à empêcher leur déportation vers l’Union soviétique.
En 1988, le World Congress of Free Ukrainians convoque la Commission internationale d’enquête sur la famine de 1932-1933 en Ukraine, connue sous le nom d’Holodomor. John Sopinka est alors l’un des avocats chargés de l’affaire (avec Me Alexandra Chyczij) et plaide des questions de droit international, notamment la question de savoir si la famine forcée constitue une forme de génocide. Le rapport final de la commission est soumis aux Nations Unies.
C’est pendant son mandat à la commission que le premier ministre Brian Mulroney nomme John Sopinka à la Cour suprême, le 24 mai 1988. Lorsqu’il prête serment le 23 juin 1988, l’homme devient le tout premier juge canadien d’origine ukrainienne à siéger à la Cour suprême, et le premier en dix ans à ne pas avoir d’abord été juge d’une instance inférieure.
Mandat de juge à la Cour suprême
Pendant les neuf années qu’il passe à la Cour suprême, le juge Sopinka rend de nombreuses décisions d’une grande importance. Parmi celles-ci, citons l’arrêt R. c. Stinchcombe de 1991, dans lequel la Cour suprême statue que la Couronne doit fournir à l’avocat de la toutes les informations pertinentes. Bien que la Couronne puisse toujours définir la notion de pertinence, cet arrêt met fin à la pratique par laquelle les procureurs embusquent parfois les avocats de la défense en présentant des éléments de preuve surprise au cours d’un procès. De l’avis de plusieurs personnes, cette décision a entraîné une réduction du nombre de condamnations injustifiées au Canada.
Une autre affaire digne de mention est celle de Sue Rodriguez, une femme ayant reçu en 1991 un diagnostic de sclérose latérale amyotrophique (SLA). Sue Rodriguez demande d’abord à la Cour suprême de la Colombie-Britannique, puis à la Cour suprême du Canada, de déclarer inconstitutionnel le paragraphe 241(b) du Code criminel (peine d’emprisonnement maximale de quatorze ans pour avoir encouragé une personne à se donner la mort ou l’avoir aidée à le faire), afin qu’un médecin puisse l’aider à mourir de façon légale. John Sopinka vote alors avec la majorité dans une décision de 5-4 contre Mme Rodriguez. Il rédige l’opinion majoritaire, qui soutient que le paragraphe 241(b) ne constitue pas une violation de l’article 7 de la Charte des droits et libertés (traitant de la sécurité de la personne) et donc que le suicide assisté doit rester illégal. Un débat national s’ensuit, qui débouche finalement sur l’arrêt Carter c. Canada (2015). Celui-ci renverse l’arrêt Rodriguez c. Colombie-Britannique et conduit à l’adoption d’une loi autorisant le suicide assisté en 2016.
John Sopinka estime que les juges sont des personnalités publiques qui doivent pouvoir parler librement de leurs décisions, afin d’accroître la confiance du public dans la Cour. Il contribue à démystifier les processus judiciaires en s’adressant ouvertement aux médias et lors de discours publics sur la manière dont les affaires sont tranchées à la Cour. Pendant qu’il siège à la Cour suprême, le juge Sopinka coécrit également The Law of Evidence in Canada (1992) avec Alan W. Bryant et Sidney N. Lederman. On consulte toujours aujourd’hui cet ouvrage respecté à titre de référence.
Décès
John Sopinka s’éteint le 24 novembre 1997, six semaines après avoir reçu un diagnostic de trouble sanguin rare. Il est âgé de 64 ans. Son corps est exposé dans le grand hall d’honneur de l’édifice de la Cour suprême. Parmi les plus de 400 personnes venues lui rendre hommage se trouvent le premier ministre Jean Chrétien et le juge en chef Antonio Lamer. Le juge Lamer déclare à cette occasion que lui-même et les autres juges regretteront infiniment le « mélange d’intelligence profonde, de compassion infinie et d’instinct de justice » qui caractérisait John Sopinka.
Distinctions
Depuis 1999, le trophée de la compétition nationale de plaidoirie, où s’affrontent des étudiants en droit de tout le Canada, s’appelle la Coupe Sopinka. Le palais de justice provincial d’Hamilton a également été nommé John Sopinka en son honneur en 1999.
(Voir aussi Article nécrologique de John Sopinka)