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Ovnis au Canada

Pendant 45 ans, le Gouvernement du Canada a enquêté sur des objets volants non identifiés (ovnis). Plusieurs ministères et organismes ont recueilli des rapports d’observation d’ovnis dans l’espace aérien canadien de 1950 à 1995. Ces enquêtes ont commencé pendant la Guerre froide, motivées en grande partie par la crainte d’incursions soviétiques. Avec le temps, ce qui était une préoccupation militaire est devenu une question scientifique. Néanmoins, dès le départ, le gouvernement s’est montré réticent à aborder ce sujet. Les ressources consacrées à ces enquêtes sont restées limitées parce qu’on croyait que les ovnis résultaient de phénomènes naturels ou étaient le produit d’esprits « délirants ». En revanche, beaucoup de citoyens canadiens étaient avides d’information sur les ovnis. Des amateurs ont entrepris leurs propres recherches et signé des pétitions pour que le gouvernement agisse. En 1995, en raison de restrictions budgétaires, le gouvernement a cessé de recueillir des rapports d’observation. De leur côté, des amateurs passionnés par la question ont continué à mener leurs propres enquêtes.

Croquis de la soucoupe volante, d’après le témoignage de Stefan Michalak de sa rencontre d’un ovni à Falcon Lake, Manitoba, en 1967

© Gouvernement du Canada. Reproduit avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (2020).

Projet Magnet et Projet Second Story

L’ère moderne des observations d’ovnis commence en 1947. Le 24 juin, le pilote Kenneth Arnold rapporte avoir vu neuf disques brillants voler au-dessus du mont Rainier, dans l’État de Washington. La première observation d’ovni au Canada après la guerre a lieu la même année. La Guerre froide vient de commencer. À l’origine, le gouvernement du Canada craint d’avoir affaire à une technologie avancée soviétique représentant un danger pour la sécurité du pays. Au début des années 1950, le gouvernement lance deux projets distincts pour enquêter sur les ovnis. Dans les deux cas, on agit par précaution, et afin de calmer les inquiétudes du public.

Le projet Magnet (1950-1954) est conçu par Wilbert Smith, un ingénieur radio travaillant pour le ministère des Transports. Celui-ci entreprend des expérimentations afin de déterminer si les ovnis volent en utilisant l’énergie magnétique. Il lance aussi un ballon dans le ciel nocturne dans le but de susciter des rapports d’observation et de vérifier leur exactitude. Finalement, il construit un observatoire d’ovnis à Shirley’s Bay, un site militaire à accès restreint à l’ouest d’Ottawa. Ces expériences demeurent peu concluantes. Wilbert Smith commence aussi à croire que les ovnis ont une origine extraterrestre. Cette conviction lui apportant mauvaise presse, le ministère des Transports décide de mettre un terme au projet Magnet.

Le gouvernement désire adopter une position officielle au sujet des ovnis. À cette fin, le Bureau de recherche en défense met sur pied le projet Second Storey (1952-1954). Ce comité, dont l’existence sera brève, est présidé par Peter Millman, un astronome de l’Observatoire fédéral. Peter Millman se montre sceptique au sujet des ovnis. Il est convaincu que ceux-ci ne sont pas d’origine extraterrestre, et que le projet est une perte de temps et de ressources. Le comité n’enquête sur aucune observation, son rôle étant purement consultatif. Il élabore un formulaire standard pour les rapports d’observation d’ovnis, et s’efforce de réfuter les observations en les attribuant à des phénomènes naturels mal identifiés, comme des météorites. Le projet Second Storey conclut que les ovnis, à supposer qu’ils existent, « ne se prêtent pas à l’investigation scientifique ».

Les services de renseignement de l’armée concluent que l’Union soviétique ne semble pas être à l’origine des objets. Les ovnis deviennent alors une question scientifique. À partir du milieu des années 1960, la GRC est le principal service chargé de recueillir des observations de témoins. Mais les scientifiques du gouvernement sont réticents à aborder la question. La plupart des rapports sont classés et oubliés.

Initiatives civiles

Dans tout le pays, des citoyens se passionnent pour les ovnis. Beaucoup écrivent au gouvernement pour obtenir de l’information. Certaines demandes sont respectueuses, mais d’autres sont bizarres, pressantes ou hostiles. Des gens veulent savoir où sont les ovnis, s’ils représentent une menace pour la sécurité nationale et ce que le gouvernement fait à ce sujet. Certains accusent le gouvernement de dissimulation et l’impliquent dans des théories conspirationnistes. D’autres affirment avoir vu des ovnis et sont convaincus qu’ils sont d’origine extraterrestre. Les représentants du gouvernement soutiennent que ces idées sont farfelues et assurent aux citoyens qu’il n’y a rien à craindre.

Convaincus que le gouvernement se moque d’eux et dissimule la vérité sur les ovnis, de nombreux citoyens décident de mener leurs propres enquêtes. Au début des années 1950, ils fondent des clubs d’observation d’ovnis. Ils se réunissent dans des maisons, des hôtels, des salles paroissiales et des auditoriums pour spéculer au sujet de ces objets. Wilbert Smith, le fondateur du projet Magnet, crée le Ottawa Flying Saucer Club (club de soucoupes volantes d’Ottawa), qui reçoit d’éminents ufologues et distribue des enregistrements de leurs conférences. Avec les nouvelles des médias, ces clubs représentent une des principales sources d’information sur les ovnis pour les citoyens.

Certains citoyens vont plus loin encore. Ils créent des groupes d’enquête sur les ovnis ayant pour objectif de découvrir la nature exacte de ces objets. Plusieurs de ces groupes existent des années 1960 aux années 1980. On retrouve notamment le Canadian Aerial Phenomena Investigations Committee à Scarborough, Ontario, le Canadian UFO Research à Oshawa, Ontario, la Canadian Aerial Phenomena Research Organization à Winnipeg, Manitoba et le UFO Study Group à Montréal, Québec. Ces organisations font généralement du lobbying auprès des gouvernements pour qu’ils agissent et rendent l’information publique. À l’occasion, ils demandent aussi des fonds pour réaliser des enquêtes.

Accès à l’information

À partir de la fin des années 1960, les préoccupations des ufologues se transforment. Auparavant, ils voulaient savoir ce qu’étaient les ovnis et qui (ou ce qui) les faisait fonctionner. Désormais, ils tendent plus généralement à dénoncer la politique de dissimulation du gouvernement. Les groupes d’enquête sur les ovnis demandent plus de transparence au gouvernement, au moment où la Loi sur les secrets officiels restreint fortement leur accès aux documents officiels. Les citoyens veulent un meilleur accès à l’information afin de colliger et analyser eux-mêmes les rapports d’observations d’ovnis. Ces enquêteurs amateurs ne croient plus que le gouvernement fait son travail. Cette conviction ne se limite pas à ceux qui impliquent le gouvernement dans un complot pour dissimuler la vérité au sujet de visites d’extraterrestres. Certains croient simplement que les enquêtes sur les ovnis seraient mieux conduites par des amateurs dévoués, dans le cadre d’une sorte de science citoyenne.

En 1983, la Loi sur l’accès à l’information entre en vigueur. Les ufologues commencent à remplir des demandes d’information officielles. Les éléments rendus publics confirment que le gouvernement ne dissimule aucune documentation au sujet d’extraterrestres. En fait, les seules informations retenues étaient des détails personnels comme les noms et adresses des témoins. Ceux qui ont rempli des demandes reçoivent des documents comme des rapports d’observation, mais pas la moindre preuve de visites d’extraterrestres. Malgré cette absence de preuves, beaucoup poursuivent leurs recherches.

En 1995, en raison de restrictions budgétaires, le gouvernement et ses organismes cessent complètement de recueillir des rapports d’observation. Les ufologues et les témoins doivent se tourner vers des organismes civils pour rapporter leurs observations. C’est le cas par exemple de l’organisme Ufology Research, basé à Winnipeg, qui publie annuellement le Canadian UFO Survey. Une collection de documents numérisés du gouvernement fédéral sur les ovnis est disponible sur le site Internet de Bibliothèque et Archives Canada.

Trois incidents avec traces matérielles

L’année 1967 est marquée par trois observations d’ovnis assez inhabituelles. Elles entraînent des inquiétudes même dans le milieu sceptique du gouvernement canadien. C’est l’année des Célébrations du Centenaire du Canada; parmi les activités prévues, on retrouve notamment la construction d’une aire d’atterrissage d’ovnis à St. Paul, en Alberta. L’époque est propice à un renouveau d’intérêt pour les ovnis. Les incidents du lac Falcon, de Duhamel et de Shag Harbour apportent non seulement de nouveaux témoignages, mais aussi des traces matérielles susceptibles d’être inspectées, ce qui manque à presque tous les autres rapports d’observation.

Incident de Falcon Lake

En mai 1967, le prospecteur amateur Stefan Michalak s’aventure dans la brousse près du lac Falcon, au Manitoba. Il en revient en affirmant qu’il a vu deux ovnis et que l’un d’eux lui a infligé de graves brûlures et l’a intoxiqué avec des radiations. Le témoin rapporte avoir parfaitement vu deux vaisseaux, dont l’un s’est éloigné en volant tandis que l’autre s’est posé devant lui. Il s’est approché du vaisseau et a tenté de saluer ses occupants. Finalement, l’appareil a décollé, éjectant de l’air chaud par un panneau d’échappement. Ceci a mis le feu aux vêtements de Stefan Michalak, lui laissant sur la poitrine des brûlures avec un motif de grille. Les autorités refusent de prendre son récit au sérieux jusqu’à ce qu’il leur montre l’endroit où la végétation a été brûlée selon lui par le vaisseau. Pendant plusieurs années, Stefan Michalak continue à souffrir de ses brûlures à la poitrine, qui réapparaissent par intermittence.

Cercles dans les cultures de Duhamel

Par une nuit pluvieuse de l’été 1967, une série de cercles apparaissent dans les cultures d’un fermier de Duhamel, en Alberta. La presse locale est immédiatement avertie, puis un club d’ovnis d’Edmonton, et enfin les médias nationaux. Un scientifique d’une base militaire voisine vient enquêter, mais trouve le champ piétiné par les visiteurs. Les six cercles comportent des traces ressemblant à celles de pneus, mais seulement dans de petites portions. Malgré tout, le scientifique conclut que les cercles ne sont pas un coup monté. L’examen d’un échantillon du sol se révèle peu conclusif. Finalement, le scientifique admet que les marques semblent avoir été faites par un aéronef se tenant au-dessus du sol, mais ne peut apporter de conclusion définitive à son enquête.

Croquis des cercles dans les cultures de Duhamel, observés en 1967

©Gouvernement du Canada. Reproduit avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (2020).

Écrasement de Shag Harbour

Les événements de l’année culminent en octobre 1967 avec un écrasement dans le village de pêche de Shag Harbour, en Nouvelle-Écosse. Vers minuit, la GRC locale reçoit plusieurs appels au sujet d’un objet volant qui s’est écrasé dans le port. L’aéronef a produit un son clair et un éclat de lumière en frappant la surface de l’eau, puis a flotté pendant plusieurs minutes. Plusieurs témoins, dont des agents de la GRC, disent avoir vu une mousse jaune scintillante autour de lui. L’aéronef disparaît sous l’eau avant qu’un bateau n’ait le temps de l’atteindre. Une équipe de plongeurs fouille le port, mais ne trouve aucune trace d’un naufrage. Comme les événements de Duhamel et Falcon Lake, l’incident de Shag Harbour demeure non résolu.