Le Québec compte 30 réserves occupées par 25 des 40 Premières Nations de la province (voir aussi Premières Nations au Québec). Il existe en outre des communautés dont les terres sont visées par la Convention de la baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois: 14 collectivités inuites, 9 cries et une naskapie. Ces dernières ne sont pas régies par la Loi sur les Indiens et, par conséquent, leurs territoires ne sont pas désignés par le terme de « réserves ». Cinq autres Premières Nations de la province ne détiennent aucune terre de réserve (la Première Nation de Long Point, la communauté anicinape de Kitcisakik, la Première Nation de Wolf Lake, la bande des montagnais de Pakuashipi et la Nation micmac de Gespeg). Il s’agit du nombre le plus important de Premières Nations ne détenant aucune terre de réserve au sein d’une province. Enfin, le Conseil des Mohawks d’Akwesasne occupe une réserve qui se trouve en partie dans la province du Québec, dans celle de l’Ontario et dans l’État de New York. En 2020, le Québec compte 92 762 personnes inscrites comme Indiens, dont 64% vivent dans des réserves.
(carte de l’Encyclopédie canadienne, avec les données de Ressources naturelles Canada offertes en vertu de Licence du gouvernement ouvert – Canada)
Données démographiques
Les Premières Nations habitant au Québec sont les Abénakis, les Algonquins, les Atikamekw, les Cris, les Haudenosaunee, les Hurons-Wendats, les Innus, les Wolastoqiyik (Malécites), et les Mi’kmaq et les Naskapis. La réserve la plus peuplée est celle des Mohawks de Kahnawà:ke. De leurs 11 210 membres en 2020, 7 967 habitent dans une réserve qui se situe juste à l’extérieur des limites de Montréal.
Géographie
L’établissement des frontières du Québec s’effectue à l’époque sans référence aux limites des territoires des peuples autochtones. Par conséquent, la plupart des Premières Nations du Québec occupent aujourd’hui des terres qui s’étendent en partie sur des provinces ou des États avoisinants. Les Cris, par exemple, habitent les terres entourant la baie James, des deux côtés de la frontière Québec-Ontario. De même, le territoire des Algonquins correspond au bassin versant de la rivière des Outaouais chevauchant la même frontière, tandis que celui des Innus comprend des terres dans la province du Québec et la région du Labrador. Certaines collectivités habitent également des réserves qui couvrent en partie plusieurs zones. Par exemple, la réserve des Mohawks d’Akwesas se situe à la fois en Ontario, au Québec et dans l’État de New York.
Les réserves de la province se situent dans divers endroits isolés, dans des milieux ruraux ou urbains. En général, les Cris, les Naskapis et les Innus habitent dans les régions les plus éloignées dans le nord du Québec, tandis que les Hurons-Wendats et les Haudenosaunee vivent dans le sud du territoire, près des grands centres urbains. Certains des peuplements dans le Nord ne sont pas accessibles par la route, notamment la collectivité cri de Whapmagoostui et les Naskapis de Kawawachikamach.
La province du Québec couvre une superficie de 1356625km2. À compter de l’année2020, des territoires totalisant 791,71km2, soit 0,06% de cette étendue, sont considérés comme des terres de réserve selon la définition de la Loi sur les Indiens. D’autres zones, couvrant ensemble une surface de 1079262km2, sont visées par la Convention de la baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois. Des collectivités des Premières Nations et des collectivités inuites détiennent le contrôle absolu de 1,3% de ces dernières, soit 14020km2. Les droits territoriaux liés au reste de ces terres sont répartis parmi des autochtones, des allochtones et la province.
Histoire
Achats et concessions de terres
Les premières réserves au Québec sont achetées par des particuliers ou concédées par le gouvernement français à des ordres religieux associés à l’Église catholique. Elles sont destinées à la centralisation et la « civilisation » des Premières Nations, ainsi qu’à leur conversion au catholicisme. La première réserve de ce type devient alors aussi la première réserve sur le territoire que nous connaissons aujourd’hui comme le Canada. Établie à Sillery près de la ville de Québec en 1637, celle-ci s’avère un échec sur les plans social et économique, et se voit abandonnée à la fin des années1680.
En 1680, les Français concèdent aux Jésuites la Seigneurie de Sault Saint-Louis qui se situe près de Montréal. Les Haudenosaunee et d’autres tribus sont censées bénéficier de ces terres qui couvrent à l’origine une superficie d’environ 182km2. Toutefois, les Jésuites en vendent des parcelles à des colons. Les plaintes des Haudenosaunee retentissent, et les disputes se poursuivent à ce jour. Le territoire restant de la Seigneurie de Sault Saint-Louis est aujourd’hui la réserve de Kahnawake, dirigée par les Mohawks de Kahnawà:ke et mesurant un peu plus de 49km2.
Proclamation royale de 1763
En 1763, à la fin de la guerre de Sept Ans, la France cède ses colonies nord-américaines à la Grande-Bretagne. La Proclamation royale de 1763 énonce les procédures relatives à la négociation de traités et à la vente de territoires autochtones à la Grande-Bretagne. Elle établit également les frontières de la colonie du Québec. À l’époque, le Québec est constitué d’une bande de terre longeant le fleuve Saint-Laurent, puis la rivière des Outaouais jusqu’au lac Nipissing. Les zones à l’ouest et au nord de la colonie sont déclarées des territoires indiens et réservées à l’usage exclusif des nations autochtones qui les occupent. En outre, les terres de la colonie qui ne sont alors pas encore habitées par des Européens sont assujetties aux provisions sur la négociation des traités énoncées par la Proclamation royale.
Au cours des années suivant l’an1763, la Grande-Bretagne (puis le Canada) s’appuie sur la Proclamation royale pour guider la négociation de traités et l’établissement de réserves sur les territoires qui deviennent par la suite l’Ontario et les Prairies. Le Québec, alors appelé le Bas-Canada, est exclu pour un certain nombre de raisons. Le gouvernement impérial britannique à l’époque responsable de la négociation des traités, tandis que le gouvernement colonial local est contraint à libérer des terres aux fins de colonisation et d’exploitation forestière. Dans la plupart des cas, on privilégie les intérêts des colons par rapport à ceux des peuples autochtones. Aucun traité n’est négocié avec ces derniers au fil du temps ni à mesure de l’agrandissement du Bas-Canada. À la place, leurs terres sont saisies et leurs systèmes économiques et leurs organisations sociales, interrompus.
De 1760 à 1860, plusieurs ordonnances et règlements sont adoptés en vue d’éviter toute intrusion et tout empiètement sur les réserves et les villages autochtones dans le Bas-Canada. On poursuit l’établissement de réserves, sans pour autant appliquer les règlements relatifs à l’intrusion. Au cours de cette période, certaines réserves qui existent encore aujourd’hui voient le jour, tel que celle de Listiguj.
Dispositions législatives mises en vigueur en 1850 et 1851
Dans les années 1830 et 1840, la situation s’aggrave pour les Premières Nations du Québec. La colonisation s’étend dans les frontières du Bas-Canada, que l’on appelle aussi le Canada-Est. On constate l’empiètement de certaines réserves existantes ainsi que la pression exercée sur les collectivités habitant des lieux éloignés par les ouvriers forestiers et les pêcheurs. Les collectivités autochtones du Bas-Canada commencent alors à adresser des pétitions au gouvernement. Par exemple, en 1847, les Innus de la côte nord du fleuve Saint-Laurentécrivent une lettre au gouvernement colonial, dans laquelle on peut lire l’extrait suivant:
Par la location des postes de traite et l’exploitation forestière, le gouvernement provincial perçoit des revenus de notre territoire depuis longtemps. Bien que la pratique de l’agriculture ait diminué l’ampleur de nos terrains de chasse, nous n’avons encore reçu aucune indemnité.
Et nous voilà de retour dans les bois. Bientôt, nous n’aurons plus de fleuve où lancer nos filets. Si vous ne nous offrez aucune protection, nous nous effacerons comme la poussière dans le vent.
D’autres Premières Nations cherchent des solutions semblables en adressant des pétitions au gouvernement. Ils réclament le respect de leurs droits territoriaux, la protection de leurs réserves et l’établissement de réserves destinées exclusivement à leur usage. Le gouvernement réagit à cette pression en promulguant des textes de loi en 1850 et en 1851. L’Acte pour mieux protéger les terres et les propriétés des sauvages dans le Bas-Canada, appliqué en 1850, vise la meilleure protection des réserves face aux intrusions et la défense des droits territoriaux des Premières Nations. L’Acte pour mettre à part certaines étendues de terre pour l’usage de certaines tribus de sauvages dans le Bas-Canada, appliqué en 1851, vise la rétention de nouvelles réserves dans le Bas-Canada.
Dans l’ensemble, la mise en œuvre des mesures législatives de 1850 et de 1851 est incohérente et informelle. Un maximum de 230000arpents de terres est conservé pour créer de nouvelles réserves, et l’arpentage fait l’objet de longs retards. Dans de nombreux cas, des squatteurs et des ouvriers forestiers occupent déjà les terres prétendument protégées pour les Premières Nations. Par exemple, en 1852, une partie des terres conservées pour les Mi’kmaq à Listuguj est habitée par des squatteurs. Ces derniers réussissent à obtenir la modification des frontières. D’autre part, des terres mises de côté pour établir une nouvelle réserve pour les Algonquins sont déjà administrées en vertu d’un permis de coupe de bois.
Après la Confédération
À la fondation du Canada en 1867, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique souligne l’autorité du nouveau gouvernement fédéral à l’égard des « Indiens et les terres réservées pour les Indiens ». Les provinces, pour leur part, obtiennent le contrôle des terres et ressources enfermées dans leurs frontières. Par la suite, le Québec prend des mesures de plus en plus contraignantes contre la création de nouvelles réserves, y compris de celles visées par les dispositions législatives adoptées en 1851. D’une part, la province résiste, car elle estime que les droits des peuples autochtones et leur possession de terres présentent une menace pour les affaires et les intérêts des colons. D’autre part, les peuples autochtones et leurs terres sont dans le domaine de compétence fédérale, et le Québec rejette l’idée d’une autorité fédérale accrue sur son territoire.
Toutefois, au tournant du 20e siècle, le Canada et le Québec s’entendent sur un objectif: l’assimilation des peuples autochtones. Ils conviennent également que les terres de réserve doivent être réduites, divisées, cédées et vendues. Les gouvernements provincial et fédéral collaborent alors pour obtenir la réduction et la cession d’autant de réserves autochtones au Québec que possible. Par exemple, on constate que la réserve algonquine à Timiskaming, couvrant plus de 75000arpents lors de son premier arpentage en 1854, est réduite à 38400arpents d’ici 1895. Au cours des trois années suivantes, les gouvernements obtiennent 60% de plus, soit une cession de plus de 23000arpents. À présent, 39ans plus tard, la collectivité retient seulement 5000arpents du territoire initial, après d’autres saisies totalisant 10500arpents.
En 1921, presque toutes les terres de réserve visées dans les dispositions législatives de 1851, soit 230000arpents, sont allouées à des collectivités autochtones. Toutefois, le territoire réel ne reflète pas ce chiffre, car une importante partie de ces territoires est cédée ultérieurement. En 1922, le Québec adopte la Loi concernant les terres réservées aux Sauvages, laquelle prévoit la conservation de nouvelles réserves dans la province et une nouvelle limite de 330000arpents de terres de réserve. Toutefois, la province ralentit encore la création de nouvelles réserves, en dépit des pétitions continues dans l’ensemble de son territoire. La situation s’empire pour les collectivités, car le gouvernement fédéral exige que la prestation de tout service lié au logement, aux soins de santé et à l’éducation soit effectuée à l’intérieur de réserves.
Ce n’est qu’en 1944 que la première réserve prévue dans les mesures législatives de 1922 voit le jour; il s’agit de la réserve établie pour la Première Nation des Atikamekw à Obedjiwan. Cependant, le Québec continue de s’opposer à la création des réserves en collaboration avec le gouvernement fédéral. Dans certains cas, ce dernier achète des terres de tiers afin de contourner la résistance provinciale. C’est ainsi que sont établies les réserves occupées par les Premières Nations Abitibiwinni et Kebaowek.
En 1982, le Québec adopte une politique sur la création de nouvelles réserves et l’expansion de réserves existantes. Celle-ci s’avère contraignante et autorise uniquement l’existence de réserves à titre de résidences (en d’autres mots, les réserves établies aux fins de développement économique ou de récolte traditionnelle sont interdites).
Politique
Au Québec, comme dans les autres provinces, les réserves sont dirigées par des chefs et des conseils. La taille du gouvernement et la durée de son pouvoir varient d’une Première Nation à l’autre. Certaines sont gouvernées selon la Loi sur les Indiens, laquelle prévoit un chef ainsi qu’un conseiller pour chaque centaine de membres de la Première Nation, et une élection aux deux ans.
La plupart des Premières Nations au Québec suivent des formes de gouvernances considérées comme « traditionnelles ». Cela signifie que les Premières Nations concernées peuvent davantage décider du processus de sélection de leurs dirigeants. Dans les Premières Nations opérant sous des systèmes traditionnels, les chefs et les conseillers sont élus pour des mandats prolongés. Par exemple, la Première Nation de Wolf Lake élit un chef et deux conseillers pour un cycle de quatre ans.
De même, la Loi sur les élections au sein de premières nations permet des mandats prolongés. Introduite en 2014, celle-ci ne remplace pas les systèmes de gouvernance traditionnels. Ni la Loi sur les Indiens. Elle permet plutôt aux bandes de choisir une forme modifiée du système électoral prévu par cette dernière. En 2020, les Micmacs de Gesgapegiag, une Première Nation du Québec, adoptent cette forme de gouvernance. Enfin, des Premières Nations crie et naskapie, dont les terres sont visées par la Convention de la baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois, sont dirigées par des administrations locales établies selon la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie (1984). L’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador représente la région sur le plan national.
À la fin des années 1800 et au cours des années 1900, le gouvernement fédéral s’immisce dans les affaires internes des Premières Nations, notamment en révoquant les chefs et en imposant des procédures électorales. Ces dispositions ont grandement endommagé la structure de plusieurs communautés. Dernièrement, le gouvernement fédéral se montre plus ouvert à l’égard des formes de gouvernance privilégiées par les Premières Nations. En outre, de nombreuses collectivités ont pris d’importantes mesures pour renouveler et restaurer leurs systèmes de gouvernement traditionnels, tant au niveau local qu’à l’échelle des Nations.
Arts et culture
Les Premières Nations au Québec comptent de nombreux artistes et athlètes célèbres. Florent Vollant, un membre de l’ensemble musical innu nommé Kashtin, vient de la réserve de Maliotenam, près de Sept-Îles. Il est l’un des premiers artistes à présenter la langue et la musique autochtones au public général. Alanis Obomsawin, cinéaste et auteure primée, a grandi dans la réserve d’Odanak, non loin de Pierreville. Waneek Horn-Miller, de la communauté de Kahnawake, est une athlète de renom. En 1999, elle remporte une médaille d’or aux Jeux panaméricains de Winnipeg et devient co-capitaine de la première équipe olympique féminine de water-polo au pays. Chaque année, la communauté de Kahnawake tient le pow-wow Échos d’une nation fière (voirLes Pow-wow) au mois de juillet, et les résidents de Maliotenam organisent le Festival Innu Nikamu (« l’Innu chante ») en août.