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Pictogrammes et pétroglyphes en Ontario

Les pictogrammes et pétroglyphes représentent les Premières Nations. Ils jettent un pont entre le passé et le présent par le biais d’histoires peintes et sculptées dans la pierre dans l’actuelle province de l’Ontario. On trouve ces œuvres d’art anciennes dans des endroits comme le parc provincial Petroglyphs, le plus grand site connu du genre au Canada. Elles livrent de précieuses informations sur la vie spirituelle, culturelle et quotidienne de leurs créateurs. Il ne s’agit pas simplement d’artefacts historiques, mais d’objets dotés d’une signification culturelle et d’une pertinence spirituelle pour les collectivités autochtones d’aujourd’hui. Ces sites sont répartis un peu partout dans la province, en particulier le long des cours d’eau et des plans d’eau.

Création des sites

Les pétroglyphes ont été gravés sur des surfaces rocheuses à l’aide d’outils tels que des os, des pierres et des bois de cervidés ou au moyen d’une technique utilisant des « pierres-marteaux ». Les pictogrammes, quant à eux, sont peints sur la roche à l’aide de différents mélanges de pigments, tels que l’argile et le sable (voir aussi Pictogrammes et pétroglyphes). Dans cette région, les créateurs de pictogrammes utilisaient habituellement de l’ocre rouge. L’ocre était réduite en poudre puis mélangée à différentes graisses animales. Le mélange était ensuite appliqué sur la roche. Il en résultait une réaction chimique qui fixait solidement les images sur le site. Selon Jonathan Pitt, il n’y a que deux endroits où l’on pouvait trouver cette ocre :

À Porte de l’Enfer (Hell’s Gate), près du lac Pimisi, entre le lac Talon et la rivière Mattawa, et sur une île (que les Européens appellent Devil’s Warehouse Island) sur le lac Supérieur, ou Gitchigumi (popularisé par la chanson de Gordon Lightfoot « The Wreck of the Edmund Fitzgerald ») signifiant grande mer, et qui était une ancienne mine d’ocre rouge ojibwée.


Ces sites ont été utilisés pendant des milliers d’années avant l’arrivée des Européens et ont fait l’objet d’échanges commerciaux dans toute la région des Grands Lacs entre les Anichinabés.

Contexte historique et importance culturelle

Les pictogrammes et pétroglyphes dispersés en Ontario remonteraient à des milliers d’années. Certaines estimations les situent à quelque 5 000 ans avant notre ère. Ces formes d’art rupestre ont été créées par les ancêtres des peuples autochtones actuels, tels que les Anichinabés. Loin d’être de simples décorations, ces images servaient à de nombreuses fonctions, notamment spirituelles, éducatives et territoriales. Elles représentent des animaux, des humains, des corps célestes et des motifs abstraits, chacune ayant sa propre histoire et sa propre signification. Elles sont souvent liées à la cosmologie et aux récits culturels plus larges présents dans la vision du monde des Anichinabés et d’autres nations autochtones. Elles pouvaient également être utilisées pour la navigation, l’établissement des territoires de chasse ou être créées directement lors de cérémonies. Les Anichinabés revenaient régulièrement sur ces sites pour bénéficier des connaissances des aînés ou pour participer à d’autres cérémonies dans les environs. Aujourd’hui, ces images demeurent pour les peuples autochtones une source de fierté culturelle et un lien spirituel (voir aussi Religion et spiritualité des Autochtones).

Panneau Pétroglyphes de Peterborough

Sites remarquables

Le parc provincial Petroglyphs, situé près de Peterborough, abrite plus de 900 pétroglyphes. Ces pétroglyphes illustrent notamment des tortues, des serpents et des formes humaines et abstraites. Ils auraient été créés par les peuples de langue algonquienne. Ces images sont fondamentalement spirituelles et liées à la compréhension qu’ont les peuples autochtones du monde (voir aussi Religion et spiritualité des Autochtones). En anishinaabemowin, le mot original pour désigner cet endroit était Kinoomaagewaabkong, qui signifie « les roches qui enseignent ». Ce site a été créé entre 900 et 1400 de notre ère. Depuis, il est constamment utilisé par les collectivités anichinabées locales. À la différence des pictogrammes, ces images ont été gravées dans la roche à l’aide de « pierres-marteaux ». Elles vont de points de quelques centimètres de long à des serpents de trois mètres de long et la profondeur de certaines peut atteindre 4 cm. Certaines histoires orales comparent ce site à une bibliothèque. Chacune des 900 différentes images contient les connaissances et les histoires d’au moins un livre de la culture occidentale (voir aussi Histoires orales et sources primaires autochtones). Elles étaient utilisées pour enseigner aux gens à différentes étapes du cycle de vie des Anichinabés.

Parmi les autres sites remarquables de l’Ontario figure le parc provincial Bon Écho, connu pour son massif rocheux Mazinaw, qui compte plus de 260 pictogrammes sur une falaise surplombant directement l’eau. On ne peut y accéder qu’en canot ou en bateau. Créé à partir du même genre d’ocre rouge présent dans toute la province, et situé sur le lac Mazinaabikinigan-zaaga’igan, qui signifie « lac aux images peintes » en algonquin, ce site contient de nombreux dessins et enseignements. Il est délibérément situé le long d’un endroit qui présente un écho naturel, un élément rocheux en forme de tortue.

Le rocher d’Agawa, qui comporte plusieurs pictogrammes, est situé le long de la rive est du lac Supérieur dans le parc provincial du lac Supérieur. Ce site est connu en anishinaabemowin sous le nom de Mazinaubikiniguning, qui signifie « le rocher orné du lac Agawa ». On y trouve l’une des plus importantes représentations du Mishipeshu (grand lynx) qui revêt une profonde signification spirituelle et culturelle pour les Anichinabés. D’autres sites se trouvent dans diverses régions de la province, en particulier le long des cours d’eau. Ils sont souvent dans des endroits éloignés et ne sont pas marqués. Toutefois, certains sites qui ont été marqués ou cartographiés ont été vandalisés.

Interprétation et défis

L’interprétation des pictogrammes et pétroglyphes est complexe. Elle requiert un juste équilibre entre les preuves archéologiques, les traditions orales autochtones et les connaissances culturelles. Les archéologues peuvent donner des indications sur l’âge, les méthodes de création et les interprétations possibles sur la base d’études comparatives. Cependant, le sens profond de ces œuvres d’art n’est souvent connu que de leurs créateurs et de leurs descendants. Les histoires orales et les connaissances autochtones jouent un rôle crucial quant au contexte. Elles veillent à ce que les interprétations respectent les significations spirituelles et culturelles voulues.

Dans les années 1960, Selwyn Dewdney et Kenneth E. Kidd, professeurs d’université non autochtones, cartographient l’emplacement des peintures rupestres dans les Grands Lacs. Ils consignent leurs découvertes dans le livre Indian Rock Paintings of the Great Lakes. Ils cartographient, dans deux éditions, plus d’une centaine de sites différents, avec des centaines d’images, principalement en Ontario.

Au cours de cette vague d’études, les pétroglyphes de Peterborough sont considérablement altérés par des chercheurs désireux de « préserver » le site. Joan M. Vastokas et Roman K. Vastokas, auteurs du livre Sacred Art of the Algonkians: A Study of the Peterborough Petroglyphs, marquent au crayon de cire noir les images au cours de leurs recherches. Ils veulent rendre les images plus distinctives avec des ombres noires au lieu des traditionnelles ombres blanches ou grises. Ce procédé modifie cependant de façon permanente la couleur de ces pétroglyphes. Un bâtiment est également construit au-dessus de ces pétroglyphes en 1984, dans le but de préserver le site et de le protéger contre le vandalisme. Cette opération déconnecte cependant la zone de son environnement naturel et d’un courant sous-marin qui balaie la paroi rocheuse. Le vieillissement du bâtiment et l’émergence de nouvelles théories concernant la conservation autochtone ajoutent à la controverse de cette décision.

Des recherches récentes révèlent également comment les images ont été utilisées après le contact avec les nations européennes pour représenter les Anichinabés lors des ventes de terres, des alliances et même de la signature des traités. Heidi Bohaker a découvert que les Anichinabés utilisaient des pictogrammes, représentant leur Dodem (clan), pour signer de tels accords.

Par exemple, sur les traités ou les documents relatifs à Bawating (Sault Ste Marie), ce sont des images de grues qui font office de premières signatures. Sur les documents relatifs aux terres aux environs de Rama, en Ontario, entre le lac Simcoe et le lac Couchiching (étalement appelé Mnjikaning), c’est le caribou qui figure pour la première fois, et le plus fréquemment comme signature. Enfin, sur les traités relatifs aux terres de la rive nord du lac Ontario, à l’ouest de l’emplacement actuel de la ville de Toronto, ce sont des images d’aigles qui prédominent en tant que signature.

Vandalisme

De nombreux emplacements de la province font malheureusement l’objet d’actes de vandalisme étant donné la cartographie des emplacements et le peu de mesures de sécurité pour protéger ces sites anciens. En septembre 2023, des graffitis apparaissent de nouveau sur les pictogrammes au parc provincial Bon Écho, une pratique qui remonte au début du XXe siècle. Dans les années 1920, un non-autochtone avait gravé sa citation préférée de Walt Whitman à côté des pictogrammes, témoignant ainsi d’un mépris répété pour ces lieux historiques. Après les actes de vandalisme commis en 2017 dans le parc provincial Matinenda, à l’extérieur de la Première Nation de Serpent River, seuls cinq pictogrammes sur les centaines initialement présents auraient été épargnés par la peinture en aérosol. Les vandales continuant de défigurer les sites de pictogrammes dans tout le pays, les membres de la collectivité ont à plusieurs reprises demandé au gouvernement de mieux protéger ces lieux. Cependant, ils demeurent actuellement très peu protégés malgré leur grande importance.

Conclusion

Les pictogrammes et pétroglyphes de l’Ontario sont bien plus que de simples reliques, ce sont des liens vivants avec le patrimoine culturel et spirituel des peuples autochtones. Ils évoquent les racines profondes et les histoires complexes de la terre et de ses premiers habitants. Les collectivités autochtones et les archéologues s’efforcent de préserver ces sites. Certains soutiennent qu’il est crucial que ces efforts soient respectueux et fassent appel à la collaboration et aux conseils des collectivités autochtones, non seulement pour préserver ces sites, mais également pour les respecter et les comprendre dans le contexte de leurs traditions et de leurs connaissances vivantes.

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