Article

Jeremiah Jones

Jeremiah « Jerry » Alvin Jones, soldat, fermier et camionneur (né le 30 mars 1858 à East Mountain, en Nouvelle-Écosse; décédé le 23 novembre 1950 à Halifax, en Nouvelle-Écosse). Jeremiah Jones est un soldat canadien noir ayant participé à la Première Guerre mondiale. En 1916, lorsqu’il s’est enrôlé dans l’armée et a été affecté au 106e bataillon, il était âgé de 58 ans (13 ans au-dessus de l’âge limite). En 2010, 60 ans après sa mort, il a reçu le Médaillon des Forces canadiennes pour service distingué pour ses actions héroïques lors de la bataille de la crête de Vimy.

Jeremiah Jones

(avec la permission de Wikimedia CC)


Carrière militaire

Même si les hommes canadiens noirs ne sont pas tout à fait les bienvenus dans les forces armées, certains d’entre eux sont affectés à des unités de combat lors de la Première Guerre mondiale. Parmi celles-ci, on trouve le 106e  bataillon, Nova Scotia Rifles, une unité du Corps expéditionnaire canadien autorisée le 8 novembre 1915.

Dès que le 106e bataillon entame son processus de recrutement, on s’oppose à l’enrôlement de soldats volontaires noirs. Avant qu’un bataillon entièrement noir ne soit autorisé en juillet 1916, environ 16 volontaires noirs sont acceptés dans le 106e bataillon, y compris Jeremiah Jones. (Voir 2e Bataillon de construction.)

En juin 1916, Jeremiah Jones est affecté au 106e bataillon. Même s’il est alors âgé de 58 ans, il inscrit sur ses papiers qu’il est né le 29 mars 1877, ce qui lui donne 39 ans. À l’époque, l’enrôlement est réservé aux personnes âgées de 18 à 45 ans. Cependant, il arrive parfois que des soldats qui dépassent la limite, à l’instar de Jeremiah Jones (qui la dépasse de 13 ans), mentent sur leur âge.

Crête de Vimy

Le soldat est dès lors envoyé à l’extérieur du continent et affecté au Royal Canadian Regiment en France. En avril 1917, il est appelé à se battre au front lors de la bataille de la crête de Vimy. Au cours de la bataille, son unité est encerclée par le feu des mitrailleuses allemandes. Jeremiah Jones se porte donc volontaire pour attaquer le poste de tir des Allemands.

Selon son récit, après avoir atteint l’emplacement des mitrailleuses, il envoie une grenade et tue environ sept soldats ennemis. Les autres soldats décident quant à eux de se rendre.

Il oblige ensuite les soldats allemands à transporter leurs mitrailleuses jusqu’aux lignes canadiennes et à les déposer aux pieds de son commandant.

Jeremiah Jones est blessé lors de la bataille de la crête de Vimy et passe beaucoup de temps à l’hôpital. Il reçoit son congé en 1918 à Halifax, après avoir été jugé médicalement inapte à poursuivre son service militaire.

Jeremiah Jones aurait été recommandé pour l’attribution d’une médaille de conduite distinguée, soit la deuxième plus grande récompense pour bravoure après la Croix de Victoria, en raison de ses actions lors de la bataille de la crête de Vimy. (Voir Médaille.)

Lutte pour la reconnaissance

Comme c’est souvent le cas pour les soldats noirs, la contribution de Jeremiah Jones à la guerre n’est pas reconnue. Le sénateur néo-écossais Calvin Ruck, un de ses amis, cherche pendant plus de 10 ans à convaincre le gouvernement canadien de reconnaître ses actes de bravoure, et ce, même après son décès le 23 novembre 1950.

Le saviez-vous?
En 1986, Calvin Ruck écrit et publie le livre Canada’s Black Battalion: No.2 Construction, 1916–1920, qui raconte l’histoire des anciens combattants noirs de la Première Guerre mondiale. (Voir 2e Bataillon de construction.) En 1993, sa campagne pour une amélioration de la reconnaissance historique du bataillon mène à la création d’un cairn commémoratif à Pictou, en Nouvelle-Écosse.

Alors qu’il milite pour que Jeremiah Jones soit reconnu et récompensé, Calvin Ruck remarque que les conditions raciales en Nouvelle-Écosse et au Canada empêchent bon nombre d’hommes noirs ayant fait leur service militaire de recevoir de la reconnaissance ou une récompense pour leurs actions héroïques au combat.

Les membres de la famille et les descendants du soldat poursuivent alors la lutte pour que son héroïsme soit reconnu. Marie Francis, une des petites-filles de Jeremiah Jones, affirme que son grand-père, que les membres de la famille appellent affectueusement « Daddy Jones », a livré un combat silencieux contre le racisme et a toujours enseigné à ses petits-enfants qu’il n’y a « rien que nous ne puissions faire, nulle part où nous ne puissions aller ».

Médaillon pour service distingué

Soixante ans après le décès de Jeremiah Jones, le 22 février 2010, le gouvernement fédéral lui décerne un médaillon des Forces canadiennes pour service distingué. À la cérémonie, la lieutenante-gouverneure Mayann Francis déclare : « Le soldat Jones a servi de manière honorable même si, en tant qu’homme noir, il n’a pas pu profiter de tous les droits et privilèges accordés aux citoyens blancs. »

Famille

Le 30 mars 1898, Jeremiah Jones épouse Ethel Edna Geraldine Cook, originaire d’Amherst, en Nouvelle-Écosse. Ils demeurent mariés pendant 42 ans, au cours desquels ils donnent naissance à neuf enfants, et sont séparés lorsqu’Ethel rend l’âme en 1940. Le réputé avocat et activiste néo-écossais Burnley Allan « Rocky » Jones (1941-2013) est l’un des petits-enfants du couple.

Le saviez-vous?
Un des petits-fils de Jeremiah Jones, Burnley Allan « Rocky » Jones, voue la majeure partie de sa vie à la défense de la justice sociale pour les personnes noires et autochtones au Canada. Il devient une voix influente dans les domaines des droits de la personne, de la race et de la pauvreté. À titre d’avocat, il se concentre surtout sur ces domaines et défend également les droits des prisonniers.

Héritage

Le 9 septembre 2000, le Fonds du souvenir érige une nouvelle pierre tombale avec tous les honneurs militaires pour Jeremiah Jones.

En 2016, les descendants de Jeremiah Jones se voient offrir une plaque honorifique par Parcs Canada. La photo et l’histoire du soldat sont également présentées lors d’une exposition spéciale à la Citadelle d’Halifax.

Le 11 novembre 2017, Adam Jones, arrière-arrière-petit-fils de Jeremiah Jones, dépose une couronne honorifique lors d’une cérémonie du jour du Souvenir à Ottawa.