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Loi visant à restreindre l'esclavage dans le Haut-Canada, 1793

La Loi visant à restreindre l’esclavage dans le Haut-Canada de 1793 a été la première loi à restreindre la traite des Noirs dans les colonies britanniques. La Loi reconnaissait l’esclavage comme une institution légale et socialement acceptable. Elle interdisait aussi l’importation de nouvelles personnes réduites en esclavage au Haut-Canada et témoignait de la montée de la pensée abolitionniste en Amérique du Nord britannique.

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Act to Limit Slavery

Élément déclencheur


Le 14 mars 1793, le sergent Adam Vrooman, un loyaliste de l’Empire-Uni, ligote violemment Chloe Cooley, une femme noire qu’il a réduite en esclavage, à l’aide d’une corde. (Voir aussi Loyalistes au Canada.) Deux hommes l’aident : son frère Isaac et un des cinq fils de McGregory Van Every, un loyaliste de l’Empire-Uni. Ensemble, ils embarquent Chloe Cooley dans un bateau et lui font traverser la rivière Niagara pour la vendre dans l’État de New York. Elle résiste farouchement, mais sans succès.

Les cris perçants de Chloe Cooley permettent à Peter Martin, un loyaliste noir autrefois réduit en esclavage par John Butler, de comprendre ce qui se passe.

Peter Martin, un ancien combattant du régiment des Butler’s Rangers, est accompagné d’un témoin, William Grisley, lorsqu’il rend compte de l’incident au lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe et au Conseil exécutif du Haut-Canada à Newark (de nos jours Niagara-on-the-Lake, en Ontario). William Grisley, un résident blanc de Mississauga Point, située à proximité, offre un témoignage détaillé des événements. En effet, cet employé du sergent Adam Vrooman se trouvait à bord du bateau transportant Chloe Cooley, mais il n’a pas aidé ceux qui l’ont ligotée.

Le lieutenant-gouverneur Simcoe se sert de l’incident relatif à Chloe Cooley pour présenter une loi visant à abolir l’esclavage au Haut-Canada.

Esclavage au Haut-Canada

Des abolitionnistes britanniques, dont William Wilberforce, James Ramsay, Granville Sharp et Thomas Clarkson, s’opposent à la traite transatlantique des esclaves depuis les années 1770. (Voir aussi Esclavage des Noirs au Canada.) Le lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe est influencé par ce mouvement abolitionniste en plein essor avant son arrivée au Haut-Canada en 1791. À cette époque, les abolitionnistes d’origine africaine jouent aussi un rôle clé dans la lutte. Olaudah Equiano (également connu sous le nom de Gustavus Vassa), autrefois réduit en esclavage en Angleterre, publie son autobiographie en 1789, puis parcourt le Royaume-Uni pour dénoncer la barbarie de l’esclavage. Ces opinions abolitionnistes se propagent jusqu’au Haut-Canada, où John Graves Simcoe et le procureur général John White sont à la tête du mouvement pour l’abolition.

Lieutenant-Governor John Graves Simcoe

Il faut dire que le droit anglais ne reconnaît aucun statut aux personnes réduites en esclavage. Alors que le droit civil français, en vertu du Code noir, offre une protection limitée à ces personnes, le droit britannique traite Chloe Cooley et les autres personnes réduites en esclavage comme des biens. Cela signifie qu’elles n’ont aucun droit en tant que personnes et peuvent légalement être vendues comme des objets. Le jugement rendu en 1772 dans l’affaire Somerset c. Stewart, qui rend l’esclavage illégal en Angleterre, ne s’applique pas aux colonies britanniques. Ainsi, des personnes noires réduites en esclavage sont achetées et vendues aux côtés de meubles et d’animaux d’élevage. Elles sont également léguées par testament ou offertes en cadeau. Le lieutenant-gouverneur du Haut-Canada est légalement impuissant face au « droit de propriété » des esclavagistes.

Après la Révolution américaine, l’asservissement gagne grandement en popularité au Haut-Canada. Il est légalement et socialement acceptable. Pour encourager la colonisation, la Grande-Bretagne offre une protection légale de la pratique. Ainsi, le 47e article de la capitulation de 1760 permet aux habitants français de conserver les personnes qu’ils ont réduites en esclavage sous le régime britannique (voir Capitulation de Montréal, 1760). La Loi impériale de 1790 encourage les colons à emporter avec eux les personnes noires qu’ils ont réduites en esclavage, et ce, sans taxe. Par conséquent, les loyalistes en emportent environ 2 000 avec eux au Canada. De ce nombre, entre 500 et 700 se retrouvent au Haut-Canada. La loi repose sur des contrats, soit des opérations d’achat, de vente ou de location de personnes réduites en esclavage, pour maintenir et faire respecter l’asservissement. Ces contrats, tout comme les modalités des testaments léguant des personnes réduites en esclavage, sont juridiquement contraignants.

Le 19 juin 1793, suivant l’incident relatif à Chloe Cooley, le procureur général, John White, présente un projet de loi abolitionniste devant la Chambre d’assemblée. Il dit avoir reçu « beaucoup d’opposition, mais peu d’arguments » de la part des esclavagistes du gouvernement. Entre 1792 et 1816, plusieurs fonctionnaires et politiciens coloniaux réduisent des personnes noires en esclavage dans la province. Le secrétaire provincial, William Jarvis, réduit six personnes en esclavage. Entre le premier parlement du Haut-Canada et le sixième, trois membres du Conseil exécutif, dix membres du Conseil législatif et vingt membres de l’Assemblée législative auront été esclavagistes. Trois politiciens ont également un père ou un grand-père qui l’était au Haut-Canada. Après le processus législatif, le gouvernement trouve un compromis et adopte une loi visant à prévenir à l’avenir l’entrée d’esclaves et à limiter la durée du contrat de servitude (également connue comme la Loi visant à restreindre l’esclavage dans le Haut-Canada). Celle-ci reçoit la sanction royale de John Graves Simcoe le 9 juillet 1793. Ce dernier espère ainsi que les personnes réduites en esclavage « peuvent désormais se réjouir de l’émancipation certaine de leur progéniture ».

Mise en œuvre de la loi

La Loi adoptée ne libère immédiatement personne (voir Esclavage des Noirs au Canada). En effet, elle interdit l’importation de personnes réduites en esclavage au Haut-Canada, mais n’empêche pas leur vente à l’intérieur de la province ou aux États-Unis. Les journaux de la province continuent de publier des publicités d’offre et de demande de personnes réduites en esclavage. Une des dernières ventes enregistrées au Haut-Canada est celle de Tom, 15 ans, qu’Eli Keeler de Colborne cède à William Bell de Thurlow (désormais Belleville, Ontario) en mars 1824. De nombreux esclavagistes du Haut-Canada continuent de vendre des personnes réduites en esclavage dans l’État de New York jusqu’en 1799, soit jusqu’à ce qu’une loi similaire sur l’abolition progressive de l’esclavage y soit adoptée.

La Loi précise que les personnes réduites en esclavage se trouvant dans la province au moment de son adoption demeurent la propriété de leur esclavagiste à vie, à moins d’être émancipées (libérées). Elle indique aussi que les enfants nés de femmes réduites en esclavage après 1793 seront libres à 25 ans, et que la génération suivante sera libre à la naissance. La Loi exige des esclavagistes qu’ils nourrissent les jeunes enfants qu’ils réduisent en esclavage et leur fournissent des vêtements. De plus, ils doivent s’assurer que les personnes récemment libérées soient en sécurité en étant prises en charge par une église ou un bedeau local pour ne pas dépendre du gouvernement. Cette mesure encourage les esclavagistes à engager leurs anciens esclaves comme serviteurs sous contrat. Le contrat de ces serviteurs est d’une durée maximale de neuf ans et peut être renouvelé. Vu sa structure, la Loi vise l’abolition de l’esclavage en une génération.

Effets

Ce changement législatif est précipité par le cri de Chloe Cooley. Il s’agit de la seule et unique Loi à limiter l’esclavage dans l’Empire britannique jusqu’en 1833. Le 1er août 1834, le Décret pour l’abolition de l’esclavage dans les colonies britanniques pour le développement du travail des esclaves émancipés et pour indemniser les personnes ayant droit aux services de ces esclaves (connu plus tard sous le nom de Loi sur l’abolition de l’esclavage) abolit l’esclavage dans l’ensemble des territoires sous contrôle britannique, dont le Canada. Cette liberté est célébrée le 1er août, qui sera plus appelé le Jour de l’émancipation.

La Loi visant à restreindre l’esclavage témoigne également d’un changement croissant des mentalités à l’égard de l’esclavagisme en Amérique du Nord britannique et contribue aux balbutiements du mouvement antiesclavagiste au Haut-Canada. Toutefois, elle ajoute à la complexité du statut social des personnes noires dans la province. Des centaines de personnes noires réduites en esclavage, suivant la conception de l’esclave-chose, sont estimées être des biens personnels et n’ont aucun droit ou liberté. Certaines personnes noires libres (moins de 50), principalement des loyalistes noirs, sont des hommes qui ont servi dans l’armée britannique lors de la Révolution américaine et ont été libérés pour leur service. Ils ont légalement des droits en tant que sujets britanniques, mais ces droits et libertés sont limités par des barrières raciales. De plus, grâce à la Loi, le Haut-Canada compte rapidement des sujets noirs nés libres. Au même moment, de petits afflux de réfugiés fuyant l’esclavage aux États-Unis commencent à entrer dans la province. En somme, des personnes de descendance africaine aux statuts contradictoires coexistent, parfois au sein d’une même famille.

La Loi visant à restreindre l’esclavage et la Loi sur l’abolition de l’esclavage mettent la table pour la prolongation du chemin de fer clandestin au nord, jusqu’au Canada. Comme les personnes réduites en esclavage en quête de liberté deviennent libres à leur arrivée au Haut-Canada, de nombreux Afro-Américains réduits en esclavage font le difficile voyage vers le nord. Les statistiques exactes en la matière ne sont pas connues, mais on croit que 30 000 réfugiés pourraient avoir fui l’esclavage aux États-Unis pour trouver la liberté au Canada par le chemin de fer clandestin ou par leurs propres moyens. La popularité du chemin de fer atteint son apogée entre 1840 et 1860, particulièrement après l’adoption de la Loi des esclaves fugitifs, adoptée par les États-Unis le 10 septembre 1850.

Termes clés

Abolitionniste - une personne qui souhaite rendre l’esclavage illégal. (Voir aussi Esclavage des Noirs au Canada.)

Conception de l’esclave-chose - suivant la conception de l’esclave-chose, une personne noire est traitée comme un bien personnel qui peut être acheté, vendu ou légué. (Voir aussi Esclavage des Noirs au Canada.)

Serviteur sous contrat - une personne qui est embauchée pour travailler afin de rembourser une dette.