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Fred Loft

Frederick Ogilvie Loft (mieux connu sous le nom de Fred ou F.O. Loft), chef kanyen’kehà:ka (mohawk), activiste, ancien combattant, journaliste, auteur, bûcheron (né le 3 février 1861, sur la réserve des Six Nations de la rivière Grand au Canada‑Ouest [aujourd’hui l’Ontario]; décédé le 5 juillet 1934, à Toronto en Ontario). En décembre 1918, Fred Loft a fondé la League of Indians of Canada, la première organisation nationale autochtone au Canada (voir Organisation politique des Autochtones et activisme au Canada). Il a combattu durant la Première Guerre mondiale et est reconnu comme l’un des activistes autochtones les plus importants du début du 20e siècle. Son nom Klkanyen’kehà:ka était Onondeyoh, ce qui signifie « belle montagne ».

Lieutenant F.O. Loft, environ 1914-1918

Jeunesse

Fred Loft est le fils de George Rokwaho Loft et d’Ellen Smith (également connue sous le nom de Konwajonhondyon, qui signifie « laissée seule près du feu »). Ses parents sont des kanyen’kehà:ka (mohawk) chrétiens, membres des Six Nations de la rivière Grand en Ontario (voir aussi Haudenosaunee [Iroquois]). La mère de Fred Loft donne à ses enfants des prénoms à la fois anglais et kanyen’kehà:ka. Ellen Smith est elle‑même la petite‑fille de Oneida Joseph, qui a combattu dans le camp des Britanniques aux côtés de Joseph Brant (Thayendanegea) lors de la Révolution américaine (1775‑1783; voir La Révolution américaine et le Canada).

Les parents de Fred Loft parlent couramment l’anglais et le kanyen’kehà:ka, et ils l’encouragent à se concentrer sur ses études dès son plus jeune âge. Jusqu’à l’âge de 12 ans, il fréquente une école primaire des Premières Nations située près de Forest Home. Il est ensuite envoyé au Mohawk Institute, un pensionnat indien pour les enfants autochtones, situé à Brantford en Ontario. Fred Loft déteste cette école, et il raconte plus tard qu’il avait faim et froid en permanence : « En hiver, les chambres et les lits étaient si froids qu’il me fallait la moitié de la nuit pour me réchauffer et avoir assez chaud pour pouvoir m’endormir. » Avec le soutien de ses parents, il quitte le pensionnat indien après un an.

À 13 ans, il fréquente une école publique de Caledonia, une ville non autochtone. Il doit toutefois marcher environ 8 miles (près de 13 km) chaque jour pour s’y rendre. En raison de cela, il déménage à Caledonia l’année suivante, et il travaille pour payer son gîte et couvert. Après avoir terminé ses études primaires, il étudie à l’école secondaire de Caledonia de 1878 à 1881.

Début de carrière

Après avoir terminé ses études secondaires, Fred Loft occupe divers emplois. Il travaille pendant plusieurs années dans les forêts du nord du Michigan, où il commence comme bûcheron et évolue jusqu’au poste d’inspecteur forestier. Il retourne à Six Nations de la rivière Grand en 1884 ou 1885, et reçoit une bourse d’études pour étudier la comptabilité au Ontario Business College à Belleville en Ontario.

Étant donné qu’il ne trouve pas de travail comme comptable, il accepte un emploi de six mois comme journaliste pour le Brantford Expositor. Durant cette période en tant que journaliste, Fred Loft couvre les élections générales fédérales de février 1887 (voir Élections canadiennes). Ces élections sont importantes pour les peuples autochtones parce que tous les hommes autochtones de l’est du Canada remplissant les conditions requises en matière de propriété ont récemment obtenu le droit de voter (voir Droit de vote des peuples autochtones). Cependant, ils perdent à nouveau le droit de vote fédéral en 1898. La lutte pour le droit de vote renforce l’intérêt de Fred Loft pour les droits des Premières Nations (voir aussi Droits des Autochtones au Canada).

Après avoir quitté le Brantford Expositor, Fred Loft travaille pendant deux ans comme inspecteur forestier à Buffalo dans l’État de New York. Il déménage à Toronto autour de 1890, et il accepte un poste de comptable au bureau du trésorier du Asylum for the Insane du gouvernement libéral provincial d’Oliver Mowat. Fred Loft, lui-même un fervent libéral, demeure dans la fonction publique pendant 36 ans.

Activiste d’avant‑guerre

Pendant le temps qu’il vit à Toronto, Fred Loft se lance dans le militantisme autochtone. Entre autres propositions, il cherche à organiser un nouvel organisme des Premières Nations de l’Ontario. Il suggère que les Ojibwés et les Haudenosaunee s’unissent pour former une nouvelle organisation pan‑autochtone (une organisation vouée à rassembler les nations autochtones autour d’une cause commune). Fred Loft expose cette proposition dans une lettre au Globe de Toronto, le 7 novembre 1896. Sa principale préoccupation est d’accroître l’autonomie des peuples autochtones au Canada. Au cours des années 1890, bien qu’il continue à défendre les préoccupations autochtones, Fred Loft ne réussit pas à créer une nouvelle organisation pour les Premières Nations de l’Ontario.

Au début du 20e siècle, Fred Loft continue de promouvoir les droits des Autochtones en utilisant son expérience de journaliste. Par exemple, en 1908, il écrit sur problèmes auxquels font face les Autochtones, dans le Globe de Toronto. En 1909, il publie une série d’articles sur l’éducation des Autochtones dans le populaire magazine torontois Saturday Night. Dans le premier article, Fred Loft réclame la fermeture des pensionnats indiens, qu’il décrit comme de « véritables pièges mortels ». Il préconise plutôt la création d’externats indiens pour les enfants autochtones qui vivent sur les réserves. Il rédige également un certain nombre d’articles à la gloire des loyalistes iroquoiens comme Joseph Brant (Thayendanegea). En tant que dévoué loyaliste, Fred Loft admire les forces kanyen’kehà:ka qui se battent héroïquement pour leur propre peuple et pour la Couronne britannique.

Mariage et vie familiale

Après avoir déménagé à Toronto vers 1890, Fred Loft rencontre Affa Northcote Geare. Ils se marient en juin 1898. Originaire de Chicago, Affa Northcote Geare est une ancienne Torontoise d’ascendance britannique qui est active au sein du American Women’s Club of Toronto, de la United Empire Loyalists’ Association of Canada et de la Women’s Art Association of Canada. Le couple donne naissance à trois filles, dont une meurt en bas âge.

Carrière militaire

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate en août 1914, Fred Loft encourage fortement les autres Autochtones à s’enrôler. Compte tenu de l’histoire de soutien de sa famille envers la Grande‑Bretagne en temps de guerre ainsi que de ses propres convictions loyalistes, Fred Loft estime qu’il est de la responsabilité des Autochtones de soutenir le Canada et l’Empire britannique dans ces temps difficiles. Ses ancêtres, les Haudenosaunee, ont envoyé des guerriers se battre aux côtés des troupes britanniques lors de guerres précédentes, notamment durant la guerre de 1812.

En 1917, après trois années de service actif dans la milice à Toronto, Fred Loft est nommé lieutenant dans une unité de foresterie. Il est affecté à une unité forestière en raison de son importante expérience dans l’industrie du bois d’œuvre. À l’époque il a 56 ans, mais il ment aux recruteurs et leur dit qu’il n’est âgé que de 45 ans afin de ne pas être refusé. Fred Loft se rend en Grande‑Bretagne avec le 256e Bataillon d’infanterie (Corps expéditionnaire canadien), mais il est transféré dans le Corps forestier canadien. Il passe également un certain temps en France.

Le 7 août 1917, alors qu’il est en Europe, le Conseil des Six Nations lui décerne l’honneur exceptionnel de « chef de l’Arbre de la paix ». Cet honneur est réservé aux membres les plus respectés de la Confédération Haudenosaunee de la rivière Grand (voir aussi Six Nations de la rivière Grand). Le 21 février 1918, juste avant son retour au Canada, il rencontre le roi George V au palais de Buckingham à titre de représentant du Conseil des Six Nations.

Le saviez-vous?
En 2020, Fred Loft a été présélectionné par la Banque du Canada pour figurer sur le nouveau billet de cinq dollars.


Fondation de la League of Indians

Avant la fin de la Première Guerre mondiale, Fred Loft élabore des plans pour ce qui devient éventuellement la League of Indians, une organisation qu’il forme pour défendre les droits des Autochtones au Canada. Comme il l’a fait avant la guerre, il promeut l’amélioration de l’éducation pour les peuples autochtones, en particulier la création de plus d’externats et d’écoles secondaires sur les réserves.

Après la fin de la guerre en 1918, Fred Loft prend conscience d’une autre raison pour créer une organisation pan‑autochtone, à savoir le traitement médiocre des anciens combattants autochtones et l’inégalité des traitements comparativement aux anciens combattants non autochtones. Les Autochtones sont traités de manière injuste par les Affaires indiennes; par exemple, lorsqu’ils reviennent au Canada, ils reçoivent moins d’avantages sociaux ou des pensions moins élevées (ou ils se voient refuser toute pension) pour leur service militaire. Fred Loft espère que si les personnes et les groupes autochtones s’unissent, ils pourront protéger leurs droits et les faire valoir auprès du gouvernement canadien.

En décembre 1918, Fred Loft fonde la League of Indians of Canada à la Maison du Conseil de la réserve des Six Nations à Ohsweken. Il s’inspire de la Confédération Haudenosaunee, dont la création remonte possiblement à l’année 1142 de notre ère. La nouvelle organisation devient la première organisation politique pan‑autochtone au Canada. De 1919 à 1922, elle tient des réunions annuelles dans diverses régions du pays (voir aussi Organisation politique des Autochtones et activisme au Canada).

Bien qu’il reçoive un certain soutien de la part de dirigeants autochtones et d’autres activistes, Fred Loft se rend compte qu’il est pratiquement seul à maintenir la League of Indians. Il utilise ses propres ressources et l’argent de son emploi dans la fonction publique pour contribuer à gérer l’organisation, et il agit à titre de président et de secrétaire-trésorier.

Les Affaires indiennes refusent systématiquement ses demandes de s’adresser directement au Parlement canadien (voir Ministères fédéraux des Affaires autochtones et du Nord). Fred Loft est considéré comme un subversif (un radical dangereux) par Duncan Campbell Scott, le surintendant adjoint du ministère des Affaires indiennes de 1913 à 1932. Duncan Campbell Scott, le plus haut fonctionnaire chargé des affaires autochtones, sape constamment le leadership de Fred Loft et de la League of Indians. Conséquemment, la League of Indians cesse d’exister au début des années 1930, en grande partie en raison d’un manque de ressources et de l’opposition délibérée des Affaires indiennes.

Décès et legs

Fred Loft meurt à Toronto en 1934, après une période au cours de laquelle sa santé décline progressivement. Son travail de défense des intérêts des Autochtones, avant et après la Première Guerre mondiale, fait de lui l’un des activistes autochtones les plus importants du début du 20e siècle. Bien que la League of Indians n’ait existé que pour une courte période, elle est aujourd’hui considérée comme un précurseur d’autres organisations politiques autochtones nationales, comme la Fraternité nationale des Indiens créée en 1968, et l’organisation qui lui succède, l’Assemblée des Premières Nations, créée en 1982.

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Liens externes

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