Alexander George Edwin Smith, chef cayuga, agriculteur, soldat, héros de guerre (né le 14 août 1879 dans la réserve des Six Nations de la rivière Grand; décédé le 21août 1954 à Buffalo, dans l’État de New York, aux États‑Unis), était un ancien combattant de la Première Guerre mondiale. Il a servi, avant‑guerre, comme officier dans la Milice, a été nommé lieutenant d’infanterie dans le Corps expéditionnaire canadien (CEC) et a reçu la Croix militaire pour ses actions héroïques sur le front de l’Ouest.
Alexander Smith, vers 1916.
Jeunesse
Alexander Smith «fils» est le fils aîné du chef des Cayugas, qui font partie des Six Nations, Alexander George Smith. Avant la Première Guerre mondiale, il sert dans le 37e Haldimand Rifles, une unité comprenant de nombreux soldats autochtones dans ses rangs. Membre de ce bataillon pendant environ 18 ans, il y obtient le rang de capitaine.
Première Guerre mondiale
Alexander Smith s’enrôle dans le Corps expéditionnaire canadien (CEC) le 26 octobre 1914 dans le 20e Bataillon. En dépit de son grade de capitaine dans la Milice, il intègre son bataillon avec le rang de lieutenant. Toutefois, il sera ensuite promu capitaine. Il part pour la Grande‑Bretagne le 15mai 1915 et, après une nouvelle période d’entraînement, il est envoyé en France.
Alexander Smith arrive en France le 14 septembre 1915 avec le 20e Bataillon (centre de l’Ontario), une unité de la 4e Brigade d’infanterie de la 2e Division du Canada. Il ne reste toutefois en France que jusqu’en novembre, date à laquelle il est renvoyé en Grande‑Bretagne, en raison d’une surdité causée par des obus explosifs. En juin 1916, il retourne en France, après avoir été soigné et s’être rétabli.
Bataille de la Somme
La bataille de la Somme débute le 1erjuillet 1916. Elle restera tristement célèbre comme l’une des batailles les plus sanglantes de l’histoire de l’humanité. En août, alors que l’attaque de ses forces faiblit, le général sir Douglas Haig, commandant en chef britannique, fait appel au Corps expéditionnaire canadien, alors composé de trois divisions stationnées dans la région d’Ypres, en Belgique.
Les Canadiens lancent leur première attaque le 15 septembre, les 2e et 3e divisions avançant, avec neuf divisions britanniques, contre divers objectifs allemands. Cette phase de l’attaque se termine le 22 septembre, débouchant sur des avancées considérables des soldats canadiens. Le 26 septembre, après une pause de quatre jours, les Canadiens reprennent l’offensive dans la foulée de trois jours de bombardements préliminaires.
Croix militaire
Le lendemain, le 27 septembre 1916, Alexander Smith conduit, à la tête de sa compagnie, une attaque, à l’appui du 8e Bataillon (90e Winnipeg Rifles). Il part à l’avant avec un petit groupe de bombardiers (lanceurs de grenades), s’empare d’une tranchée ennemie et fait 50 prisonniers. Il reçoit la prestigieuse Croix militaire pour ses actions ce jour‑là. Comme le note sa citation, «Il a, tout au long, fait preuve d’un courage extraordinaire» et, bien qu’il ait reçu des avalanches d’obus à deux reprises au cours de l’attaque, «il est resté à son poste».
Dans une lettre à son père, peu de temps après, Alexander Smith lui demande de dire à sa femme, Mabel, qu’il a reçu la Croix militaire pour «sa bravoure et sa vaillance sur le terrain de la plus grande bataille que le monde n’ait jamais connue». Il ajoute qu’il aurait aimé que sa mère soit toujours en vie (elle est décédée en janvier) «afin qu’elle puisse se réjouir de la pensée que face à l’épreuve, moi, son fils, j’ai prouvé ma valeur et mon courage».
À la fin de sa lettre, Alexander Smith fait également allusion à sa solitude et à sa foi dans l’avenir: «Merci de m’écrire souvent, car je me sens bien seul ici. Transmettez mon amour à tous les membres de la famille. Dans sa grande miséricorde, Dieu nous réunira tous à nouveau le moment venu.»
Service ultérieur durant la Guerre
Alexander Smith souffre d’un «choc dû à un obus», ayant causé ce que l’on appellerait aujourd’hui un trouble de stress post‑traumatique, après avoir été littéralement enterré vivant lors de l’action qui lui a valu la Military Cross. En conséquence, il retourne en Grande‑Bretagne plus tard en septembre. Il y reste jusqu’en avril 1917, avant de repartir pour le Canada.
De retour chez lui, il continue à participer à l’effort de guerre, au camp d’entraînement de Niagara‑on‑the‑Lake, où il est nommé adjudant du 1er Bataillon de dépôt jusqu’en juillet 1918. Parmi les soldats qu’il forme, on trouve quelque 23000 soldats d’origine polonaise, recrutés au Canada et aux États‑Unis pour servir dans l’armée française. Pour son travail, il est intronisé officier de l’ordre de l’Étoile noire, au nom du président de la République française, ce qui fait de lui l’un des cinq Canadiens à avoir reçu cette prestigieuse décoration coloniale française.
Vie après‑guerre
Après la guerre, Alexander Smith suit les traces de son père et devient chef des Cayugas. Malheureusement, il est handicapé par un certain nombre de problèmes physiques dus à ses blessures de guerre: difficultés d’audition, graves maux de tête et douleurs au cou occasionnelles. La Commission des pensions lui accorde une pension mensuelle de 25$ et de 24$ supplémentaires pour sa femme et ses enfants. Bien qu’il soit un héros de guerre, il est toujours légalement pupille de l’État et c’est le ministère des Affaires indiennes qui gère sa pension (voir Ministères fédéraux des Affaires autochtones et du Nord).
En 1932, Alexander Smith reçoit un diagnostic d’asthme, une maladie qui est également une conséquence directe de ses blessures de guerre. Il souffre alors d’insomnie plusieurs nuits par semaine et ne pourra plus travailler pendant plusieurs années. En 1939, il a suffisamment récupéré pour cultiver 100 acres de terre avec l’aide de ses fils et de ses neveux. Cependant, son travail d’agriculteur sera également de courte durée, son asthme le forçant à déménager à Buffalo, dans l’État de New York, aux États‑Unis, avec sa famille, en 1942. En 1945, il est soigné à Toronto pour ses nombreux problèmes médicaux. Cependant, il n’est pas en mesure de retourner travailler à sa ferme de la réserve, comme il l’avait espéré, et revient à Buffalo pour y passer les dernières années de sa vie.
Un des fils d’Alexander Smith, Harold, est un acteur bien connu. Sous le nom de Jay Silverheels, il joue dans plusieurs films au cinéma et à la télévision. Il est surtout connu pour avoir incarné le personnage de Tonto, le fidèle compagnon du Lone Ranger, dans la série western télévisée dont la diffusion durera de 1949 à 1957.
Postérité
Alexander Smith est l’un des soldats autochtones les plus décorés de la Première Guerre mondiale. Il a reçu la Military Cross pour ses actions héroïques lors de la bataille de la Somme en 1916, et a été intronisé à l’ordre français de l’Étoile noire. Après sa mort des suites d’une crise cardiaque, ses restes ont été rapatriés au Canada pour être enterrés au cimetière de l’église anglicane Saint‑Paul, dans le canton de Tuscarora de la réserve des Six Nations de la rivière Grand.
Le saviez‑vous?
Charles Denton Smith, le frère d’Alexander Smith, a également été décoré comme soldat cayuga ayant combattu au cours de la Première Guerre mondiale. Charpentier de métier, Charles est né le 2 octobre 1883 dans la réserve des Six Nations de la rivière Grand, en Ontario. Avant le déclenchement de la guerre en août 1914, Charles sert, pendant 10ans, dans le 37e Haldimand Rifles où il obtient le grade de lieutenant. Il s’enrôle, le 13 novembre 1914, dans le 20e Bataillon du Corps expéditionnaire canadien (CEC), avec le grade de lieutenant. Il démissionne de son poste en avril 1915, avant de s’enrôler à nouveau en novembre, cette fois dans le 114e Bataillon (Brock’s Rangers). Il est promu capitaine le 1eroctobre 1916 et part pour la Grande‑Bretagne à la fin de ce même mois. Le 114e Bataillon, qui doit servir de renfort, est démantelé à son arrivée en Europe. Charles sert alors dans différentes unités. Il revient au grade de lieutenant en août 1917, une mesure généralement appliquée avant une affectation sur le front de l’Ouest. Il est envoyé en France pour intégrer le 18e Bataillon (Ouest de l’Ontario), dans la même brigade et dans la même division que son frère, à la mi‑août 1917. Il reçoit la Military Cross pour ses actions héroïques dans le village belge de Frameries, le 9 novembre 1918, soit seulement deux jours avant l’armistice (voir Jour du Souvenir au Canada). Sa citation indique: «Il dirigea l’avance de son peloton avec une telle rapidité qu’il surprit un groupe de sapeurs (ingénieurs) ennemis qui s’apprêtaient à faire sauter une mine sur la route. Se précipitant, il tira sur l’homme qui était en train d’allumer la mèche. Le même soir, il s’empara, lui‑même, d’une mitrailleuse, en éliminant le groupe ennemi qui l’utilisait.» Charles revient au Canada le 7 mai 1919 et est démobilisé 10 jours plus tard. Il reçoit sa Croix militaire des mains du prince de Galles en octobre 1919, lors de la tournée royale de ce dernier au Canada. Charles Smith est décédé en juin 1960.