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Harry Crerar

Henry (« Harry ») Duncan Graham Crerar, C.P., CH, CB, DSO, CD, officier d’artillerie, général (né le 28 avril 1888 à Hamilton en Ontario; décédé le 1er avril 1965 à Ottawa en Ontario). Nommé officier en 1910, Harry Crerar était un officier de carrière qui a servi pendant les deux guerres mondiales. Durant la Deuxième Guerre mondiale, il a gravi les échelons en occupant une série de postes de commandement et d’état-major avant de diriger la Première Armée canadienne, la plus grande formation jamais déployée par le Canada. Harry Crerar est largement considéré comme un excellent officier d’état-major, mais comme un commandant de campagne plutôt moyen.

Henry Duncan Graham Crerar, officier de l'armée

Jeunesse et éducation

Harry Crerar naît dans une famille de la classe moyenne supérieure. Son père est Peter Duncan Crerar et sa mère est Marion Elizabeth Stinson. Il entre au Upper Canada College de Toronto en 1899 et il obtient son diplôme en 1904. Deux ans plus tard, il entre au Collège militaire royal du Canada (CMR) à Kingston en Ontario.

Après avoir obtenu son diplôme, Harry Crerar travaille à la Canadian Tungsten Lamp Company de Hamilton et il se joint au 4th (Hamilton) Field Battery en tant que lieutenant. Il participe à des entrainements locaux et à des camps d’été à Petawawa. Harry Crerar est promu capitaine en 1911, et il déménage à Toronto en 1912, où il occupe un poste de direction chez Ontario Hydro.

Première Guerre mondiale

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate en août 1914, Harry Crerar et plusieurs membres de sa batterie se portent immédiatement volontaires pour le Corps expéditionnaire canadien (CEC) qui est concentré dans un nouveau camp à Valcartier près de la ville de Québec. Le CEC s’embarque pour la Grande-Bretagne au début d’octobre.

En février 1915, Harry Crerar et sa batterie sont déployés en Belgique avec la division canadienne. En avril, la deuxième bataille d’Ypres, qui fait plus de 6000 victimes canadiennes, est son baptême du feu. Durant cette bataille, Harry Crerar est gazé; cette expérience, combinée au carnage généralisé et à la perte de nombreux de ses amis, le marque à jamais. Elle lui induit une haine tenace envers l’Allemagne, à un point tel qu’il refuse de ne croiser aucun des commandants allemands à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les obligeant plutôt à se rendre à ses subordonnés.

En août 1915, Harry Crerar est affecté à l’état-major divisionnaire pendant un mois. À la fin de sa mission, il retourne à sa batterie comme major et commandant. Il demeure dans cette batterie jusqu’à la bataille de la crête de Vimy en avril 1917, où il est nommé lieutenant-colonel intérimaire et commandant temporaire de la 3e Brigade de l’artillerie de campagne canadienne.

Après un cours de sept semaines au British Army Staff College en juillet 1917, Harry Crerar est nommé major de brigade de la 5e Division d’artillerie canadienne qui est nouvellement créée. Il retourne au front en septembre. Harry Crerar est muté au quartier général du Corps canadien en juin 1918 et il y devient rapidement l’officier d’état-major clé de l’artillerie.

Les états de services d’Harry Crerar au quartier général du Corps lui valent de nombreux éloges et une promotion au grade de lieutenant-colonel. Le 10 novembre, juste avant la fin de la guerre, il remplace le lieutenant-colonel Andrew McNaughton au poste d’officier de contre-batterie du Corps. Une étroite relation s’établit entre les deux hommes, et Andrew McNaughton devient le mentor d’Harry Crerar.

Années d’entre-guerres

Après la guerre, Harry Crerar s’engage dans la Force permanente et, en mars 1920, il est nommé officier d’état-major d’artillerie à Ottawa. À la fin de 1922, il est l’un de deux Canadiens sélectionnés pour suivre le cours de deux ans du British Army Staff College (l’autre Canadien est le futur gouverneur général Georges-Philéas Vanier). Harry Crerar est accompagné de sa famille.

Après l’obtention de son diplôme en 1924, Harry Crerar accepte un poste au War Office britannique, dans la section des opérations militaires. Il retourne au Canada dans l’espoir d’obtenir un poste à l’état-major général à Ottawa, mais il n’y a aucun poste libre. On lui confie plutôt le commandement de la batterie B de la Royal Canadian Horse Artillery à Kingston. Peu après, il est nommé professeur de tactique au Collège militaire royal, à partir de janvier 1928.

Harry Crerar considère cette nomination comme une rétrogradation. Il écrit plusieurs lettres pour protester contre ce qu’il considère comme étant un affront à ses compétences, mais on lui assure que ce n’est pas le cas. Satisfait, il s’installe dans sa vie de chargé de cours. Au début de 1929, Andrew McNaughton devient chef d’état-major général et il nomme Harry Crerar officier supérieur d’état-major à la direction des opérations militaires et du renseignement.

En 1934, Harry Crerar retourne en Grande-Bretagne pour suivre un cours d’un an au prestigieux Imperial Defence College de Londres. De retour au Canada au début de 1935, il devient directeur des opérations militaires et du renseignement, un poste clé qu’il occupe jusqu’en 1938. À ce poste, Harry Crerar est chargé d’élaborer des plans d’expansion de l’armée en prévision de la guerre à venir.

En août 1938, Harry Crerar est nommé commandant du Collège militaire royal du Canada, ce qui lui vaut d’être promu brigadier temporaire après avoir passé deux décennies en tant que lieutenant-colonel. Il passe plusieurs jours par semaine à Ottawa, où il continue de travailler aux préparatifs de défense en vue de la guerre.

Les Vanier à Paris, 1940

Deuxième Guerre mondiale

En septembre 1939, Harry Crerar est affecté au Quartier général militaire de l’Armée canadienne à Londres. En juillet 1940, il retourne à Ottawa en tant que vice-chef d’état-major général, le mois même où le chef d’état-major en exercice prend sa retraite, ce qui propulse Harry Crerar au plus haut poste. Il supervise l’expansion initiale de l’armée pour en faire un corps d’armée et il jette les bases de sa croissance future. Il prolonge également la durée de l’entrainement des recrues de 30 jours à quatre mois.

L’une des décisions controversées d’Harry Crerar est son soutien à l’envoi de deux bataillons d’infanterie à la garnison britannique de Hong Kong. En août 1941, le commandant sortant de la garnison britannique à Hong Kong, le major général Arthur Grasett, retourne en Grande-Bretagne en passant par le Canada. Né au Canada, Arthur Grasett fait escale à Ottawa pour rendre visite à Harry Crerar, qui est en fait un vieil ami de l’époque où ils étudiaient ensemble au Collège militaire royal. Arthur Grasett a une piètre opinion des capacités de combat japonaises et il dit à Harry Crerar que l’ajout de deux bataillons aux quatre déjà présents à Hong Kong rendrait la garnison suffisamment forte pour résister à une attaque japonaise.

En Grande-Bretagne, Arthur Grasett suggère aux autorités militaires que le Canada fournisse des troupes à Hong Kong. Une demande officielle est adressée au Canada en septembre, avec l’accord d’Harry Crerar. Tous les 1975 Canadiens qui sont envoyés sont tués ou capturés lors de l’attaque japonaise de décembre 1941, le mois même où Harry Crerar retourne en Grande-Bretagne. Cependant, ce dernier est exonéré par la Commission royale qui est chargée d’enquêter sur cette catastrophe.

En Grande-Bretagne, Harry Crerar est promu lieutenant-général et nommé commandant intérimaire du 1er Corps canadien le 23 décembre. Sa nomination est confirmée en avril, tandis qu’Andrew McNaughton, son prédécesseur au poste de commandant du Corps, met sur pied la Première Armée canadienne.

Expériences opérationnelles et raid de Dieppe

En tant que commandant, Harry Crerar instaure des changements pour améliorer le Corps. Il rend l’entrainement plus réaliste, il remplace les officiers inefficaces et il cherche des possibilités pour acquérir une expérience opérationnelle pour ses soldats et pour lui-même.

Harry Crerar souhaite que ses hommes acquièrent de l’expérience de combat, car plusieurs d’entre eux sont en Grande-Bretagne depuis près de trois ans sans avoir participé à des combats. Il voit également les occasions de combattre comme un moyen de maintenir le moral de ses soldats, de s’assurer que les Canadiens restés au pays soient tenus informés sur leur armée outre-mer, et de répondre au désir du pays de voir les troupes canadiennes participer à l’action.

Les initiatives d’Harry Crerar mènent à une nouvelle débâcle pour l’armée canadienne lorsqu’il soutient le désastreux raid de Dieppe, le 19 août 1942. L’opération menée par la 2e Division d’infanterie canadienne, en collaboration avec des commandos britanniques, fait plus de 3350 Canadiens morts, blessés ou capturés. Encore une fois, Harry Crerar réussit à échapper à toute responsabilité.

Campagne italienne

Harry Crerar estime que les soldats canadiens ont besoin d’acquérir de l’expérience sur un théâtre de guerre actif. Cette opinion est en opposition totale avec celle de son mentor et supérieur de longue date, Andrew McNaughton, qui souhaite que les troupes canadiennes combattent à l’unisson. Harry Crerar s’engage alors dans une campagne visant à faire destituer Andrew McNaughton.

Andrew McNaughton accepte d’envoyer la 1re Division d’infanterie et la 1re Brigade blindée canadiennes en Méditerranée pour l’invasion alliée de la Sicile en juillet 1943, mais seulement après avoir reçu l’assurance qu’elles seront de retour pour l’invasion principale de l’Europe. Lorsque la décision est prise d’envoyer le quartier général du 1er Corps canadien et la 5e Division blindée canadienne en Italie, Andrew McNaughton démissionne. (Voir Le Canada et la campagne d’Italie.)

Andrew McNaughton n’est pas le seul à refuser d’envoyer des troupes supplémentaires sur le théâtre méditerranéen. Ni les Américains ni les Britanniques ne veulent d’un autre quartier général de corps d’armée et ils préfèrent une division d’infanterie à une division blindée sur le terrain montagneux de l’Italie continentale. Harry Crerar arrive en Italie le 29 octobre 1943, mais il faut attendre jusqu’au 1er février 1944 pour que le 1er Corps d’armée devienne pleinement opérationnel. Il quitte l’Italie le 4 mars, sans jamais avoir mené le corps d’armée au combat.

Montgomery et Crerar

Campagne de Normandie et relation avec Bernard Montgomery

De retour en Grande-Bretagne, Harry Crerar prend le commandement de la Première Armée canadienne le 20 mars afin de la préparer pour le débarquement en Normandie. Son supérieur est le général Bernard Montgomery, commandant du 21e Groupe d’armées. L’insistance d’Harry Crerar pour une autonomie canadienne crée des difficultés avec Bernard Montgomery, qui est déjà préoccupé par le manque d’expérience d’Harry Crerar en matière de commandement.

De plus, les tentatives de Bernard Montgomery de traiter les formations canadiennes de la même manière que les formations britanniques et de les utiliser séparément de la Première Armée canadienne sont rejetées par Harry Crerar. Les relations entre les deux hommes se détériorent. Tout au long du printemps de 1944, Bernard Montgomery tente de faire remplacer Harry Crerar; il préfère depuis longtemps le commandant du 2e Corps canadien, le lieutenant-général Guy Simonds.

Le jour J est un succès retentissant, mais la longue campagne pour percer les têtes de pont se déroule beaucoup plus lentement que ne le souhaite Bernard Montgomery. Le 23 juillet, la Première Armée canadienne devient opérationnelle en Normandie, mais Harry Crerar joue un rôle limité étant donné que Bernard Montgomery ne traite directement qu’avec Guy Simonds et les autres commandants de formations subordonnés.

Le 1er septembre, Bernard Montgomery est promu maréchal et il continue de critiquer Harry Crerar et son quartier général durant la poursuite des Alliés à travers le nord de la France et en Belgique. Cependant, une grande partie des problèmes est causée par Bernard Montgomery, qui confie la capture des principaux ports de la Manche à Harry Crerar tout en insistant pour que la Première Armée canadienne maintienne une avance constante avec le reste des Alliés. C’est trop demander aux Canadiens, qui souffrent déjà d’un manque de renforts d’infanterie.

La situation atteint son paroxysme en Belgique. Bernard Montgomery se concentre sur l’Opération Market Garden, une offensive limitée visant à s’emparer de ponts stratégiques, lorsqu’il réalise finalement que l’ouverture tant attendue du port d’Anvers est essentielle à la poursuite de l’avancée des Alliés. Il confie cette mission à la Première Armée canadienne.

Pendant ce temps, Harry Crerar souffre d’une longue crise de dysenterie et les médecins lui ordonnent de se rendre en Grande-Bretagne pour y être soigné. Il part le 26 septembre et est temporairement remplacé par Guy Simonds. Ce dernier ouvre avec succès la longue voie d’accès à Anvers le long de l’Escaut, qui est sous le contrôle des Allemands.

Bernard Montgomery tente d’empêcher Harry Crerar de retourner au commandement. Harry Crerar lui-même comprend qu’il est préférable de laisser Guy Simonds comme commandant par intérim jusqu’à la fin de la campagne de l’Escaut et il retarde donc son retour à novembre. La promotion d’Harry Crerar au grade de général, le 16 novembre, irrite Bernard Montgomery, mais cette décision est purement canadienne.

Winston Churchill et des officiers supérieurs sur le Rhin
H.D.G. Crerar et la Première Armée canadienne

Rhénanie et libération des Pays-Bas

Bernard Montgomery confie la mission de libérer la Rhénanie à la Première Armée canadienne. L’opération commence le 8 février 1945 et devient rapidement une opération coûteuse en vies humaines pour l’infanterie, mais elle est finalement couronnée de succès. Le 10 mars, les Alliés atteignent le Rhin, le traversent et poursuivent leur progression. Harry Crerar dirige bien ses forces dans ce qui est probablement sa plus belle performance en tant que commandant supérieur. Le général Dwight D. Eisenhower, commandant suprême des forces alliées en Europe, lui envoie une lettre de félicitations.

Les dernières opérations de la Première Armée canadienne sont la libération des Pays-Bas et le ravitaillement en nourriture de sa population affamée. En mars, le 1er Corps canadien arrive d’Italie, réunissant ainsi toutes les unités de l’armée canadienne en Europe. Lorsque l’Allemagne capitule le 5 mai, Bernard Montgomery envoie une lettre de remerciement à Harry Crerar.

Officiers supérieurs alliés aux Pays-Bas

Après la Deuxième Guerre mondiale

À la fin de la guerre, Harry Crerar retourne au Canada en août et il prend sa retraite l’année suivante pour aller vivre à Ottawa. Il disparait presque immédiatement de la mémoire collective, ce dont il est en partie responsable puisqu’il décline des offres de postes civils supérieurs.

À la fin des années 1940, le gouvernement envoie Harry Crerar en mission diplomatique, notamment à Hong Kong, en Chine et au Japon. Il tente sans succès d’obtenir une nomination au Sénat. Il se retire largement de la vie publique, même s’il estime qu’il devrait être consulté sur les grandes questions nationales. Il continue de prononcer des discours, dont beaucoup sont en faveur de la conscription et de l’éducation militaire, des sujets qui sont en décalage avec une opinion publique épuisée de la guerre.

Au cours de la dernière décennie de sa vie, la santé d’Harry Crerar est mauvaise santé et il meurt dans une relative obscurité.

Le général Crerar et le capitaine Swan
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