Réserves au Nouveau-Brunswick | l'Encyclopédie Canadienne

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Réserves au Nouveau-Brunswick

Le Nouveau-Brunswick compte 31 réserves détenues par 15 Premières Nations (voir aussi Premières Nations au Nouveau-Brunswick). Ces Premières Nations appartiennent à l’un des deux plus grands groupes culturels, soit les Micmacs (Mi’kmaq) ou les Wolastoqiyik (Malécites), qui font eux-mêmes partie de la Confédération Wabanaki. Les noms et les limites des réserves ont changé au fil du temps et certaines réserves n’existent plus ou ne sont pas reconnues par le gouvernement provincial. En 2021, on dénombre 16 985 Indiens inscrits au Nouveau‑Brunswick, dont environ 59 % vivent dans des réserves.

(Carte de l’Encyclopédie canadienne, avec les données de Ressources naturelles Canada offertes en vertu de Licence du gouvernement ouvert – Canada)

Traités de paix et d’amitié

Entre 1725 et 1779, les Britanniques signent une série de traités avec les peuples autochtones de ce qui deviendra le Canada atlantique et le nord-est des États-Unis, nommément les Micmacs (Mi’kmaq), les Wolastoqiyik (Malécites), les Abénakis, les Penobscot et les Pescomody. Désignés sous le nom Traités de paix et d’amitié, ces accords ne contiennent aucune disposition particulière relativement au transfert d’argent ou de terres. Au lieu de cela, les signataires autochtones promettent de vivre en paix avec les Britanniques et, en retour, les Britanniques promettent que les signataires autochtones continueront d’avoir accès aux terres et aux ressources.

Récolte de pommes de terre

Début du colonialisme

La création de réserves au Nouveau-Brunswick commence au XVIIIe siècle et se poursuit jusqu’au XXe siècle. Au cours de cette période, le colonialisme soumet les peuples autochtones à d’intenses pressions. Au début du processus de création des réserves, ce qui est aujourd’hui la province du Nouveau-Brunswick fait encore partie de la colonie de la Nouvelle-Écosse. Le Nouveau-Brunswick devient une colonie distincte de la Nouvelle-Écosse en 1784. Au début des années 1780, à la fin de la Révolution américaine, de plus en plus de loyalistes commencent à s’établir dans les Maritimes. En novembre 1785, ce qui allait devenir le Nouveau‑Brunswick compte 10 824 loyalistes. Les peuples autochtones n’exploitent pas les terres de manière aussi intensive que les colons, ce que ces derniers considèrent comme une justification pour les déposséder. À mesure que les colons empiètent sur les territoires traditionnels de chasse et de pêche, les populations d’espèces sauvages diminuent, et les Micmacs (Mi’kmaq) et les Wolastoqiyik (Malécites) commencent à éprouver de la difficulté à subvenir à leurs besoins. Les peuples autochtones réagissent à ces changements de circonstances en se tournant de plus en plus vers l’agriculture.

De plus, le gouvernement colonial intensifie la pression sur les peuples autochtones pour qu’ils délaissent la chasse et adopte un mode de vie agricole. La Nouvelle‑Écosse réussit à obtenir des subventions en espèces du gouvernement britannique pour encourager les peuples autochtones à pratiquer l’agriculture. Cependant, au Nouveau‑Brunswick, le gouvernement encourage la Compagnie de la Nouvelle-Angleterre à élaborer des plans visant à promouvoir l’élevage au sein des collectivités autochtones. La Compagnie de la Nouvelle-Angleterre est une société missionnaire protestante anglo-protestante qui, après la Révolution américaine, concentre ses activités au Canada.

Permis d’occupation

Dans les années 1780, les permis d’occupation s’imposent comme une méthode standard d’établissement de réserves pour les Premières Nations du Nouveau‑Brunswick, bien qu’elle ne soit pas toujours suivie. Contrairement à la terre en fief simple, sur laquelle le titulaire détient tous les droits de propriété, la terre visée par un permis d’occupation demeure la propriété de la Couronne et ne peut être vendue ni transférée à autrui par les peuples autochtones.

Le précédent pour les permis d’occupation est établi en 1783 lors de la création d’une réserve pour les Micmacs sur la rivière Miramichi par les Britanniques à l’époque de la Révolution américaine. Lorsque les Français s’allient aux Américains, l’amiral français, le comte d’Estaing lance un appel au soulèvement dans les anciennes colonies. Subséquemment, les Micmacs, qui ont l’habitude de s’allier aux Français lors de leurs conflits avec les Britanniques, menacent de tuer tous les colons anglais de la rivière Miramichi. Le chef John Julian et sa collectivité (l’actuelle Nation micmaque de Metepenagiag) interviennent en faveur des colons. La décision de se ranger du côté des Britanniques est calculée. L’équilibre des pouvoirs se déplace en faveur des Britanniques et la collectivité craint des représailles. Elle reçoit en outre de la poudre, des balles et des provisions. Le gouvernement colonial nomme John Julian « chef des Indiens de la Miramichi » pour le récompenser de sa loyauté et réserve 20 000 acres pour sa collectivité.

Lorsque le Nouveau-Brunswick devient une colonie distincte en 1784, le nouveau gouvernement colonial crée un comité des terres chargé de recevoir et d’examiner les demandes de terres. En 1789, il délivre des permis d’occupation pour ce qui devient la réserve d’Eel Ground et, en 1805, pour ce qui devient les réserves de Red Bank, de Big Hole et d’Indian Point. Au fil du temps, le Nouveau‑Brunswick délaisse les permis d’occupation comme méthode de création de réserves, essentiellement parce qu’un permis d’occupation exige des travaux d’arpentage qui ne sont pas rentables. On instaure plutôt une nouvelle politique selon laquelle le secrétaire de la province délivre un certificat, préparé par l’arpenteur des terres du Canada, décrivant brièvement les terres.

En 1810‑1811, le gouvernement du Nouveau‑Brunswick réserve 60 000 acres de terre pour les Micmacs et les Malécites. L’approche du gouvernement en matière de création de réserves consiste à s’assurer que celles-ci n’ont qu’un impact limité sur le peuplement de la colonie. Au fil du temps, plusieurs réserves, comme les réserves de St. Mary et d’Eel Ground Reserve, sont démantelées.

Première Nation d’Elsipogtog

Squatteurs

Bien que des réserves soient créées, nombre d’entre elles ne sont pas arpentées, ce qui rend leurs limites imprécises. En conséquence, les communautés autochtones et le gouvernement du Nouveau-Brunswick sont confrontés au problème des squatteurs. Par exemple, le 28 juin 1788, le lieutenant-gouverneur Thomas Carleton émet un arrêté interdisant aux colons d’occuper des terres à Richibucto. L’arrêté se lit comme suit :

Attendu que Michael Morris Sachem m’a adressé une plainte au nom des Indiens du village de Richibucto, selon laquelle diverses personnes ont tenté de s’établir dans le district dudit village sans aucune autorisation du gouvernement et au grand préjudice des habitants indiens, j’interdis par la présente à toute personne de s’établir ou d’occuper des terres sans l’autorisation du gouvernement ou le consentement des habitants indiens dans les limites dudit village, qui seront déterminées en temps opportun par les arpentages.

De plus, même si les Micmacs et les Malécites ne sont pas autorisés à vendre des terres de réserve, sauf à la Couronne, la famille de John Julian commence à vendre des terres de la réserve d’Eel Ground à des non-autochtones dès 1793. Le 20 octobre 1815, le conseil exécutif du Nouveau‑Brunswick émet un décret interdisant « la vente ou l’échange de terres réservées à l’usage des Indiens […] [et] toute personne commettant une intrusion sur l’une de ces terres sera poursuivie par le procureur général ».

Plusieurs suggestions sont formulées pour faire face à l’empiétement des colons sur les terres de réserve. Par exemple, un rapport de 1839 sur les peuples autochtones du comté de Northumberland recommande la vente de parties de terres de réserve; les fonds devant servir à soutenir les personnes âgées et les personnes handicapées de la collectivité micmaque. Le gouvernement adopte en outre une politique de location de terres aux colons, dont le produit doit être utilisé au profit des Micmacs et des Malécites. En 1841, le gouvernement émet également une autre proclamation ordonnant l’expulsion des squatteurs des terres de réserve.

À la fin des années 1830 et au début des années 1840, le gouvernement colonial cherchant à résoudre le problème des squatteurs sur les terres de réserve, il charge l’avocat Moses Perley de visiter les terres de réserve et de faire rapport de la situation. Ces rapports fournissent une vue d’ensemble des populations des réserves, du mode de vie des occupants autochtones, de la superficie des terres cultivées et de la situation des squatteurs. Par exemple, en parlant des squatteurs à Tobique, Moses Perley déclare que la terre devrait être « judicieusement louée et ses nombreuses ressources développées et rendues disponibles [afin] d’en tirer un revenu suffisant non seulement pour éduquer tous les enfants de la tribu, mais aussi pour les nourrir et les vêtir pendant la durée de cette éducation ».

En 1844, la province du Nouveau‑Brunswick adopte une loi sur la gestion et la disposition des réserves indiennes de la province (An Act to regulate the management and disposal of the Indian Reserves in this Province). Cette loi tente de concilier les intérêts des peuples autochtones du Nouveau-Brunswick et ceux des squatteurs. En vertu de la Loi, les terres de réserve peuvent être louées ou vendues par voie de mise à l’enchère, le produit des ventes étant versé dans un fonds spécial pour les Indiens. Ces fonds visent à venir en aide aux membres des collectivités micmaques et malécites qui sont dans le besoin et à acheter des semences et de l’équipement agricole. Le Fonds des Indiens est en outre considéré comme un moyen d’alléger le fardeau financier que constitue le bien-être des Autochtones sur le budget provincial. Malheureusement, le Fonds des Indiens n’atteint jamais ses buts. En 1865, par exemple, la Nation de Tobique ne reçoit aucune indemnisation pour la perte des terres en vertu de la loi de 1844.

Réserves créées après la Confédération

En 1867, le Nouveau-Brunswick devient une province du nouveau Dominion du Canada et le gouvernement fédéral assume la responsabilité des réserves. La Loi sur les Indiens, adoptée en 1876, confère au gouvernement fédéral un contrôle accru sur les réserves et fixe des paramètres pour la cession des terres de réserve. Cependant, le gouvernement fédéral administre certaines cessions de réserves avant l’adoption de la Loi sur les Indiens. C’est le cas notamment de la réserve de Buctouche qui fait l’objet de trois cessions. Les deux premières, datant de 1870 et de 1871, réduisent sa superficie de 4 665 acres à 350 acres, puis une autre en 1882, qualifiée de « cession informelle ».

Les premiers projets de colonisation se heurtent à la résistance des peuples autochtones. Toutefois, à la fin du XIXe siècle, la plupart des Micmacs s’établissent dans des réserves. Poursuivant les politiques britanniques d’assimilation, le gouvernement canadien encourage les autochtones prospères à quitter les réserves. Un grand nombre de réserves deviennent les sites d’externats.

Pow-wow de la Première Nation d’Esgenoopetitj

Gouvernance des réserves

Le gouvernement fédéral impose un système de gouvernance aux collectivités des Premières Nations (appelées bandes dans la loi) par le biais de la Loi sur les Indiens. Bien que la Loi accorde aux peuples autochtones une certaine participation à l’administration de leurs collectivités, elle ne tient pas compte des différences de chacune d’entre elles. Aujourd’hui, les conseils de bande visés par la Loi sur les Indiens sont généralement élus tous les deux ans et se composent d’un chef, ainsi que d’un conseiller par cent membres de la bande, le nombre de conseillers ne pouvant être inférieur à deux. Au Nouveau-Brunswick, ce système est utilisé par la Première Nation d’Eel River Bar et par la Première Nation de Saint Mary’s.

Les Premières Nations malécites de Buctouche et du Madawaska observent un processus électoral coutumier ou communautaire. En vertu de ce processus, les Premières Nations peuvent créer leur propre code électoral en demandant au ministre des Services aux Autochtones de les soustraire à l’application des dispositions électorales de la Loi sur les Indiens. Les codes électoraux communautaires varient selon les Premières Nations.

Les systèmes de gouvernance des onze autres Premières Nations du Nouveau‑Brunswick relèvent de la Loi sur les élections au sein des Premières Nations. Cette loi, entrée en vigueur en 2015, est élaborée en collaboration avec des organisations des Premières Nations. En vertu de la Loi, les chefs et les conseils ont un mandat de quatre ans.