Article

Plantes carnivores du Canada

Les plantes carnivores sont des végétaux qui tirent leurs nutriments en piégeant, en tuant et en digérant des animaux, généralement des invertébrés. Le carnivorisme chez les plantes a évolué de façon indépendante à plusieurs reprises dans au moins 6 ordres de plantes différents. Plus de 800 espèces de plantes carnivores sont répertoriées dans le monde, dont 20 au Canada. On peut les classer en fonction de leurs mécanismes de capture des proies : piège collant, piège à urne, piège à mâchoires, piège à aspiration et piège à nasse; ils sont soit actifs, soit passifs.

Gros plan d’un petit droséra à feuilles rondes.

Pourquoi carnivore?

Le carnivorisme permet à certaines plantes de survivre dans des milieux pauvres en nutriments, comme les tourbières acides, les marais, les cours d’eau douce ou les affleurements rocheux pauvres en terre. En décomposant leurs proies à l’aide d’enzymes digestives spécialisées, ces plantes peuvent absorber des nutriments essentiels, tels que l’azote et le phosphore, tout en s’appuyant sur la photosynthèse pour produire leur énergie.

Le saviez-vous?
De nombreuses plantes carnivores dépendent également des insectes pour la pollinisation de leurs fleurs, ce qui peut créer un conflit entre le besoin de capturer des proies et celui de se reproduire. Certaines espèces, comme certaines sarracénies, résolvent ce problème en produisant leurs fleurs et leurs structures de capture des insectes à des moments différents. D’autres encore, comme le droséra, font pousser leurs fleurs sur de très longues tiges, les maintenant ainsi éloignées de leurs pièges.


Gros plan d’une utriculaire immergée.

Pièges collants (ou à tentacules) : droséra, grassette et tofieldie

Les pièges collants utilisent une sécrétion collante (mucilage) pour attirer, piéger et digérer les proies. Au Canada, trois différents types de plantes carnivores utilisent des pièges collants : les droséras, les grassettes et les tofieldies de l’Ouest.

Droséras (genre Drosera)

Les feuilles du droséra sont dotées de longs poils spécialisés appelés tentacules, chacun terminé par une gouttelette mucilagineuse ressemblant à de la rosée. Lorsque la proie se retrouve engluée sur une gouttelette et se débat, la feuille s’enroule autour d’elle, la mettant en contact avec encore plus de colle et la piégeant davantage. La feuille sécrète ensuite des enzymes pour digérer l’arthropode, permettant ainsi à la plante d’absorber ses nutriments.

Le Canada compte cinq espèces de droséras :

  • droséra à feuilles rondes (Drosera rotundifolia)
  • droséra intermédiaire (Drosera intermedia)
  • droséra d’Angleterre (Drosera anglica)
  • droséra à feuilles linéaires (Drosera linearis)
  • droséra filiforme (Drosera filiformis).

Droséra à feuilles rondes sur fond noir.

Grassettes (genre Pinguicula)

Les grassettes possèdent des feuilles simples et charnues qui poussent en rosette basale. La surface intérieure de ces feuilles est brillante et grasse au toucher, c’est pourquoi on les appelle « grassette ». Lorsque de petits insectes se posent sur les feuilles, ils restent collés au mucilage qui fait basculer les poils courts recouvrant la surface. La feuille s’enroule alors lentement autour de l’insecte piégé, l’empêchant de s’échapper et facilitant sa digestion.

Le Canada compte trois espèces de grassettes :

  • grassette vulgaire (Pinguicula vulgaris)
  • grassette à cornes (Pinguicula macroceras).
  • grassette velue (Pinguicula villosa).

Fleur violacée.

Tofieldie de l’Ouest (Triantha occidentalis)

La tofieldie de l’Ouest est un ajout récent à la flore carnivore du Canada. C’est une équipe de scientifiques de l’Université de la Colombie-Britannique et de l’Université Wisconsin-Madison qui l’a classifiée comme telle dans un article paru en 2021. Cette espèce pousse dans les tourbières. Elle utilise les poils glandulaires collants de sa longue tige fleurie pour piéger de très petits insectes, comme des moucherons. Fait inhabituel, les fleurs de cette espèce poussent à proximité des pièges, sur la même tige.

Fleur blanche

Pièges à urne : sarracénie pourpre

Les pièges à urne sont constitués de feuilles qui forment une chambre tubulaire contenant un liquide digestif. Les proies tombent dans cette chambre et sont digérées.

La sarracénie pourpre (Sarracenia purpurea) est la seule espèce de sarracénie au Canada. Elle est l’emblème floral de Terre-Neuve-et-Labrador. Ses feuilles en forme de cornets acoustiques sécrètent un nectar sucré qui attire les insectes vers leur bord, appelé péristome. Une fois que l’insecte pose ses pattes sur la surface glissante, il glisse immanquablement vers le fond de l’urne. Les parois internes de l’urne sont lisses et recouvertes de poils dirigés vers le bas, ce qui empêche l’insecte de s’échapper. Le fond de l’urne contient un mélange de pluie, d’enzymes digestives et de bactéries symbiotiques qui décomposent la proie, permettant ainsi à la plante d’absorber ses nutriments. On sait aussi que la sarracénie pourpre crée des microhabitats complexes dans ses cornets. Plusieurs espèces d’invertébrés, de champignons et d’algues peuvent vivre à l’intérieur de la plante et, dans certains cas, en dépendre entièrement dans une relation symbiotique.

La sarracénie pourpre produit de grandes fleurs retombantes, teintées de pourpre rougeâtre et de vert.

Grappe de sarracénies dans une tourbière.

Pièges à aspiration : utriculaire (genre Utricularia)

Les pièges à aspiration, en forme de vessie, sont propres aux plantes du genre Utricularia, ou utriculaires. Ces pièges spécialisés ont la forme de petits sacs dont l’une des extrémités est munie d’une trappe entourée de poils sensitifs. La trappe crée un joint étanche et la plante pompe l’eau à l’intérieur des sacs, créant ainsi une pression négative à l’intérieur du piège. Lorsqu’une proie sans méfiance touche les poils sensitifs, la trappe s’ouvre brusquement, aspirant l’animal et l’eau environnante. Ce mécanisme, qui se produire en moins d’une milliseconde, est l’un des mouvements végétaux les plus rapides connus.

Certaines espèces d’utriculaires vivent dans des eaux pauvres en nutriments, tandis que d’autres sont terrestres et conservent leurs pièges spécialisés sous terre, dans un sol gorgé d’eau. Bien que les utriculaires ne possèdent pas de véritables racines, les espèces terrestres ont des tiges ressemblant à des racines qu’elles utilisent pour s’ancrer dans le sol.

Les utriculaires constituent le groupe le plus diversifié de plantes carnivores au Canada, avec 11 espèces connues. Voici les plus communes :

  • utriculaire vulgaire (Utricularia macrorhiza)
  • utriculaire cornue (Utricularia cornuta)
  • utriculaire intermédiaire (Utricularia intermedia)
  • utriculaire pourpre (Utricularia purpurea)

Pièges à aspiration.

Changement climatique et conservation

Les plantes carnivores présentes au Canada ne représentent qu’une petite partie de la diversité mondiale. La plupart des espèces de plantes carnivores se trouvent dans les régions tropicales. Avec le changement climatique, certaines espèces pourraient élargir leur aire de distribution vers le nord jusqu’au Canada.

La conservation des plantes carnivores s’avère complexe, car de nombreuses espèces ont des besoins très spécifiques en matière d’habitat et peuvent avoir une aire de répartition très restreinte. De ce fait, la disparition ou l’altération de leur habitat en raison du changement climatique pourrait entraîner l’extinction de certaines espèces. Les efforts de conservation au Canada devront donc se concentrer sur la protection de leurs habitats naturels, en particulier les terres humides, où nombre d’entre elles prospèrent.

Le saviez-vous?
Une espèce de droséra, le droséra filiforme, figure sur la liste des espèces en voie de disparition du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC).


Vue de dessus du cornet d’une sarracénie.

En savoir plus

;

Lecture supplémentaire

  • D.E. Schnell, Carnivorous Plants of the US and Canada (1976).