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Première Nation de Garden River

La Première Nation de Garden River désigne à la fois une réserve et une collectivité anichinabées. La réserve légalement connue sous le nom de Garden River 14 s’étend sur plus de 20 700 hectares le long de la rivière Sainte-Marie, en Ontario (voir aussi Réserves en Ontario; Premières Nations en Ontario). La réserve et la collectivité portent le nom d’un affluent de la rivière Sainte-Marie, à l’embouchure duquel les Anichinabés pratiquaient l’agriculture. En septembre 2024, la population totale enregistrée de Garden River s’élevait à 3 558 personnes, et à 2 234 résidents hors réserve. Cette Première Nation est dirigée par un chef et un conseil élus en vertu de la Loi sur les élections au sein de premières nations.

Bureau du conseil de bande de la Première Nation de Garden River

Histoire

Officiellement, la réserve de la Première Nation de Garden River est créée à la signature des traités Robinson de 1850, puis délimitée par un levé effectué en 1852. Bien que son histoire officielle ne remonte qu’à 1850, le peuple anichinabé habite cette région depuis des millénaires. En effet, depuis des générations, les Anichinabés cultivent les terres situées à l’embouchure des divers affluents qui alimentent la rivière Sainte-Marie, notamment pour y faire pousser du maïs et des haricots. Les différents affluents, dont la rivière Garden, servent également de points d’accès aux territoires de chasse familiaux, qui se trouvent généralement en amont. Les missionnaires français baptisent cette région Rivière-au-Désert, que les anglophones traduisent par Garden River. Ce nom découle du mot anichinabé pour désigner cette région, Ketegaunseebee.

Les missionnaires anglicans et catholiques établissent une présence à Garden River au début des années 1840. Au départ, les missions se trouvent à Sault Ste. Marie, jusqu’à ce que les Anichinabés déménagent à Garden River, Root River et Echo River après 1838, où se trouvent leurs jardins. Ce déménagement a pour but d’éloigner la collectivité des marchands d’alcool métis, de trouver de l’espace pour l’agriculture et de vivre à l’écart des agents des Indiens et des missionnaires. De plus, le chef Shingwaukonse projette de développer un territoire ojibwé à Garden River pour les Anichinabés des Grands Lacs. Cependant, les politiques gouvernementales des États-Unis et du Canada britannique font en sorte que cette patrie ne voit jamais le jour. Outre sa vision d’une nation anichinabée, le chef Shingwaukonse imagine également un « wigwam d’enseignement », un lieu où seraient transmises les connaissances anichinabées et européennes. Cette partie de sa vision est poursuivie par son fils Ogista et se concrétise en 1871 avec la création du pensionnat indien de Shingwauk (voir aussi Pensionnats indiens au Canada).

En 1849, Shingwaukonse et deux autres chefs, à la tête d’une délégation d’Anichinabés et de Métis, se rendent à la mine de cuivre de Mica Bay, sur le lac Supérieur (voir Incident de Mica Bay). Ils y vont pour protester contre l’échec des négociations avec le gouvernement du Canada britannique, qui semble réticent à conclure un traité permettant l’exploitation minière, l’extraction d’autres ressources et la colonisation. Finalement, en 1850, les chefs signent les traités Robinson-Supérieur et Robinson-Huron (voir Traités Robinson de 1850). Ils cèdent un territoire s’étendant de « Penetanguishene à Sault Ste. Marie, et de là jusqu’à la baie de Batchewanaung sur la rive nord du lac Supérieur, ainsi que les îles de ces lacs ». Garden River est incluse dans les réserves du traité. La réserve Garden River perd les deux tiers de sa superficie initiale en vertu du Traité Pennefather de 1859. Entre les années 1860 et les années 1960, d’autres cessions, baux et droits de passage érodent l’assise territoriale de Garden River. En 1897, par exemple, le Chemin de fer du Canadien Pacifique (CP) achète des terrains afin d’y construire une gare et une ballastière. Cette dernière est agrandie en 1912, puis à nouveau en 1914. En 1850, la réserve couvre environ 52 600 hectares. En 1989, à la suite de plusieurs traités et appropriations, elle n’occupe plus que 12 950 hectares.

Garden River a toujours défendu ses droits sur le territoire, en particulier ceux qui sont garantis par le traité. Depuis les années 1970, à la relance du processus des revendications territoriales sous le premier ministre Pierre E. Trudeau, le chef et le conseil de la Première Nation de Garden River tentent de régler les problèmes liés à la délimitation de la réserve de 1852, à la cession des terres de 1859, aux divers droits de passage, aux ballastières et à d’autres cessions. Par exemple, entre les années 1970 et le début des années 1990, les négociations portant sur la restitution des terres cédées en 1859 et l’emprise de la route revêtent une importance capitale. Quelques-uns de ces problèmes sont résolus en juillet 1994 grâce à l’entente sur les terres et la route, qui restitue environ 10 500 hectares de terres. En outre, cette entente entraîne la construction d’une déviation pour la route transcanadienne 17, éloignant ainsi la route principale du cœur de la communauté. En 2010, la réserve de Garden River annonce son intention d’instaurer des péages sur la route 17 en raison de divergences persistantes avec le gouvernement provincial au sujet de la taxe de vente harmonisée. Cette décision suscite de la colère chez certains résidents. On vandalise des panneaux de signalisation placés près de la réserve; certains d’entre eux portent des propos racistes.

Panneau de signalisation de poste de péage
Vandalisme sur le devant d’un panneau de signalisation de poste de péage
Vandalisme sur le derrière d’un panneau de signalisation de poste de péage

Toujours en 2010, dans le cadre du Fonds de règlement des litiges relatifs au traité Robinson-Huron, la Première Nation de Garden River demande une compensation aux gouvernements provincial et fédéral pour leur non-respect des paiements d’annuités découlant du traité de 1850. En 2023, le Fonds convient de verser une compensation de 10 milliards de dollars, qui sera distribuée entre les 21 Premières Nations en 2024. Les Premières Nations de Garden River et d’Atikameksheng Anishnawbek déposent une action en justice contre les avocats du Fonds. La requête soutient que les honoraires des avocats sont excessifs et demande aux tribunaux de les réduire. Finalement, le Fonds et ses avocats continuent de négocier une augmentation des annuités individuelles pour toutes les nations signataires.

Garden River est aussi crucial sur le plan politique pour les Anichinabés. En 1850, le chef Shingwaukonse, reconnu par les Britanniques comme le dirigeant des Anichinabés du lac Huron au lac Supérieur, dirige les négociations pour conclure des traités visant à protéger le territoire et le peuple anichinabés. En 1919, Fred O. Loft, accueilli par la Première Nation de Garden River, s’exprime à Sault Ste. Marie au sujet de la nécessité de créer une organisation unifiée pour les Premières Nations du Canada. Cette organisation est connue sous le nom de Ligue des Indiens (voir aussi Organisation politique des Autochtones et activisme au Canada). Les dirigeants de Garden River s’expriment souvent ouvertement lors des réunions du Grand Conseil général des Indiens de l’Ontario, entre 1870 et 1936. En 1928, ce conseil se réunit à Garden River pour discuter de la Loi sur les Indiens et d’autres sujets. Plus récemment, la réserve de Garden River est devenue un centre de revitalisation de la culture, de la langue, de la spiritualité et de la souveraineté anichinabées (voir aussi L’anishinaabemowin : la langue ojibwée). Dan Pine, un guérisseur et un traditionaliste, est connu pour son engagement en faveur de la promotion et de la défense des droits des Anichinabés sur l’île de la Tortue.

En 1973, Bob, Darrell, Keith et Willie Boissoneau, ainsi qu’André et Scott Lesage, peignent « This is Indian Land » sur le pont ferroviaire de la rivière Garden. Ce geste, qui se veut un acte de résistance politique, constitue une déclaration simple et audacieuse selon laquelle tout le monde se trouve sur un territoire autochtone (voir aussi Territoire autochtone). Les Premières Nations de l’île de la Tortue considèrent le pont comme un symbole. Les Autochtones et les non-Autochtones s’y arrêtent pour prendre des photos et des égoportraits.

Première Nation de Garden River

Économie

Le bureau du conseil de bande de la Première Nation de Garden River est l’employeur principal de la réserve de Garden River. Il offre une gamme complète de services gouvernementaux. Cependant, il existe un certain nombre d’entreprises notables dans la collectivité et à proximité qui ne font pas partie du bureau du conseil de bande. Parmi celles-ci, on compte le terrain de camping de Bell’s Point, Family Tree-Native Crafts, Big Arrow Variety, Perreault’s Gas Station, Turtle Concepts, Smoke Signal’s, ainsi que plusieurs entreprises forestières. On compte aussi parmi elles le quartier général du service de police d’Anishinabek. Beaucoup de gens travaillent également en dehors de la réserve, dans les collectivités voisines de Baie Écho et de Sault Ste. Marie.

Culture

Entre 1900 et 1969, puis entre 2006 et 2008, Garden River présente la pièce Hiawatha, inspirée du poème The Song of Hiawatha (Le Chant d’Hiawatha) de Henry W. Longfellow. Cette pièce s’inspire elle-même assez librement de récits recueillis auprès des Anichinabés et publiés par H. R. Schoolcraft. La première représentation a lieu lors du voyage d’Alice Longfellow dans la région en 1900. Alice Longfellow est la fille de Henry W. Longfellow. La pièce est d’abord jouée à Desbarats, en Ontario, puis à Garden River. Elle est présentée en tournée à Sault Ste. Marie (Ontario et Michigan), à Toronto, à Montréal, à Boston, à Philadelphie, à New York, à Chicago, à Détroit, à Pittsburgh et à Plattsburgh, en Amérique du Nord, ainsi qu’à Londres, à Portsmouth, à Amsterdam et à Anvers, en Europe. De 1900 à 1969, les représentations se déroulent en anishinaabemowin, et mettent en scène un mélange de costumes stéréotypés, comme les coiffes des plaines, et d’objets culturels de Garden River, comme la pipe de Shingwaukonse et les médailles de traité. Les représentations de 2006 à 2008 sont principalement en anglais. Elles s’appuient largement sur le scénario original, mais s’inspirent aussi d’expériences et de récits contemporains. En plus de la pièce Hiawatha, les acteurs de Garden River présentent d’autres pièces culturelles et « historiques » afin de commémorer l’histoire locale. Le but est de divertir les touristes nord-américains et européens, mais aussi de présenter la culture, la langue et la fierté d’être autochtone des Anichinabés.

Les acteurs de Garden River dans la pièce Hiawatha
La Coupe Stanley au pont ferroviaire de la Première Nation de Garden River

Aujourd’hui, Garden River est surtout connue pour ses personnalités sportives célèbres, dont l’ancien entraîneur de la Ligue nationale de hockey (LNH), Ted Nolan, d’anciens joueurs de la LNH, les comédiens de Shoresy, Jordan et Brandon Nolan, ainsi que le lanceur de softball à balle rapide, Darren Zack. Les figures spirituelles les plus connues sont Shingwaukonse et Dan Pine. Parmi les personnalités culturelles marquantes, on compte l’écrivaine Lesley Belleau, le conteur et acteur Dillan Chiblow, ainsi que le sculpteur Phil Jones. Le Dan Pine Healing Lodge, quant à lui, jouit d’une renommée et d’un respect nationaux en tant que lieu spirituel et de guérison traditionnel.

Centre de bien-être Naan Doo We’an de Garden River
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