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Les expériences des Métis dans les pensionnats indiens

Bien que les premiers pensionnats indiens du Canada aient été créés dans l’intention d’assimiler les enfants des Premières Nations à la culture euro-canadienne, les enfants métis et inuits ont également été placés dans ces établissements. Les enfants métis vivaient des conditions quotidiennes semblables aux autres élèves des pensionnats, mais ils étaient souvent considérés comme des marginaux par leurs pairs et les administrateurs. Cette perception a affecté leurs expériences au sein de ces institutions de diverses façons particulières.


Histoire de l’éducation des Métis au Canada

Les structures sociales, politiques, légales et économiques des communautés métisses sont toutes liées à l’éducation des enfants. Les structures d’éducation traditionnelle des Métis sont basées sur la connaissance de la terre et l’apprentissage de la langue michif, et les Métis ont également « adapté certains rituels catholiques à leurs schémas spirituels. »

Les Métis utilisent souvent la méthode de transfert des connaissances qui convient le mieux à leur communauté, et ils ont un certain niveau d’indépendance ou d’autonomie sur la manière dont ils éduquent leurs enfants. Avant le début du système des pensionnats indiens, l’éducation des enfants métis est basée sur la terre et a souvent lieu dans les communautés de chasse, de pêche et de piégeage (voir Éducation des Autochtones au Canada).

Les relations des communautés avec l’Église Catholique et certaines églises protestantes, qui remontent à la fin des années1700, influencent l’éducation des enfants métis. Souvent, les affiliations religieuses ou spirituelles sont incorporées dans les programmes éducatifs.

Présence des Métis dans les pensionnats indiens

Lorsque les pensionnats indiens commencent à recevoir des fonds de la part du gouvernement fédéral, ils sont principalement gérés par les églises chrétiennes. Plusieurs départements du gouvernement fédéral, notamment le ministère de l’Intérieur et le ministère des Affaires indiennes, prennent l’administration des pensionnats en charge (voir Ministères fédéraux des Affaires autochtones et du Nord). Le gouvernement fédéral, par l’entremise de ces ministères et d’autres, est responsable des affaires des Inuits et des Premières Nations, et les fonctionnaires désignent souvent les affaires métisses comme une responsabilité provinciale.

L’autorité en matière de l’éducation, de la santé, des services sociaux, de la chasse, de la pêche et du piégeage des Métis repose souvent sur la législation ou les lois provinciales. Les affaires métisses tombent également souvent dans les « brèches juridictionnelles » entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Par conséquent, les Métis se retrouvent avec très peu d’options, parfois même aucunes, en matière d’éducation, de santé et d’emploi. Ils ont souvent du mal à avoir accès aux services de manière régulière parce que ni les provinces ni le gouvernement fédéral ne leur fournissent des ressources adéquates ou systématiques.

Étant donné qu’initialement, les pensionnats indiens sont conçus pour assimiler les enfants des Premières Nations, les gouvernements et les églises débattent souvent de la question à savoir si les enfants métis sont autorisés à fréquenter les pensionnats. L’admission et la décharge des élèves métis sont influencées par l’emplacement et la dénomination religieuse du pensionnat, ainsi que par le fait que les parents puissent contribuer aux frais de scolarité ou travailler pour compenser. Souvent, leur présence est à la discrétion des prêtres, des religieuses ou des administrateurs du pensionnat.

Des politiques et une administration irrégulières signifient que certains Métis sont emmenés aux pensionnats alors que de nombreux autres sont admis dans des externats fédéraux ou provinciaux, dans des couvents ou d’autres institutions. Étant donné que la présence des Métis dans les pensionnats indiens est souvent manipulée afin d’augmenter le financement par élève, un bon nombre de registres des fréquentations, d’admissions et de décharges sont erronés ou incomplets.

Les expériences des Métis dans les pensionnats indiens

À la suite des résistances de 1869 et de 1885, les Métis sont souvent considérés par le gouvernement et les églises comme étant des rebelles ou des squatters (voir Rébellion de la rivière Rouge et Rébellion du Nord-Ouest). Plusieurs communautés sont relocalisées de force dans les réserves routières des Prairies. Au tournant du 20e siècle, le gouvernement fédéral crée des catégories de Métis, utilisées pour guider l’admission des enfants métis dans les pensionnats indiens. Dans une lettre signée par une équipe de responsables scolaires du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta, les trois « classes » de Métis sont décrites comme suit:

1. Ceux qui vivent, à différents degrés, la vie ordinaire du pays.

2. Ceux qui vivent, à différents degrés, selon le mode de vie indien.

3. Ceux qui – et ils forment la classe la plus démunie de la communauté – sont la progéniture illégitime d’une femme indienne, et n’ont pas été reconnus par un homme blanc.

En d’autres termes: ceux qui vivent comme des colons blancs, ceux qui, selon le gouvernement, vivent « comme des Indiens », et ceux qui sont considérés comme étant des enfants autochtones illégitimes. Les deux dernières « classes » sont celles dont les enfants sont plus susceptibles d’être placés dans les pensionnats indiens.

En grande partie, les responsables scolaires sont préoccupés par le financement, c’est-à-dire par qui payera pour la présence des Métis et comment la fréquentation d’un élève pourra être manipulée de manière à augmenter les paiements par élève. Les responsables scolaires manipulent souvent les « classes » d’enfants métis au profit de l’administration du pensionnat, sous prétexte de « civiliser » les enfants autochtones. Plus il y a d’enfants dans les pensionnats, plus le financement reçu est élevé.

« Ce qui est si facilement et si souvent reproché aux personnes de sang mêlé est le résultat, non pas du sang, mais de l’environnement… car de telles écoles ont été établies afin de répondre aux obligations des traités envers les Indiens, et comme moyen d’empêcher, dans l’intérêt public, une race d’hommes sauvages grandissants et dont les mains seraient contre tous les hommes, et les mains de tous les hommes contre eux» – Extrait de la lettre signée par Emile J. O.M.I. de Saint-Albert, Albert Pascal de Prince Albert, Adilard O.M.I. de Saint-Boniface, Olivier Elizard de Regina et Emile Grouard d’Athabaska.

Les survivants métis qui ont offert des témoignages à la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR) se souviennent d’avoir été traités comme des marginaux lorsqu’ils fréquentaient les pensionnats indiens. Le rapport final de la CVR inclut des histoires de Métis victimes de discrimination:

« Les enfants métis sentaient aussi de la discrimination de la part des enfants des Premières Nations. Une mère a dit: "Mes enfants, ils n’aimaient pas l’école parce qu’ils étaient maltraités, probablement parce qu’ils étaient métis. On riait d’eux, des choses comme ça." Un élève a ressenti la même hostilité de la part des élèves inuits. «Ils s’arrangeaient pour qu’on sache qu’on n’était pas vraiment, véritablement des Inuks. En plus des cruautés mesquines infligées aux Métis pour être nés ainsi, il y avait l’évidence de l’illégitimité. » – Rapport final de la Commission de vérité et réconciliation, volume3, Pensionnats du Canada : L’expérience métisse, p. 59, McGill-Queens University Press.

Survivants métis des pensionnats indiens et des externats

Durant les années1980 et 1990, un nombre croissant de survivants se présentent avec des histoires de leurs expériences dans les pensionnats indiens. Par la suite, ils commencent à intenter des poursuites contre le gouvernement fédéral et les églises. Les survivants métis font partie de ces premiers mouvements. La Convention de règlement relative aux pensionnats indiens est limitée aux pensionnats financés par le gouvernement, et donc de nombreux Métis sont exclus du processus d’indemnisation. En conséquence, certains Métis se sont également sentis exclus des rassemblements et des processus de la CVR, qui ont eu lieu de 2008 à 2015.

Des survivants métis ont témoigné que leurs sentiments d’être traités comme des étrangers à la fois durant la CVR et pendant les processus d’indemnisation rappellent l’expérience d’être des marginaux dans les pensionnats indiens. Bien qu’ils se soient souvent sentis perdus ou moins visibles lors des processus, plusieurs survivants métis se sont tout de même présentés afin de fournir des témoignages à la CVR et de participer aux rassemblements régionaux et nationaux. Ils ont voulu s’assurer que les voix des Métis étaient entendues et que leurs expériences dans les pensionnats indiens seraient considérées lors des procédures de la CVR.

En 2009, les survivants des externats indiens fédéraux, un bon nombre d’entre eux étant métis, intentent un recours collectif pour obtenir une compensation pour les expériences qu’ils ont vécues dans les écoles. Bien que les survivants des externats pouvaient retourner à la maison tous les jours, ils vivent maintenant avec les répercussions et les problèmes causés par l’assimilation, par la suppression de la langue et les sévices qui étaient aussi présents dans ces externats que dans les pensionnats. En 2019, le gouvernement annonce un règlement. En janvier 2020, plus d’une décennie après le lancement de la poursuite, les survivants des externats ont finalement pu commencer à demander une indemnisation.

Héritage

Les oubliés: L’expérience des Métis dans les pensionnats, une exposition créée par la Fondation autochtone de l’espoir, et lancée en mars 2014. Elle explore l’identité métisse, l’expérience métisse dans les pensionnats indiens ainsi que la réhabilitation culturelle et la guérison. Elle offre une voix aux expériences de nombreux enfants métis qui ont été forcés de fréquenter les pensionnats indiens.

Malgré les nombreux systèmes de colonialisme, incluant le système des pensionnats indiens, les communautés métisses ont largement été en mesure de maintenir et de raviver leurs systèmes d’éducation, leurs langues et leurs connaissances et histoires traditionnelles. Les survivants métis, les Aînés et les enseignants de la communauté sont des chefs de file dans le partage de leurs histoires, dans l’édification de l’histoire et dans la résistance au contrôle colonial.