Félix (ou Felice) Callihoo, dirigeant politique des Métis, militant et éleveur (né le 28 avril 1885 à St. Albert, en Alberta; décédé le 27 janvier 1950 à St. Paul, en Alberta). Felix Callihoo était originaire de St.Paul‑des‑Métis, en Alberta. Il a été élu à l’un des postes nouvellement créés de vice‑président de l’Association des Métis de l’Alberta (AMA), lors de la constitution officielle de sa direction, le 28 décembre 1932.
Famille et ascendance
Felix Callihoo est l’un des douze enfants (l’un étant mort à la naissance) du chef Michel Callihoo (1824‑1911) et de Philomene Collin (1848‑1932). Michel Callihoo est le fils du chef Louis Kwarakwante, né en 1782 dans le village iroquois de Caughnawaga, dans les environs de Montréal; parti s’installer près de Jasper, en Alberta, vers 1801, il décède en 1846. Marie Patenaude (1803‑1854), fille métisse de Michel Patenaude et de Françoise Crise, est la deuxième épouse de Louis et la mère du chef Callihoo. Marie Savard (1828‑1869) est la première épouse de Michel Callihoo, marié ensuite avec Philomene Collin en deuxième noce.
Le 23 septembre 1878, le chef Michel Callihoo signe le Traité6 au nom de sa bande d’Iroquois, de Métis, et de proches d’origine crie. La bande obtient une réserve de 40 milles carrés (103,6 kilomètres carrés) au nord‑ouest d’Edmonton, sur la rivière Sturgeon. La réserve « Michel I.R. 132 » est confirmée par le décret C.P.1151 du 17 mai 1889. Au cours de la décennie suivante, elle devient une collectivité agricole prospère. Cependant, la bande de Michel subit des pressions pour céder une partie de ses terres en échange des fournitures agricoles promises dans le cadre du Traité 6. Il est possible que la perte de ces terres et les efforts déployés par son père au nom des droits fonciers de sa bande aient inspiré le militantisme politique de Felix Callihoo.
Association des Métis de l’Alberta
En 1928, sous la direction de Charles Delorme, les Métis de la région de Cold Lake commencent à s’organiser en réponse à la décision du gouvernement fédéral de transférer le contrôle des ressources naturelles à la Province. Deux ans plus tard, le 24 mai 1930, un groupe de Métis se réunit à l’église catholique de la réserve indienne de Frog Lake. Environ 30 personnes assistent à cette réunion, notamment Joseph Dion, un organisateur politique et enseignant autochtone émancipé, par ailleurs fervent catholique. D’origine crie par sa mère et métisse par son père, Joseph Dion va devenir l’un des dirigeants les plus influents du mouvement politique métis des années 1930. Au cours de l’été 1931, les Métis de l’Alberta s’organisent autour de l’idée d’une concession de terres de la part du gouvernement provincial comme solution possible aux problèmes socioéconomiques des collectivités métisses. Dans le cadre de ce projet, ils élisent six conseillers représentant les intérêts des Métis à l’échelon provincial et font circuler une pétition.
En 1932, Joseph Dion écrit aux conseillers métis de toute la province pour leur demander d’assister à une réunion prévue pour le 28 décembre 1932. L’ordre du jour de cette réunion comprend notamment les points suivants: 1) objet et objectifs de l’Association des métis de l’Alberta; 2) décision sur le ou les emplacements les plus appropriés pour les réserves ou les colonies de peuplement; 3) l’éducation des enfants métis. Le 28 décembre, 33 conseillers se réunissent dans le sous‑sol de l’église catholique de St. Albert et constituent officiellement l’Association des Métis de l’Alberta et des Territoires du Nord‑Ouest (également connue sous le nom d’Association des Métis de l’Alberta ou AMA).
Lors cette réunion de décembre 1932, Felix Callihoo prononce un long discours passionnant, imputant à des politiques gouvernementales défaillantes la situation socioéconomique à laquelle les Métis sont confrontés. Il s’inscrit à l’encontre de la croyance bien établie, fondée sur un « modèle pathologique », voulant que les Métis soient responsables de leurs propres souffrances. Comme l’a fait remarquer Nicole C. O’Byrne dans un article de 2013 sur l’AMA, dans son intervention, Felix Callihoo en appelle au gouvernement de l’Alberta pour remédier à des injustices historiques en lui demandant d’élaborer des politiques relatives aux terres, à la santé, à l’éducation et aux ressources naturelles visant les Métis.
Lors de cette même réunion, Joseph Dion prononce également un discours. Toutefois, la vision qu’ont les deux hommes de l’AMA s’avère différente. Celle de Joseph Dion, plus paternaliste, repose sur un « modèle pathologique » comparant la situation des Métis à une maladie qui nécessiterait des « soins » prodigués par l’État. Malgré ces différences idéologiques au sein de l’AMA, tous ses dirigeants ont comme principal objectif d’obtenir une base territoriale pour les Métis de l’Alberta.
Lors de la réunion de décembre 1932, l’AMA est officiellement constituée en tant qu’organisation autonome dotée d’un organe de direction supervisant les31sections locales de l’Alberta. Joseph Dion en est élu premier président. Malcolm Norris est élu premier vice‑président de l’AMA, Felix Callihoo deuxième vice‑président et Henry Cunningham troisième vice‑président, avant d’être remplacé par Peter Tomkins en 1934. Il semble que le frère de Felix Callihoo, Johnny (né en 1883), ait épousé Sophie Cunningham (1882‑1942), probablement une parente de Henry. Jim Brady est nommé secrétaire‑trésorier de l’association. Les différences idéologiques, mises en évidence par les discours prononcés en 1932 par Felix Callihoo et par Joseph Dion, finissent cependant par être à l’origine d’un certain nombre de problèmes au sein de l’organisation. Bien qu’en 1932 Felix Callihoo incarne clairement une ligne politique majeure au sein de l’AMA, son influence décroît au cours des années suivantes.
Le premier conseil exécutif de l’Association des Métis d’Alberta. En arrière de gauche à droite: Peter Tomkins (vice-président), Felix Callihoo (vice-président); En avant de gauche à droite: Malcom Norris (vice-président), Joseph Dion (président), James Brady (secrétaire-trésorier). PermissionGlenbow Archives PA-2218-109.
Commission Ewing
En 1934, en réponse aux pressions de l’Association des Métis de l’Alberta (AMA), le gouvernement provincial met en place la Commission Ewing, du nom du juge Albert F. Ewing qui en est le président. Son mandat consiste à analyser les enjeux propres aux Métis sur les plans de la santé, de l’éducation, du sans‑abrisme et de la propriété foncière, et à faire des recommandations en la matière. Joseph Dion, Malcolm Norris et Adrian Hope représentent régulièrement l’AMA aux audiences de la Commission. On n’a pas de traces d’une éventuelle participation de Felix Callihoo, mais il semble bien que son influence au sein de l’AMA ait diminué durant cette période. Néanmoins, avec Joseph Dion, Malcolm Norris, Jim Brady et Peter Tomkins, il fait partie d’un groupe de dirigeants de l’AMA surnommé le « Big five ». Bien que sa vie soit moins bien documentée que celle d’autres membres de l’AMA, on peut, sans grand risque de se tromper, supposer qu’il a été confronté, tout au long de son existence, au racisme auquel les Métis devaient faire face. Au moins une source mentionne un « Big four », qui aurait été composé de Joseph Dion, Malcolm Norris, Jim Brady et Peter Tomkins, plutôt qu’un « Big five ». On pourrait en déduire qu’à l’issue de l’enquête de la Commission Ewing, Felix Callihoo a quitté l’AMA ou y a joué un rôle moins important.
Après une enquête de deux ans, la Commission Ewing recommande que le gouvernement provincial fournisse aux Métis de l’Alberta une assise territoriale garantie et des services adéquats. On décrit également cette mesure comme la première initiative de création d’établissements métis. Nicole C. O’Byrne explique, dans son article de 2013, qu’il s’agit là de la première et unique fois qu’un gouvernement provincial accorde des terres sur la base de revendications formulées par les Métis. Elle soutient que l’AMA a manœuvré pour obtenir des droits territoriaux parce qu’elle était motivée par le souhait de corriger des injustices historiques subies par les Métis, tandis que le gouvernement provincial considérait ces établissements simplement comme un moyen rapide de soulager les collectivités métisses sur le plan socioéconomique.
En 1938, les travaux de la Commission Ewing débouchent sur la Metis Population Betterment Act (Loi pour l’amélioration de la situation de la population métisse). Ce texte prévoit la création des 12 « colonies de peuplement » métisses originales de la province (également connues sous le nom d’établissements métis). Depuis cette date, quatre de ces établissements ont été dissous. Il est toutefois important de rappeler que la Commission Ewing ne considérait pas les Métis comme des partenaires de plein droit, ni même comme des sujets adultes souverains. On trouve, par exemple, dans une correspondance entre le secrétaire de la Commission, T.C. Rankine, et le sous‑ministre des Terres et des Mines, J.M. Harvie, la phrase suivante: « Il est tout à fait exact de dire que ces gens sont comme des enfants, impuissants et irresponsables. » En outre, les Métis n’étaient pas en mesure de tirer directement profit des ressources naturelles telles que le poisson, la fourrure et le bois, considérées comme des biens du gouvernement canadien. C’est notamment pour ce type de raison que l’AMA, et, aujourd’hui, la Métis Nation of Alberta, ont continué et continuent de se battre pour les droits, la souveraineté et l’égalité des Métis.
Archives
Dans son ouvrage de 2008 The Alberta Métis Letters: 1930–1940 Policy Review and Annotations, Denis Wall précise que Felix Callihoo a été élu à la direction de l’Association des Métis de l’Alberta et des Territoires du Nord‑Ouest en 1932. Selon les recherches de Wall, deux lettres, rédigées par le dirigeant métis entre 1930 et 1940, sont conservées aux archives du musée Glenbow à Calgary, qui détient également un ensemble de lettres rédigées dans les années 1940. Selon ces archives, il semblerait que Jim Brady ait été fréquemment, voire quotidiennement, en contact avec Felix Callihoo à la fin de 1933.
Importance
Felix Callihoo était un dirigeant métis important, en particulier dans les années 1930. Il a joué, entre 1928 et 1932, un rôle majeur dans la création de l’Association des Métis de l’Alberta (AMA). Il a également exercé une grande influence sur les affaires des Métis au cours de la Grande Dépression, en se battant pour que son peuple obtienne une assise territoriale plus sûre et de meilleures conditions socioéconomiques dans une période de difficultés économiques.