L’Alberta compte 138 réserves, détenues principalement par les 46 Premières Nations de la province (voir aussi Premières Nations en Alberta). Un petit nombre de ces réserves sont détenues par des Premières Nations établies hors de la province, à savoir la Première Nation de Salt River et la Première Nation de Smith’s Landing, dont le siège administratif se trouve dans les Territoires du Nord-Ouest. La nation crie d’Onion Lake, établie en Saskatchewan, détient une réserve qui chevauche la frontière entre l’Alberta et la Saskatchewan. En 2020, on comptait 133 051 Autochtones inscrits vivant en Alberta, 60 % d’entre eux vivant sur des réserves. Les autres vivent dans d’autres municipalités. Les Premières Nations de l’Alberta sont habituellement groupées en trois régions basées sur les Traités no 6, no 7 et no 8 (voir aussi Traités numérotés). Bien qu’historiquement le gouvernement canadien ait assigné des réserves au peuple des Premières Nations et non aux Métis ou aux Inuits, l’Alberta est la seule province au sein de laquelle le peuple métis a reçu une réserve foncière collective (voir Établissements Métis).
Géographie
Bien que l’ensemble de l’Alberta soit le territoire traditionnel des Premières Nations, les réserves ne représentent qu’un peu plus de 1 % de la superficie totale de la province. Les trois zones des traités de l’Alberta s’empilent grossièrement l’une par-dessus l’autre, du sud vers le nord. Le Traité no 7 est situé dans la partie sud de la province. Les réserves du Traité no 7 sont détenues par des membres de la Confédération des Pieds-Noirs, des Stoneys-Nakodas, et des Tsuut’ina (voir Déné). Les trois plus importantes réserves sont situées dans le Traité no 7. En ordre décroissant, on trouve Blood no 148, détenue par la Nation Kainai, Siksika no 146, détenue par la Nation Siksika, et Piikani, détenue par la Nation Piikani. Blood no 148 a une superficie de 1342 km carrés.
Le Traité no 6 est au nord du Traité no 7. Environ la moitié du Traité no 6 est situé en Alberta alors que l’autre moitié est en Saskatchewan. La majorité des réserves du Traiténo 6 sont détenues par les peuples Cri des Premières Nations; cependant, la région inclut les communautés Salteaux, Nakota Sioux et Déné.
(avec la permission de Native Land Digital / Native-Land.ca)
Le Traité no 8 est situé dans la partie nord de la province. Les signataires autochtones du Traité no 8 ont également des communautés en Colombie-Britannique, dans les Territoires du Nord-Ouest et en Saskatchewan. Les peuples Déné et Cri vivent sur les réserves de cette région. Les réserves du Traité no8 sont plus petites que celles des régions du sud de la province en raison des modèles de résidence traditionnels qui existaient avant la création des réserves.
Certaines Premières Nations ont une seule réserve sur laquelle vivre, mais il existe plusieurs écarts à cette norme. Par exemple, les trois Premières Nations de Stoney Nakoda – Bearspaw, Chiniki et Goodstoney – se partagent une seule réserve dans les contreforts des montagnes Rocheuses, à l’ouest de Calgary. De même façon, la communauté de Maskwacis est composée de quatre Premières Nations cries ayant une identité et une culture communes : Louis Bull, Ermineskin, Samson et Montana. Toutefois, contrairement aux Stoney Nakoda, chaque nation a sa propre réserve. Les Premières Nations de Maskwacis ont également une réserve qu’elles partagent au Pigeon Lake, un lieu de pêche traditionnel.
Démographie
La plus importante réserve de l’Alberta en termes de population est Blood no 148, détenue par la Nation de Kainai. En 2020, 8752 des 12 724 membres de Kainai vivaient sur la réserve, au sud-ouest de Lethbridge. La deuxième plus importante réserve en termes de population est Saddle Lake no 125, détenue par la Nation Crie de Saddle Lake, et est située à 120 km au nord-est d’Edmonton. En 2020, 6905 des 11 109 membres vivaient sur la réserve.
Les résidents des réserves de l’Alberta parlent plusieurs langues. Ces langues incluent l’anglais, le français et les langues autochtones de trois familles de langues : l’algonquin, le sioux et le déné (Athapascan). Le pied-noir, le cri et l’anishinaabemowin (ojibwé) sont des langues algonquiennes parlées sur les réserves de l’Alberta, alors que le stoney et le dakota appartiennent aux groupes sioux. Les langues dénés qui sont parlées sur les réserves albertaines incluent le déné suliné/chipewyan, le dane-zaa/beaver, le tsuut’ina/sarcee/sarsi et le dene dhah/l’esclave du sud (voir aussi Langues autochtones au Canada).
Histoire
Traités no6 et no7
La majorité des réserves de l’Alberta sont créées en vertu des dispositions des traités no 6, no 7 et no 8. Le Traité no 6 est signé en 1876 et le Traité no 7 en 1877. À cette époque, le bison, qui avait autrefois parcouru les plaines de l’Amérique du Nord par millions, a presque complètement disparu. Les peuples autochtones des Plaines, qui dépendent du bison pour se nourrir, deviennent de plus en plus désespérés. Du point de vue des peuples autochtones, les Traités sont des pactes sacrés qui leur offrent une manière de survivre, parce que le gouvernement canadien leur a promis de l’aide dans la transition vers une économie basée sur l’agriculture. Mais du point de vue du gouvernement canadien, les traités sont un moyen de permettre la colonisation de l’ouest en limitant ou en supprimant les droits des peuples autochtones sur leurs terres.
Les traités no 6 et no 7 stipulent que les réserves ne devraient pas mesurer plus d’un mile carré (environ 2,6 km carrés) pour chaque famille de cinq personnes, et que les réserves pour les plus petites ou plus grosses familles devraient être créées proportionnellement à cette mesure. Alors que le Traité no 6 stipule que les Premières Nations seraient consultées sur l’emplacement des réserves, le Traité no 7 délimite les zones des réserves. Par exemple, une partie du Traité no 7 déclare que « la réserve de la bande des Indiens Piegan sera sur la rivière Old Man, près du pied de Porcupine Hills, à l’endroit appelé Crow’s Creek. » De nos jours, il s’agit de l’emplacement approximatif de la réserve de la nation Piikani.
Le gouvernement canadien utilise la famine comme moyen de forcer les peuples autochtones des Plaines sur les réserves. En 1888, le bison est une espèce disparue au Canada. Alors que le gouvernement offre des rations aux peuples autochtones affamés, seuls ceux dont la Nation a signé un traité sont admissibles à recevoir de la nourriture.
Traité no8
Le Traité no 8 est signé en 1899. Tout comme les traités no 6 et no 7, le Traité no 8 stipule que les réserves ne doivent pas dépasser un mile carré pour chaque famille de cinq personnes. Cependant, le Traité no 8 comprend également une clause disant que ces familles ou individus peuvent choisir d’avoir 160 acres de terre en plusieurs secteurs (séparément), secteurs dans lesquels ils peuvent vivre indépendamment de la réserve. Cette option reconnaît que les structures sociales des peuples autochtones du nord sont différentes de celles des peuples vivants dans les Plaines. En général, les Premières Nations du nord vivent en plus petits groupes afin de maintenir des pratiques de chasses durables. À cause de cette clause, les réserves du Traité no 8 ont tendance à être plus petites que celles des traités no 6 et no 7. De même, il est courant pour une Première Nation du Traité no 8 d’avoir de multiples sites de réserves.
Revendications territoriales
Certaines réserves de l’Alberta sont créées ou élargies en conséquence de revendications territoriales particulières. Le processus de revendications territoriales particulières, instauré en 1973, répond aux griefs des Premières Nations qui ont signé les traités, mais n’ont pas reçu ce qui leur était dû (voir aussi Revendications territoriales globales : traités modernes). La majorité des accords de revendications territoriales en Alberta ont été conclus sur le territoire du Traité no 8.
Par exemple, en 2010, la Nation Crie de Bigstone règle l’une des plus importantes revendications territoriales de l’histoire de l’Alberta. L’accord, conclu avec les gouvernements fédéral et provincial, élargit les réserves existantes et crée de nouvelles réserves. En 1899, le Chef Joseph Bigstone signe le Traité no8 à Wabasca, une communauté située à environ 300 km au nord d’Edmonton. Les Cris de Bigstone obtiennent une réserve composée de cinq lopins de terre à Wabasca, et une autre au sud, Calling Lake (officiellement connue sous le nom de Jean Baptiste Gambler no 183). Cependant, comme les commissaires aux traités ne voyagent principalement que par les rivières Peace et Athabasca, ils négligent plusieurs communautés qui ne vivent pas le long de ces rivières, ceci incluant des communautés près de Wabasca, notamment Chipewyan Lake, Peerless Lake et Trout Lake. Avec le temps, les délégués indiens ajoutent les membres de ces communautés négligées à leur liste de membres de la bande crie de Bigstone. Bien que le Traité no 8 stipule que chaque famille de cinq personnes est censée recevoir des terres de réserve d’un mille carré, la venue des nouveaux membres de Bigstone ne fait pas augmenter la taille de leur réserve.
Le règlement de la revendication territoriale de 2010 crée une nouvelle bande appelée les Premières Nations de Peerless Trout, combinant ainsi les communautés de Peerless Lake et de Trout Lake. Il fournit également 566,5 km carrés de terres de réserve. Ces terres de réserve sont divisées entre les Premières Nations de Peerless Trout et les communautés de Wabasca, de Calling Lake et de Chipewyan Lake.
Politiques
Gouvernance
Historiquement, les groupes autochtones sont liés les uns aux autres pour diverses raisons. Ces relations incluent des alliances militaires et économiques, des liens de parenté et une compréhension partagée de la diplomatie. Leurs territoires se chevauchent souvent : par exemple, en Alberta, le territoire traditionnel des Siksika (Pieds-Noirs) chevauche celui des Cris des Plaines.
De nos jours, les Premières Nations sont encore connectées, mais chacune détient sa propre juridiction sur ses terres de réserve. Ceci contraste avec les formes de chevauchement de juridiction présentes avant la création des réserves.
En Alberta, comme dans d’autres provinces, les réserves sont gouvernées par des chefs et des conseils. La taille du gouvernement et la durée de son mandat diffèrent d’une Première Nation à l’autre. Certaines sont gouvernées selon la Loi sur les Indiens, qui procure un chef ainsi qu’un conseiller pour chaque 100 membres des Premières Nations. Le chef et le conseiller sont élus tous les deux ans.
Toutefois, la majorité des Premières Nations de l’Alberta utilise ce que le gouvernement fédéral appelle une forme de gouvernance « sur mesure. » Ceci veut dire que la Première Nation a plus de choix en ce qui concerne le processus de sélection de son équipe de dirigeants. Avec le système « sur mesure », les chefs et les conseillers sont souvent élus pour de plus longs mandats. Par exemple, la Nation Crie de Sturgeon Lake élit un chef et six conseillers tous les trois ans au lieu de deux.
Élections
À bien des égards, les élections sur les réserves sont semblables aux élections des autres municipalités canadiennes. Par exemple, les bulletins de vote sont secrets et gérés par un officier électoral indépendant. Mais contrairement à d’autres corps politiques, les Premières Nations ont parfois une majorité de leur électorat ne vivant pas sur le territoire gouvernemental. Ceci peut être source de tension politique. Par exemple, la Première Nation d’Athabasca Chipewyan, qui détient huit lopins de terre de réserve près de l’extrémité du sud-ouest du lac Athabasca, compte 1276 membres de bande inscrits en 2018. Toutefois, seulement 256 de ces membres vivent sur la réserve.
En cri, les réserves sont parfois appelées iskonikan, ce qui signifie « ce qui reste. » À travers l’histoire du Canada, les peuples autochtones ont été dépouillés de leurs terres. En conséquence, la plupart des membres des Premières Nations estiment que les réserves, ce qui reste, sont importantes pour leur survie et leur force. Les règles électorales reflètent cette histoire et font partie d’une discussion complexe sur la manière de protéger l’avenir des réserves. Ces règles comprennent des exigences résidentielles pour les personnes admissibles à se présenter aux élections, et des dispositions pour rendre le vote accessible aux membres qui vivent en dehors de la réserve. Par exemple, sur la réserve de la Nation Crie de Ermineskin, tous les membres de la bande, qu’ils vivent sur la réserve ou à l’extérieur, peuvent voter; cependant, le seul bureau de vote se trouve sur la réserve. De plus, seuls les membres de la bande vivant sur la réserve peuvent se présenter aux élections.
Les politiques des réserves reflètent également des discussions compliquées à propos de la discrimination sexuelle. En vertu de la Loi sur les Indiens, les femmes qui sont membres inscrites de la bande perdent leur statut si elles épousent un homme qui n’a pas ce statut. Sans le statut, les femmes ne peuvent voter lors des élections de la réserve, et elles ne peuvent participer à la vie sur la réserve. En 1985, le gouvernement fédéral modifie la Loi sur les Indiens. Ces changements, connus sous le nom de projet de loiC-31, obligent les Premières Nations à remettre sur les listes des membres ces femmes ayant précédemment perdu leur statut. En 1995, trois Premières Nations de l’Alberta, Sawridge, Wrmineskin et Tsuut’ina, intentent une action en justice en déclarant que l’exclusion des femmes qui se marient à l’extérieur de la bande est basée sur la tradition autochtone et est protégée en vertu de l’article 35 de la Constitution. Du point de vue des Canadiens, ces enjeux semblent violer les valeurs d’égalité devant la loi. Toutefois, les perceptions canadiennes ne tiennent pas souvent compte de la façon dont une histoire de dépossession façonne les débats politiques au sein des communautés autochtones.
Arts et culture
De nombreux artistes bien connus viennent des réserves de l’Alberta. Le groupe de percussions Northern Cree a été en nomination pour neuf prix Grammy et trois prix Juno. Ce groupe est composé de membres qui vivent dans diverses réserves du Traité no6, telles que la Nation Crie de Saddle Lake et de Maskwacis. Alex Janvier est né sur la réserve des Premières Nations de Cold Lake, et il continue d’y vivre encore aujourd’hui. Il est surtout reconnu pour son œuvre Morning Star sur le dôme du Musée canadien de l’histoire. Alex Janvier a aussi créé la mosaïque Tsa Tsa Ke k’e (place pied en fonte), au Rogers Place d’Edmonton. Billy-Ray Belcourt est un poète et un érudit qui a grandi à l’intérieur et dans les environs de la Nation Crie de Driftpile. Il est le premier boursier Rhodes des Premières Nations du Canada. Il a reçu le prix Griffin Poetry en 2018.