Norval Morrisseau (aussi appelé Miskwaabik Animiiki en anishinaabemowin, qui signifie « oiseau-tonnerre de cuivre »), C.M., artiste (né le 14 mars 1931 ou 1932 dans le nord de l’Ontario; décédé le 4 décembre 2007 à Toronto, en Ontario). Norval Morrisseau a été un artiste autodidacte d’ascendance ojibwée. Il est surtout connu pour avoir créé le mouvement artistique de l’art autochtone contemporain nommé « l’école de Woodland ». Sa grande spiritualité et ses liens culturels ont orienté sa carrière, qui s’étend sur cinq décennies. Norval Morrisseau est aujourd’hui considéré comme un pionnier parmi les artistes autochtones contemporains au Canada.
Jeunesse
Norval Morrisseau grandit dans la réserve de Sand Point (aujourd’hui la Première Nation anichinabée Bingwi Neyaashi), sur la rive sud-est du lac Nipigon. Premier d’une fratrie de cinq enfants, il est élevé par ses grands-parents maternels. Son grand-père, chaman, lui transmet la culture et la spiritualité anichinabée, tandis que sa grand-mère lui enseigne la religion catholique. Ces deux visions influenceront grandement son œuvre future.
À six ans, Norval Morrisseau est envoyé au pensionnat indien Saint-Joseph, à Fort William, en Ontario. Les établissements de ce type, qui retirent alors les enfants autochtones de leur famille, interdisent les cérémonies traditionnelles et l’expression culturelle. Plus tard, l’enfant fréquente une école publique non loin de Beardmore, avant de quitter l’école pour de bon à l’âge de 10 ans.
À 19 ans, Norval Morrisseau tombe gravement malade. Sa famille organise une cérémonie de guérison, pendant laquelle il reçoit le nom de Miskwaabik Animiiki, qui signifie oiseau-tonnerre de cuivre. L’oiseau-tonnerre apparaît dans plusieurs de ses œuvres, comme Sans titre (La transformation de l’oiseau-tonnerre), réalisée vers 1958-1960, et Homme se métamorphosant en oiseau-tonnerre (1977), composée de six panneaux.
Mouvement artistique de l’école de Woodland
Norval Morrisseau est à l’origine du style pictographique, communément appelé l’école de Woodland. Ce style est aussi parfois qualifié d’art « rayon X » en raison de sa manière de mettre l’accent sur le contour des personnes, des créatures et des objets. L’école de Woodland, qui fusionne les styles de peinture européens et ojibwés, repose sur l’utilisation de couleurs vives. Bien que Norval Morrisseau peigne principalement sur de l’écorce de bouleau, bon nombre d’artistes après lui peignent sur du bois, des toiles et du papier, avec des matériaux comme l’acrylique, l’aquarelle et la gouache. Plusieurs artistes autochtones bien connus emploient ce style, notamment Daphne Odjig, Jackson Beardy et Alex Janvier.
Début de carrière
En 1962, une amie de Norval Morrisseau, Susan Ross, aborde Jack Pollock de la galerie Pollock de Toronto pour lui parler de l’art du jeune artiste. Après l’avoir rencontré et avoir vu son œuvre, Jack Pollock accepte d’exposer son art. L’artiste devient ainsi le premier Autochtone au Canada à voir son œuvre présentée dans une galerie d’art contemporain. À l’époque, rares sont les Autochtones produisant des œuvres destinées à être incluses et affichées dans la société majoritaire. La plupart des créations autochtones sont analysées d’un point de vue anthropologique et non comme des œuvres d’art moderne.
L’art de Norval Morrisseau attire des critiques mixtes. Alors que certains le qualifient de moderne, d’autres le jugent « primitif ». L’historienne de l’art Carmen Robertson avance même que l’artiste fait l’objet de stéréotypes de la part des critiques d’art et de la presse, qui romancent sa personne et son œuvre en utilisant des clichés, comme celui du « noble sauvage ». Ses peintures de 1964 nommées L’artiste dévoré par des démons et Homme et serpent révèlent probablement ses insécurités en tant qu’artiste autochtone émergeant dans un monde d’art contemporain.
Malgré cela, l’art de Norval Morrisseau continue d’attirer l’attention partout au pays. En 1965, certaines de ses œuvres sont affichées au Glenbow Museum, à Calgary, et sont exposées l’année suivante dans ce qui est aujourd’hui connu comme le Musée national des beaux-arts du Québec. C’est donc dans les années 1960 que le peintre réussit à se positionner comme artiste autochtone contemporain d’importance et à paver la voie aux autres créateurs autochtones.
Réalisations professionnelles
En 1967, Norval Morrisseau est invité à créer une œuvre d’art à l’occasion de l’Expo universelle de Montréal. Elle allait être exposée dans le pavillon des Indiens du Canada. C’est toutefois Carl Ray, ami et collègue de Norval Morrisseau, qui termine son œuvre puisqu’un différend entre ce dernier et les organisateurs de l’événement sur la vision originelle de Morrisseau amène celui-ci à abandonner le projet en signe de protestation.
En 1968, Norval Morrisseau fait sa première exposition internationale à la galerie d’art de Newport, aux États-Unis. L’année suivante, il participe à une autre exposition dans le sud de la France, au retour de laquelle le milieu artistique commence à le surnommer « Picasso du nord ».
Norval Morrisseau est un membre important du groupe Professional Native Indian Artists Inc., aussi connu sous le nom de « Groupe indien des Sept ». Le groupe est le symbole d’une rupture dans la communauté culturelle, politique et artistique. Les membres du groupe demandent notamment à se faire reconnaître en tant qu’artistes et professionnels. Ils remettent en question des modes de pensée désuets et encouragent une nouvelle vision de ce que sont les peuples des Premières Nations et de ce que signifie leur art. En plus de Norval Morrisseau, le groupe est formé de Jackson Beardy, Eddy Cobiness, Alex Janvier, Daphne Odjig, Carl Ray et Joseph Sanchez. Tout comme les autres membres du groupe, l’artiste agit à titre d’éducateur et cherche à faire connaître les artistes autochtones contemporains.
Tout au long de sa vie, Norval Morrisseau lutte contre l’alcoolisme. En 1973, il purge une peine de prison pour ivresse publique à Kenora, ce qui ne l’empêche toutefois pas de peindre. C’est d’ailleurs à ce moment-là qu’il crée l’une de ses œuvres les plus connues, Christ indien (1974). Environ à la même époque, l’artiste est aussi le sujet de deux documentaires de l’Office national du film du Canada intitulés The Colours of Pride (1973) et The Paradox of Norval Morrisseau (1974; v.f. Norval Morrisseau : un paradoxe).
Vers le milieu des années 1970, Norval Morrisseau adopte la spiritualité Eckankar, qui implique de réaliser quelques exercices simples pour « découvrir » ses vérités personnelles et ressentir une puissance supérieure. Selon l’artiste et conservateur Greg Hill, « avec Eckankar, Morrisseau a développé un vocabulaire pour son chamanisme. » Le conteur : l’artiste et son grand-père (1978) démontre bien l’influence de la spiritualité sur son art. Les deux panneaux composant l’œuvre illustrent son grand-père chaman anishinaabeg et une version plus jeune de lui-même, avec un symbole d’Eckankar. Selon les critiques, l’œuvre laisse entrevoir que le peintre percevait ses croyances chamaniques comme différentes de celles de son grand-père. Norval Morrisseau se présente comme artiste-chaman jusqu’à la fin de sa carrière.
En 1984, l’exposition Norval Morrisseau and the Emergence of the Image Makers (Norval Morrisseau et l’émergence des créateurs d’images), au Musée des beaux-arts de l’Ontario, se veut une célébration de son œuvre et de son influence dans le milieu artistique. Tout au long des années 1980, le travail de l’artiste est exposé partout au pays et à l’international. En 1983, Androgynie, une peinture d’environ 3,5 mètres de haut par 6 mètres de large, est suspendue dans le hall du ministère des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien.
Souffrant de la maladie de Parkinson, Norval Morrisseau commence à s’effacer de la scène publique après les années 1980. Il ne sombre néanmoins pas dans l’oubli : une exposition solo lui est dédiée au Musée des beaux-arts du Canada en 2006. Il s’agit alors de la première exposition rétrospective réalisée par un musée pour un artiste autochtone contemporain.
Contrefaçons de l’art de Norval Morrisseau
Au début des années 2000, Norval Morrisseau identifie plusieurs peintures lui étant faussement attribuées qui ont été vendues comme des pièces authentiques. Après son décès, une affaire bien connue de 2018 impliquant Kevin Hearn, le claviériste des Barenaked Ladies, permet de mettre au grand jour un réseau de trafic d’œuvres d’art à Thunder Bay. Lorsque le musicien poursuit une galerie d’art de Toronto pour lui avoir vendu un tableau contrefait de Norval Morrisseau, le dossier est initialement rejeté, mais la Cour d’appel de l’Ontario conclut en 2019 que la galerie d’art était effectivement fautive. La même année, le documentaire There Are No Fakes, réalisé par Jamie Kastner, dénonce l’existence de contrefaçons des œuvres de l’artiste.
Prix et distinctions
- Médaille du centenaire du Canada, Gouverneur général du Canada (1968)
- Membre, Académie royale des arts du Canada (1973)
- Membre, Ordre du Canada (1978)
- Prix pour l’ensemble des réalisations (posthume), Prix national d’excellence décerné aux Autochtones (aujourd’hui prix Indspire) (2008)