Project Mémoire

Marcel Raymond (source primaire)

« C'était la guerre mais on était trop jeunes pour y penser. Ce qui m'a marqué ça a été la campagne de l'Escaut en Belgique. Ça a été la campagne la plus sale. »

Pour le témoignage complet de M. Raymond, veuillez consulter en bas.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Marcel Raymond en uniforme pendant la guerre.
Marcel Raymond en uniforme pendant la guerre.
Avec la permission de Marcel Raymond
Photographie récente de M. Marcel Raymond.
Photographie récente de M. Marcel Raymond.
Avec la permission de Marcel Raymond

Transcription

Dans ce temps-là, le monde ne gagnait pas beaucoup d'argent. Je travaillais pour une compagnie de bois. Je vendais du bois de maison en maison à 50 cents par jour. Ça faisait 3 piastres par semaine. J'ai décidé de m'enrôler pour faire un peu plus d'argent et voir du pays. On se comprenait très bien. On a eu notre camp [d'entraînement] à Valcartier [Québec] et ça marchait très bien ensemble. Je suis arrivé là comme renfort, la compagnie était en repos à Bény-sur-Mer [Normandie, France]. On descendait jusque sur les lieux du débarquement. Les hommes étaient là pour se ravitailler et changer de vêtements. C'est là que j'ai eu mes premiers pressentiments. C'était la guerre. Quand tu es jeune, tu es fantaste [désinvolte]. Tu trouves n'importe quoi. Des bouts j'ai été trop fantaste, j'aurais pu me faire descendre n'importe quand. Mettons qu'on préparait une attaque, on se lançait des défis, « celui qui arriverait là en premier… ». Des choses du genre. Des plans pour se faire flamber direct. C'était la guerre mais on était trop jeune pour y penser. Ce qui m'a marqué ça a été la campagne de l'Escaut en Belgique. Ça a été la campagne la plus sale. On était dans la boue et la bouette. C'était en octobre-novembre [1944, au cours de la campagne du Nord-Ouest de l'Europe]. Les Allemands s’étaient fait des digues. Ils voulaient contrôler la région avant la ligne Siegfried, la ligne imprenable. Ils avaient pris des positions défensives. Il creusait des bassins pour avoir des plans plats. Ils appelaient ça des « polders » en allemand. S’ils étaient attaqués, ça allait avec la mer du Nord et le canal l'Escaut. Ils pouvaient nous inonder. Quand on a attaqué, ils nous ont inondés partout. Ça a été très dur ça. On était dans la vase. C'était l'automne, il pleuvait. Ce n’était pas la même offensive qu'on avait faite en France. Ce n'était pas du tout la même chose. La pluie et la bouette. On faisait du « house screening » qu'on appelait ça; de maison en maison comme nous avions fait en France. Là nous étions dans les fossés et dans les canaux parce qu'en Belgique il y a trois canaux; le canal Léopold, le canal Albert et le canal de Ghent Terneuzen qui allait avec la mer du Nord. Ça a été bien dur pour les troupes. Ça allait bien avec les Français, même avec la population allemande. Quand on rentrait dans les villages allemands, on était bien reçu si on ne faisait pas de folie. Les Canadiens français ont été très bien reçus dans ces pays-là, en Hollande et en Allemagne. On pouvait leur donner du savon, des « Lifesavers » [friandises] ou du chocolat, n'importe quoi que nous puissions acheter quand nous étions derrière. Il y avait les Chevaliers de Colomb et la Salvation Army [Armée du Salut] qui nous suivait. Il nous vendait ça pas trop cher. On en donnait aux civils. La Hollande à Nijmegen [Nimègue]. Pendant le mois de décembre [1944], nous avons été remplacés par des troupes américaines sur des positions avancées. On était face à face avec les Allemands. On voyait que la défensive n’était pas forte. On les prenait prisonniers, ils n'étaient pas sérieux. On avait des contacts avec les prisonniers, c'était des jeunes. Ils avaient à peu près le même âge que nous autres. Ils étaient bien contents d'être prisonniers. Ils en avaient par-dessus la tête. Ils étaient poussés par des vieux. S’ils n'allaient pas en avant, ils pouvaient se faire tirer. C'est ce que j'avais su. C'est ce que les prisonniers qui parlaient français m'ont dit: « Si on ne va pas en avant, les vieux derrière nous allaient nous tirer ». Nous étions sur des positions défensives, les premiers sur la ligne. Le lendemain matin [mai 1945] nous avons appris que la guerre était finie. La réaction n'a pas été... Ça n'a pas été une folie. Je ne sais pas comment on a pris ça. On a pris ça comme ça. La guerre était finie, la guerre était finie. Ça n'a pas été une joie. On était habitué, je ne sais pas comment on a pris ça. Tout le monde était pareil.