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Membres des familles royales au Canada pendant la Deuxième Guerre mondiale

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, des membres des familles royales du Royaume-Uni et d’Europe ont trouvé refuge au Canada pendant des semaines, des mois et même des années. Le comte et la comtesse d’Athlone, qui ont servi comme gouverneur général et consort vice-royale pendant la guerre, étaient tous deux apparentés au roi George VI. Ils ont accueilli à Rideau Hall des membres des familles royales déplacés pendant l’occupation nazie en Europe. Ces membres de familles royales européennes en exil ont rencontré des résistants et des civils de leur pays d’origine. Ils ont aussi demandé aux dirigeants politiques du Canada et des États-Unis d’aider leurs nations. Les frères du roi George VI ont également visité le Canada pendant la guerre. Un ancien prince allemand a même été détenu dans un camp de prisonniers de guerre au Québec. Voici 16 membres de familles royales qui ont séjourné au Canada pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Le comte d'Athlone

Alexander Cambridge, comte d’Athlone

C’est lors de la tournée royale de 1901 qu’Alexander Cambridge, comte d’Athlone, un oncle du roi George VI, visite le Canada pour la première fois. Il est accompagné de son beau-frère, le futur roi George V, et de sa sœur, la reine Mary. Pendant la Première Guerre mondiale, il est pressenti pour le poste de gouverneur général du Canada, mais il sert plutôt sur le front occidental en Europe. En 1940, le comte d’Athlone devient gouverneur général du Canada à la mort soudaine de lord Tweedsmuir. Il est le dernier membre de la famille royale à occuper ce poste. À la Citadelle, résidence vice-royale à Québec, le comte accueille les conférences de Québec de 1943 et de 1944. Le premier ministre britannique Winston Churchill, le président américain Franklin Roosevelt et le premier ministre du Canada William Lyon Mackenzie King s’y retrouvent pour élaborer la stratégie alliée contre l’Allemagne et le Japon. Tout au long de la guerre, le comte d’Athlone parcourt le Canada à bord d’un train emprunté par le roi George VI et la reine Elizabeth lors de visite royale de 1939. Accompagné de son épouse, la princesse Alice comtesse d’Athlone, il rencontre des militaires et visite des fabriques de munitions.

Princesse Alice, 1947

Princess Alice, comtesse d’Athlone

La princesse Alice comtesse d’Athlone, petite-fille de la reine Victoria, est consort vice-royale de 1940 à 1946. Elle devient commandante honoraire du Service féminin de la Marine royale du Canada, commandante de l’air honoraire de la Division féminine de l’Aviation royale du Canada et présidente des divisions des soins infirmiers de la Brigade de l’Ambulance Saint-Jean. En 1966, elle écrit ses mémoires, For My Grandchildren: Some Reminiscences of Her Royal Highness Prince Alice, dans lesquelles elle évoque son séjour au Canada en tant que consort vice-royale. La princesse Alice se souviendra plus tard que la principale préoccupation du couple était les usines de guerre, qu’ils visitent à répétition. Selon elle, « tout le pays s’est lancé tête première dans l’effort de guerre et c’était très inspirant d’y être à ce moment-là ». Cousine de la reine Wilhelmina des Pays-Bas (leurs mères étant sœurs), la comtesse d’Athlone offre un refuge canadien à la famille royale néerlandaise pendant l’occupation des Pays-Bas par l’Allemagne nazie.

La royauté néerlandaise

Princesse héritière Juliana, princesse Beatrix et princesse Irene des Pays-Bas

La reine Wilhelmina des Pays-Bas, sa fille la princesse héritière Juliana, son gendre le prince Bernhard de Lippe-Biesterfeld et ses petites-filles la princesse Beatrix et la princesse Irene s’enfuient au Royaume-Uni après l’invasion nazie des Pays-Bas le 10 mai 1940. Le mois suivant, la princesse Juliana et ses deux jeunes filles, Beatrix et Irene, arrivent à Ottawa. Elles s’installent à Rideau Hall avec le comte et la comtesse d’Athlone, tandis que la reine Wilhelmina et le prince Bernhard restent auprès du gouvernement néerlandais en exil à Londres.

Juliana est déterminée à ce que ses filles vivent une vie ordinaire au Canada. Elle déclare à la radio : « Vous les verrez parmi vous. Vous les verrez assez souvent ». La princesse héritière Juliana déménage à Stornoway avec sa famille en 1941. Ses filles fréquentent l’école publique Rockcliffe Park, où on surnomme Beatrix « Trixie Orange ». Alors qu’elle élève ses enfants, Juliana se rend aux États-Unis et aux Antilles néerlandaises dans les Caraïbes, dirige la Croix-Rouge néerlandaise à l’étranger et fait du bénévolat dans une boutique de vente d’objets d’occasion qui amasse des fonds pour l’effort de guerre. Après la Deuxième Guerre mondiale, elle envoie plus de 100 000 bulbes de tulipes à Ottawa pour remercier les Canadiens d’avoir contribué à la libération des Pays-Bas de l’occupation nazie et d’avoir offert un refuge à sa famille en temps de guerre.

La petite princesse Margriet

Princesse Margriet des Pays-Bas

Le 19 janvier 1943, la troisième fille de la princesse héritière Juliana, la princesse Margriet Francisca, naît à l’Hôpital Civic d’Ottawa. Le comte d’Athlone déclare que l’aile de la maternité deviendra temporairement extraterritoriale pour que l’enfant ne possède que la citoyenneté néerlandaise. Margriet tient son nom des marguerites portées par les membres de la résistance néerlandaise. En l’honneur de la naissance de l’enfant royale, le drapeau néerlandais est hissé sur la Tour de la Paix sur la Colline du Parlement, et les cloches carillonnent l’hymne national néerlandais. Le 29 juin 1943, on baptise la petite princesse à l’église presbytérienne St Andrew’s, à Ottawa. Le premier ministre William Lyon Mackenzie King assiste à la cérémonie. Parmi ses parrains et marraines figurent le comte d’Athlone et la princesse héritière Märtha de Norvège.

Eleanor Roosevelt et la royauté européenne

Prince héritier Olav et princesse héritière Märtha de Norvège

Après l’invasion nazie de la Norvège et le refus du roi Haakon VII de se rendre, les puissances alliées évacuent la famille royale norvégienne. Le roi Haakon VII et son fils unique, le prince héritier Olav, sont amenés au Royaume-Uni à bord d’un navire de guerre britannique. Pendant ce temps, la princesse héritière Martha et ses enfants, la princesse Ragnhild, la princesse Astrid et le prince Harald (l’actuel roi Harald V de Norvège), trouvent refuge en Suède, sa terre natale, puis en Finlande. Ils sont ensuite évacués vers les États-Unis par le navire de transport de l’armée américaine, l’ American Legion. Le prince héritier et la princesse héritière de Norvège passent une grande partie de la guerre de part et d’autre de l’océan Atlantique. Ils se rendent toutefois ensemble au Canada pour rencontrer des marins, des pilotes, des civils et des résistants norvégiens qui s’entraînent au Canada. En 1941, Olav et Märtha deviennent les premiers membres d’une famille royale à se rendre à Lunenburg, en Nouvelle-Écosse, pour rencontrer des marins et des civils au camp Norway. Ils inaugurent également la base d’entraînement Petite Norvège de l’armée de l’air norvégienne, à Muskoka en 1942, et assistent aux cérémonies de clôture en 1945. À Ottawa, le prince héritier et la princesse héritière de Norvège sont accueillis par le comte et la comtesse d’Athlone à Rideau Hall.

Duc et duchesse de Windsor

Ce ne sont pas tous les visiteurs royaux qui reçoivent un accueil aussi chaleureux du comte et de la comtesse d’Athlone que les familles royales néerlandaises et norvégiennes. Lorsque le duc de Windsor (l’ancien roi Édouard VIII) exprime le souhait de passer des vacances dans son ranch en Alberta avec la duchesse de Windsor (l’Américaine Wallis Simpson, deux fois divorcée), le comte d’Athlone écrit au roi George VI : « J’espère seulement qu’il ne viendra pas ici ». Le duc et la duchesse de Windsor ne se rendent ni à Ottawa ni chez les Athlone. En septembre 1941, ils prennent un vol direct pour l’aéroport de Calgary depuis les États-Unis, puis se rendent en voiture au ranch E.P. (Edward Prince) à High River, escortés par la GRC. Pendant leur séjour en Alberta, ils rencontrent des dirigeants autochtones et visitent des organisations féminines locales. Le duc de Windsor apprécie cette visite de neuf jours, mais la duchesse a, paraît-il, froid sous la pluie et a hâte de retourner aux Bahamas, où le duc est gouverneur. Le couple ne retourne pas en Alberta avant 1950, mais il passe des vacances au Nouveau-Brunswick en 1945.

Duc de Kent

Prince George, duc de Kent

Contrairement au duc de Windsor, son jeune frère, le prince George, duc de Kent, visite le Canada en mission officielle. Il y passe six semaines à l’été 1941, dans le cadre d’une visite très médiatisée pour inspecter le Programme d’entraînement aérien du Commonwealth britannique, visiter des fabriques de munitions et d’avions, et remercier les Canadiens pour leurs contributions à l’effort de guerre. Il écrit à son frère le roi : « Le Canada a fait du bon travail ». Le duc de Kent est le premier membre de la famille royale à se rendre au Canada par avion, effectuant un vol transatlantique de 16 heures à bord d’un bombardier. Lors de son séjour au Canada, il visite Ottawa, Winnipeg, Regina, Calgary, Edmonton, Victoria, Vancouver, Toronto, Montréal et Québec en hydravion. Il est bien accueilli par les Canadiens. Son hydravion doit atterrir à Montréal en raison du mauvais temps, puis des vents le renversent et il coule juste après son amerrissage pour une séance publique à Québec. Le duc de Kent meurt dans un accident d’avion de la Royal Air Force en Écosse en 1942.

Impératrice Zita et ses enfants

Ancienne impératrice Zita d’Autriche-Hongrie

Pour la royauté européenne francophone, le Québec est un lieu de refuge et de résistance pendant la Deuxième Guerre mondiale. En 1940, après l’invasion nazie, l’ancienne impératrice Zita d’Autriche-Hongrie (née princesse Zita de Bourbon-Parme et élevée au château de Chambord en France) fuit la Belgique, où certains de ses enfants fréquentent l’Université catholique de Louvain. Elle s’installe à la villa Saint-Joseph, à Québec, avec l’aide du cardinal Villeneuve. Trois de ses huit enfants, l’archiduc Carl-Louis, l’archiduc Rodolphe et l’archiduchesse Charlotte s’inscrivent à la faculté des sciences sociales de l’Université Laval pour poursuivre leurs études postsecondaires. Sa fille cadette, Elisabeth, termine ses études secondaires au Collège Jésus-Marie de Sillery. Après la guerre, Zita effectue une tournée au Canada et aux États-Unis afin de recueillir des fonds pour l’Autriche dévastée par la guerre.

Grande-duchesse Charlotte de Luxembourg

Grande-duchesse Charlotte de Luxembourg, prince Félix de Bourbon-Parme et leur fils, grand-duc Jean

L’un des frères de Zita, le prince Félix de Bourbon-Parme, est marié à la grande-duchesse Charlotte de Luxembourg. La grande-duchesse Charlotte, le prince Félix et leurs six enfants se réfugient au Québec après l’occupation du Luxembourg par les nazis. Le gouvernement luxembourgeois en exil est basé à Montréal, et la famille grand-ducale s’installe dans une ferme à l’extérieur de la ville. Le fils aîné du couple, Jean (grand-duc de Luxembourg de 1964 à 2000), étudie le droit et les sciences politiques à l’Université Laval. Il s’engage ensuite dans l’armée britannique et participe à la libération du Luxembourg. Depuis le Québec, Charlotte se rend fréquemment aux États-Unis pour rencontrer le président Franklin Roosevelt et des membres de la diaspora luxembourgeoise en Amérique du Nord. La famille grand-ducale de Luxembourg se souvient affectueusement de son séjour au Québec. En 2022, l’arrière-petit-fils de la duchesse Charlotte, le prince héritier Guillaume, se rend à Toronto dans le cadre d’une mission commerciale au Canada. Dans un discours prononcé à l’hôtel InterContinental de Toronto, il se souvient : « Mon grand-père, feu le grand-duc Jean, nous racontait des anecdotes sur la période canadienne de ma famille et sur le plaisir qu’ils avaient eu à y séjourner malgré les circonstances difficiles ». La rue Luxembourg à Québec porte le nom de la grande-duchesse Charlotte.

Prince Frédéric de Prusse

Le prince Frédéric de Prusse, petit-fils de l’ancien empereur Guillaume II d’Allemagne, séjourne également au Québec pendant la Deuxième Guerre mondiale. Étudiant à l’université de Cambridge au début des hostilités, Frédéric est arrêté lors d’une rafle générale d’étrangers ennemis en Grande-Bretagne en mai 1940. Il est d’abord interné sur l’île de Man, puis envoyé au Canada à bord du MS Ettrick en juillet. En 1945, le Toronto Daily Star rapporte qu’il « prend son tour avec les autres internés pour nettoyer les ponts ». Il passe six mois dans des camps d’internement pour étrangers ennemis à Québec et à Farnham. Il est élu à deux reprises chef de camp par ses compagnons de détention. À la suite de la révision de son dossier par le ministère britannique de l’Intérieur et de l’intercession de la reine Marie, Frédéric est libéré et autorisé à retourner au Royaume-Uni en décembre 1940.

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