Jeunesse et formation
Prem Watsa est né à Hyderabad, en Inde. Son père est à l’époque un enseignant, puis deviendra directeur d’école. Sa mère élève Prem Watsa avec le reste de ses enfants. Prem Watsa confiera plus tard que son père lui disait souvent, ainsi qu’à ses trois autres frères : « Travaille aussi fort que tu peux, comme si tout dépendait de toi. Prie aussi fort que tu peux, comme si tout dépendait de Dieu ».
Prem Watsa est un excellent élève au secondaire. Il joue au hockey sur gazon, au tennis de table et au tennis et développe une passion pour les échecs qu’il nourrira toute sa vie. Il s’inscrit au prestigieux Institut indien de technologie de Madras (IIT) et en sort en 1971 avec un diplôme en génie chimique. C’est à l’Institut qu’il rencontre sa future femme, Nalini Loganadhan. Ils auront un fils et deux filles.
Malgré les notes élevées qu’il obtient à la fin de ses études, Prem Watsa décide que la perspective d’une carrière d’ingénieur ne l’intéresse pas. Ce sont les affaires qui le fascinent. Il suit son frère à London, en Ontario, et s’inscrit à l’University Western, dans le département qui sera plus tard baptisé Richard Ivey School of Business (école d’études commerciales Richard Ivey). Il était arrivé au Canada avec seulement 8 roupies en poche, l’équivalent d’environ 15 cents. Pour financer ses études, il vend donc des chaudières Lennox en hiver et des climatiseurs en été. Il décroche finalement une maîtrise en administration des affaires (M.B.A.).
Début de carrière
En 1974, Prem Watsa obtient à Toronto un emploi d’analyste en investissements au sein de La Confédération, Compagnie d’Assurance-Vie. Il apprend vite et devient en peu de temps un gestionnaire de portefeuille boursier compétent, construisant des placements profitables pour un groupe de clients investis dans des fonds de pension (voir Actions et obligations). Veillant à sa formation continue, son patron lui offre un jour un livre de Benjamin Graham intitulé The Intelligent Investor. Prem Watsa apprend alors l’avantage d’investir en gardant une perspective à long terme plutôt que d’essayer de réaliser des profits rapides à court terme. À la lecture de l’ouvrage, il apprend la nécessité d’analyser avant d’investir et de croire en cette analyse et à son instinct plutôt que de suivre ce que les autres font. Il valorise tellement le livre qu’il baptise son fils Ben en l’honneur de son auteur. Prem Watsa devient vice-président de Confederation Life Investment Counsel en 1974.
Fairfax Financial Holdings
En 1983, poussé par sa nouvelle passion pour la création de placements, il quitte La Confédération pour devenir vice-président de GW Asset Management. Un an plus tard, il quitte cette société et fonde, avec Tony Hamblin, Hamblin Watsa Investment Counsel. Il gagne rapidement la confiance des investisseurs et réalise d’importants profits. Trois ans plus tard, Prem Watsa achète Markel Financial, une compagnie d’assurance en difficulté spécialisée dans les services de camionnage. Il élimine les placements non profitables, en fait de nouveaux, plus habiles, et en 1987, rebaptise la société Fairfax Financial Holdings. Fairfax est une abréviation de l’anglais « fair, friendly acquisitions » (acquisitions justes et amicales).
Prem Watsa effectue toujours des analyses détaillées avant de faire un quelconque investissement ou d’acquérir une société. Il devient réputé pour sa capacité hors du commun à identifier les opportunités d’investissement dans des sociétés jugées trop risquées ou irrémédiablement condamnées sur les marchés et à rendre ces dernières profitables. Il investit ainsi en masse dans des sociétés en perdition et encadre leur croissance retrouvée alors que d’autres les auraient divisées et revendues avant de licencier leurs employés.
L’investisseur milliardaire américain Wilbur Ross Jr. collabore avec Prem Watsa sur plusieurs opérations, notamment l’acquisition par Fairfax, en 2011, de 35 % de participation dans la Bank of Ireland. Wilbur Ross explique que le secret du succès de Prem Watsa tient à sa capacité d’effectuer des analyses macroéconomiques basées sur les faits (voir Économie) pour discerner le rôle qu’une société peut jouer dans une économie nationale et à l’échelle mondiale (voir Économie internationale). Prem Watsa développe également des stratégies et des tactiques uniques permettant de faire croître une entreprise. En dernier lieu, explique Wilbur Ross, Prem Watsa est très discipliné. Il ne se laisse jamais influencer par des fluctuations à court terme ou par ce que d’autres estiment être la meilleure marche à suivre. Il est suffisamment sûr de lui pour être patient et laisser murir ses investissements.
BlackBerry
La stratégie d’investissement de Prem Watsa est bien illustrée par sa participation au capital de Research In Motion (RIM), une société canadienne. RIM a été à l’avant-garde de l’avancée explosive des téléphones intelligents avec son BlackBerry qui est rapidement devenu le portable préféré de nombreux politiciens et hommes d’affaires partout dans le monde. RIM va néanmoins perdre d’importantes parts de marché avec l’arrivée du iPhone d’Apple. En janvier 2012, Prem Watsa se joint au conseil d’administration de RIM et orchestre alors une refonte totale de la société qu’il rebaptise BlackBerry Limited. En août 2013, Prem Watsa quitte le conseil d’administration pour éviter de se retrouver en situation de conflit d’intérêts et six mois plus tard, achète la société pour 4,7 milliards $. Il fait de BlackBerry une société privée tout en mettant en œuvre sa stratégie de redressement.
Acquisitions de médias et pertes
Malgré ses succès étonnants et le respect dont il bénéficie auprès de ses collègues et des investisseurs, Prem Watsa reste réservé et humble. Il évite les médias et n’accorde que rarement des entrevues. Dans ses lettres annuelles adressées aux actionnaires, il assume la totale responsabilité des résultats décevants, mais partage le mérite des bilans qui ont dépassé les objectifs. Il accepte par exemple le blâme pour les investissements de Fairfax, en 1999, dans deux compagnies d’assurance américaines en difficulté qui, malgré ses efforts, continueront à être déficitaires et à plomber sévèrement les comptes de Fairfax. Deux ans plus tard, Fairfax annonce en effet des pertes de 346 millions $, les premières de son histoire. Fairfax perdra également de l’argent lorsque la société investira dans la compagnie forestière AbitibiBowater et encore une fois après avoir investi dans le conglomérat de médias CanWest Global Communications. Les deux sociétés finiront en effet par faire faillite, deux épilogues qui s’avéreront particulièrement douloureux pour les finances de Fairfax. Fairfax perdra aussi 175 millions $ à l’issue d’un investissement mal inspiré dans Torstar, qui détient à l’époque, entre autres publications, le Toronto Star. Tout comme lorsqu’il gagne, Prem Watsa parvient néanmoins à garder un certain recul lorsqu’il perd. Il écrira : « L’échec n’est pas un problème si l’on tire les leçons de ses propres erreurs ».
Récession de 2008–2009
Malgré quelques erreurs passagères, Prem Watsa a su conserver une remarquable capacité à prévoir les tendances. Il en fait la démonstration lorsqu’en 2005, il ignore les mesures prises par d’autres sociétés d’investissement qui s’empressent d’acheter, de consolider et de revendre des hypothèques américaines. Il préfère continuer à gérer ses investissements à long terme tout en achetant des obligations d’épargne du gouvernement, à faible rendement, mais relativement sûres. Au milieu de l’année 2008, la sagesse de son approche devient évidente lorsque le marché de l’immobilier américain s’effondre avec des millions d’hypothèques, entraînant une profonde récession dans de nombreux pays (voir Récession de 2008–2009 au Canada). Presque toutes les sociétés d’investissement et banques du monde entier perdent alors d’énormes quantités d’argent, nombre d’entre elles faisant faillite tandis que des millions de personnes perdent leur épargne-retraite, leur résidence et leur emploi. Prem Watsa achète alors plusieurs instruments de placement alors que leur cours en bourse s’effondre. Fin 2008, il annonce son meilleur bénéfice annuel jamais réalisé : 1,47 milliard $.
Société de portefeuille
En 2008, l’action de Fairfax s’échange à 420 $, c’est-à-dire au même niveau que celles de sociétés plus connues telles qu’Apple et Google. La société est devenue un acteur international avec seulement 30 employés environ à Toronto, quelque 5 000 aux États-Unis et 3 200 ailleurs dans le monde. En 2012, ses revenus s’élèvent à 8 milliards $ et font d’elle la plus importante des sociétés d’investissement du Canada. Parmi les sociétés que Fairfax détient en totalité ou qu’elle contrôle grâce à une participation suffisante, on peut citer Sporting Life, William Ashley, et Prime Restaurants, qui possède de nombreuses chaînes, notamment East Side Mario’s.
Fairfax possède également des investissements, des sociétés d’assurance et d’autres sociétés au Canada, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, au Brésil, en Pologne, en Malaisie, à Singapour, à la Barbade et à Hong Kong. En 2014, Prem Watsa annonce que Fairfax va parrainer et promouvoir des investissements dans des sociétés basées en Inde, son pays natal.
En 1985, un an après sa création, Fairfax annonce des bénéfices de 17 millions $. En 2014, les primes acquises annuelles brutes s’élèvent à 10 milliards $. Les finances de Fairfax ont augmenté en moyenne de 20 % par an, un succès notable dans son secteur. Un article publié en 2009 dans le magazine Toronto Life décrit avec justesse Prem Watsa comme étant « l’homme le plus riche et le plus avisé qu’on ait jamais connu ».
Engagement communautaire
Prem Watsa est membre des conseils d’administration de Hospital for Sick Children de Toronto, réputée à l’échelle internationale, de la Richard Ivey School of Business et du Musée royal de l’Ontario. Il est également président du comité d’investissement de l’Église Anglicane St Paul’s.
Ardent défenseur de l’éducation en général et des universités en particulier, Prem Watsa devient chancelier de l’Université de Waterloo en juin 2009. En septembre 2017, il prend les fonctions de chancelier du Huron University College à London, en Ontario. Le directeur du collège, Dr Barry Craig, dira de Prem Watsa qu’il est « un leader authentique, avec un cœur. Au poste de chancelier, il incarnera l’engagement du collège en faveur d’un leadership éthique ».
Prem Watsa aide aussi l’Association Horatio Alger du Canada. S’inspirant des romans du 19e siècle qui encourageaient la réussite grâce au travail et au respect de l’éthique, l’organisme gère un fonds de 10 millions $ qui permet de décerner 80 bourses scolaires annuelles de 5 000 $ et 5 bourses de 10 000 $ aux jeunes gens qui les méritent. La société Fairfax finance également directement plusieurs bourses scolaires.
Distinctions honorifiques et prix
- IIT-Madras Distinguished Alumnus Award (1999)
- Membre de l’Ordre du Canada(2015)
- Compagnon du Temple de la renommée de l’entreprise canadienne (2024)