Il y a au Manitoba 376 réserves appartenant à 63Premières Nations (voir aussi Premières Nations au Manitoba). En outre, la Première Nation d’Animakee Wa Zhing, située en Ontario, possède une réserve qui chevauche la frontière de l’Ontario et du Manitoba. En 2020, il y avait 164 116 Indiens inscrits au Manitoba, dont 58 % vivaient dans des réserves. Le Manitoba comprend aussi une grande partie du territoire de la nation métisse, et possède une importante population métisse. Toutefois, pour un ensemble de raisons historiques, les Métis ne possèdent pas de réserves (voir Certificats des Métis; Loi sur le Manitoba).
Géographie
Les réserves du Manitoba sont des foyers d’appartenance intergénérationnels pour les Cris, les Anichinabés (Ojibwés), les Ojis-Cris, les Dakotas/Lakotas (Sioux) et les Dénés. Les Dénés Northlands et les Dénés Sayisis occupent le secteur nord-ouest de la province. Les communautés cries sont situées au nord et au nord-ouest du lac Winnipeg, les Oji-Cris au nord-est et les communautés anichinabées au sud, de l’Ontario à la frontière de la Saskatchewan. Les Dakotas et Lakotas se retrouvent dans le centre-sud et le sud-ouest de la province. Traditionnellement, les Premières Nations se réunissaient là où les rivières se jetaient dans de grands lacs où y prenaient leur source, ou au carrefour des rivières. C’est la raison pour laquelle beaucoup de communautés sont situées à de tels endroits.
La situation géographique est un facteur déterminant du caractère des réserves au Manitoba. Les réserves situées au sud de la province sont desservies par des routes et ont un meilleur accès à Winnipeg. Par contre, au nord du Manitoba, 23 communautés ne disposent pas de routes utilisables toute l’année. Pendant l’hiver, ces communautés ne sont reliées au sud que par des routes d’hiver (c’est-à-dire construites sur la neige ou la glace) ou le transport aérien.
Relocalisations
Au cours de leur histoire, beaucoup de réserves du Manitoba ont été relocalisées. Ces déplacements ont eu lieu afin de répondre aux besoins et aux désirs des colonisateurs. Par exemple, en 1908, la réserve de St. Peter est fermée. De nombreuses familles déménagent à quelque 130 km au nord du site actuel de Selkirk, où la réserve était originalement située. La réserve de St. Peter est une communauté anichinabée, crie et métisse
aujourd’hui appelée Première Nation Peguis. La terre originale de la réserve était fertile. De plus, la communauté avait accès aux ressources halieutiques du lac Winnipeg et se trouvait à proximité de la ville de Winnipeg en pleine croissance. Pendant des années, le gouvernement a exercé des pressions sur la réserve pour qu’elle déménage. Il a autorisé des squatteurs non autochtones à s’y installer, et a finalement saisi et relocalisé la réserve. En faisant cela, le gouvernement a chassé de son territoire traditionnel une Première Nation de cultivateurs et de pêcheurs prospères, et l’a déplacée dans une région moins productive, dans l’intérêt de l’expansion coloniale.
En 1956, les Dénés Sayisi sont déplacés de leurs terres traditionnelles, sans statut de réserve, près du lac Little Duck, et relocalisés à Churchill. Une photo montrant un grand nombre de caribous morts ayant été interprétée à tort comme la preuve d’un massacre, les gouvernements provincial et fédéral accusent les Dénés Sayisis d’être responsables du déclin de la population de caribous, ce qui se révélera par la suite sans fondement. La communauté est relocalisée d’abord dans un village à North River, 75 km au nord-ouest de Churchill. Elle est ensuite déplacée à Camp 10, puis à Dene Village, deux sites situés plus près de Churchill. Les conditions sont effroyables; les gens souffrent de malnutrition, de toxicomanie, de violence familiale et de mortalité. Dans les années 1970, la communauté lance un mouvement pour revenir à son ancien territoire de Tadoule Lake, qui obtient finalement un statut de réserve.
Dans les années 1960 et 1970, deux communautés sont relocalisées à cause du développement hydroélectrique. La Première Nation crie Chemawawin est déplacée pour le barrage de Grand Rapids, et celle de O-Pipon-Na-Piwin pour le détournement de la rivière Churchill. Plus récemment, l’inondation d’une zone entre le Lac Winnipeg et le Lac Manitoba entraîne le déplacement de membres de plusieurs Premières Nations, dont celle de Lake St. Martin, et leur relocalisation définitive à Winnipeg.
Démographie
La plus importante population vivant dans une réserve au Manitoba est celle de la Première Nation crie de Norway House, aussi appelée Kinosao-Sipi. En 2021, 6 567 de ses 8 532 membres vivent en réserve. La Première Nation crie Norway House détient 84 parcelles de terres de réserve. Cependant, la majorité de ses membres vivant en réserve résident dans un territoire dont le nom juridique est Norway House 17. Cette réserve, la plus importante de Norway House, est située près de l’extrémité nord-est du lac Winnipeg.
La communauté ayant la deuxième plus importante population vivant dans une réserve est celle de Cross Lake, qui abrite la Première Nation crie de Pimicikamak. La Nation crie de Pimicikamak possède 12 réserves près de Cross Lake, au nord-est du lac Winnipeg. En 2021, 6 426 de ses 9 027 membres vivaient dans une réserve.
Il y a au Manitoba beaucoup d’autres grandes réserves ayant plus de 1 000 habitants. Sept des vingt-cinq plus grandes Premières Nations du Canada se trouvent au Manitoba. Outre celles de Norway House et de Pimicikamak, il s’agit des Premières Nations de Peguis, de Sagkeeng, de Sandy Bay, de la Nation crie d’Opaskwayak et la Nation crie de Nisichawayasihk. Par contre, certaines Premières Nations isolées, comme celle des Dénés Sayisis à Tadoule Lake, ont souvent moins de 500 membres vivant dans une réserve.
Traités
(avec la permission de Native Land Digital / Native-Land.ca)
La majorité des réserves du Manitoba ont été créées par les dispositions des Traités n° 1, n° 2, n° 3, n° 4, n° 5, n° 6 et n° 10 (voir aussi Traités numérotés). Cependant, les limites des Traités n° 6 et n° 10 ne correspondent pas aux frontières du Manitoba. Les Premières Nations de Mathias Colomb et Marcel Colomb sont situées dans la partie du Manitoba qui est couverte par le Traité n° 5. Toutefois, chacune est signataire du Traité n° 6, qui couvre la plus grande partie du centre de la Saskatchewan et de l’Alberta. De même, la Première Nation de Barren Lands et la Première Nation dénésuline de Northlands sont signataires du traité n° 10. La portion de territoire couverte par le Traité n° 10 se trouve en Saskatchewan, avec une petite partie en Alberta. Toutefois, la Première Nation de Barren Lands et la Première Nation dénésuline de Northlands sont aussi situées dans la partie du Manitoba qui est couverte par le Traité n° 5. La raison pour laquelle ces Premières Nations sont signataires des Traités n° 6 et n° 10 est qu’il était plus commode pour les commissaires responsables de ces traités de voyager jusqu’à eux que pour les commissaires responsables des autres traités du Manitoba.
Premières Nations Dakota/Lakota
Cinq réserves ont été créées au Manitoba pour les Premières Nations Dakota/Lakota sans passer par des traités. Les Dakotas/Lakotas semblent avoir utilisé le territoire traditionnellement, mais ils fuyaient les violences de la guerre des Sioux de 1876, aux États-Unis. Le territoire ayant supposément été libéré de tous titres autochtones grâce aux Traités n° 1 et n° 2, le Canada n’a pas jugé nécessaire de négocier de nouveaux traités avec les peuples siouans qu’il considérait comme des immigrants. Mais le gouvernement fédéral a pensé que les confiner dans des réserves demeurait la meilleure chose à faire avec eux, en accord avec sa politique générale vis-à-vis des « Indiens ».
Réserves urbaines
En 2020, il y avait 11 réserves urbaines au Manitoba. Une réserve urbaine est un territoire réservé à une Première Nation qui est situé à l’intérieur ou près d’une municipalité urbaine. Par exemple, la Première Nation de Long Plain possède deux réserves urbaines, l’une dans la ville de Winnipeg, et l’autre à proximité de Portage la Prairie. Les réserves urbaines pourraient devenir de plus en plus communes au Manitoba, car plusieurs Premières Nations ont beaucoup de membres qui vivent dans des zones urbaines. De même, les chefs de Premières Nations veulent souvent investir dans des occasions économiques urbaines. Le secteur de la Caserne Kapyong, à Winnipeg, est actuellement considéré pour devenir la plus grande réserve urbaine au Canada.
Politique
Les réserves du Manitoba, comme celles des autres provinces, sont dirigées par des chefs et des conseils. Bien que la plupart de leurs responsabilités soient similaires à celles des autres municipalités canadiennes, les conseils de Premières Nations ont aussi le mandat de défendre leurs communautés en matière de droits autochtones et de droits issus des traités. La taille des gouvernements et la durée de leurs mandats varient d’une Première Nation à l’autre. Au Manitoba, 22 Premières Nations sont gouvernées en vertu de la Loi sur les Indiens, qui prévoit un chef et un conseiller pour chaque 100 membres. Les chefs et les conseillers sont élus tous les deux ans.
Vingt-six autres Premières Nations du Manitoba utilisent ce que le gouvernement fédéral appelle des systèmes de gouvernance « coutumiers ». Ceci signifie que ces Premières Nations disposent d’une plus grande latitude quant au processus de sélection des dirigeants. Dans les systèmes coutumiers, les chefs et les conseils sont souvent élus pour des mandats plus longs. Par exemple, le gouvernement de la Première Nation crie de Misipawistik est élu pour une période de trois ans plutôt que deux. D’autres Premières Nations ne tiennent pas du tout d’élections. Par exemple, la Première Nation de Buffalo Point utilise un système de gouvernement héréditaire, dans lequel les chefs gouvernent tout au long de leur vie, choisissent leurs conseils et, finalement, leurs successeurs.
D’autres systèmes coutumiers sont plus ambitieux. Par exemple, la Première Nation crie de Pimicikamak a créé son propre modèle d’autonomie gouvernementale. En 1999, la communauté a créé quatre conseils : un conseil des femmes, un conseil exécutif, un conseil des anciens et un conseil des jeunes. Ces quatre conseils prennent les décisions ensemble par consensus.
La Loi sur les élections au sein des Premières nations permet également des mandats plus longs. Introduite en 2014, elle n’a pas remplacé la Loi sur les Indiens ni les systèmes de gouvernance coutumiers. À la place, elle permet aux bandes de choisir une forme modifiée du système électoral de la Loi sur les Indiens. Selon la Loi sur les élections au sein des Premières nations, les chefs et leurs conseils sont élus pour un mandat de quatre ans. Quatorze Premières Nations du Manitoba utilisent ce système.
Finalement, la Sioux Valley Dakota Nation, dans le sud-ouest du Manitoba, a négocié une entente d’autonomie gouvernementale avec les gouvernements fédéral et provincial. L’accord est devenu une loi en 2014. Elle donne à la Sioux Valley Dakota Nation le droit d’établir sa propre constitution et un contrôle accru sur la prestation de services sociaux, de santé et d’éducation.
Enjeux sociaux
Les Premières Nations, au Manitoba comme ailleurs au Canada, se sentent souvent attachées à des lieux spécifiques où leurs ancêtres ont élaboré un bon mode de vie. Leur profond attachement à la terre les aide à s’enraciner dans leur culture et leur spiritualité ancestrales. Cet attachement à la terre entre souvent en conflit avec l’économie coloniale du Canada, qui exige que les gens acceptent de se déplacer là où se trouvent les emplois.
De plus, l’exploitation minière et forestière ainsi que le développement hydroélectrique ont détérioré l’environnement naturel au Manitoba et dans d’autres provinces et territoires, rendant le mode de subsistance traditionnel basé sur la terre plus difficile à soutenir. Tout cela est aggravé par l’impact historique des relocalisations et des pensionnats indiens. Dans les réserves, l’éducation, les soins de santé et les infrastructures matérielles (comme l’eau potable et le logement) souffrent d’un sous-financement chronique. Le résultat est que les taux de suicide, de chômage et d’incarcération sont souvent plus élevés dans les réserves que dans les communautés vivant hors réserve. En outre, certaines réserves ont un niveau de scolarité moins élevé et dépendant davantage de l’aide sociale. D’un autre côté, les communautés vivant dans des réserves conservent des liens plus solides avec leur culture, leur spiritualité et leur langue, et des relations plus étroites entre générations.
Projets communautaires
Des projets initiés par les communautés présentent souvent des solutions aux problèmes auxquels font face les réserves du Manitoba. Plusieurs réserves du Manitoba ont développé des occasions économiques locales et régionales. Otineka Mall, un centre commercial situé dans une réserve, a été construit par la Première Nation crie d’Opaskwayak dans les années 1970. Le South Beach Casino and Resort de la Première Nation ojibwée de Brokenhead est la propriété d’un partenariat de sept Premières Nations. De plus, les Premières Nations de Nisichawayasihk, Tataskweyak, York Factory, Fox Lake et War Lake ont récemment négocié des ententes de partenariat à grande échelle avec Manitoba Hydro. Leur souhait est que les nouveaux barrages de Wuskwatim et Keeyask deviennent des sources de revenus pour leurs communautés.
Sur la rive est du lac Winnipeg, quatre Premières Nations – Bloodvein River, Little Grand Rapids, Pauingassi et Poplar River – travaillent ensemble pour créer un site du patrimoine mondial des Nations Unies appelé Pimachiowin Aki, qui est officiellement reconnu en 2018. En plus de protéger leurs terres ancestrales de la destruction, ces Premières Nations espèrent que le tourisme, la trappe et la pêche contribueront à faire vivre leurs communautés d’une manière qui reflète leurs valeurs culturelles. Les communautés qui vivent de la pêche locale, Berens River, Misipawistik, Kinosao Sipi et O-Pipon-Na-Piwin notamment – tendent également vers cette approche.