Les pensionnats indiens étaient des écoles religieuses qui étaient parrainées par le gouvernement et que de nombreux enfants autochtones ont été forcés de fréquenter. Elles ont été instaurées afin d’assimiler les enfants autochtones à la culture euro-canadienne. Les enfants et les parents autochtones n’ont pas simplement accepté le système des pensionnats indiens. Les peuples autochtones se sont battus contre l’État, les écoles et d’autres principaux intervenants du système, et s’y sont également impliqués. Pendant la durée de l’ère des pensionnats indiens, les parents ont agi dans l’intérêt de leurs enfants et de leurs communautés. Les enfants ont réagi de manière à pouvoir survivre.
Résistance dans les pensionnats indiens
Après avoir été arrachés de leurs familles et placés en institution dans les pensionnats indiens, les enfants réagissent de plusieurs manières différentes. Plusieurs d’entre eux résistent en étant simplement des enfants: malgré les conditions austères auxquelles ils font face, un certain nombre d’entre eux demeurent ludiques, et parfois les superviseurs du pensionnat deviennent le point central de leurs blagues. Certains élèves donnent à leurs superviseurs et leurs enseignants des surnoms déplaisants dans les langues autochtones de leurs communautés.
Augie Merasty, un ancien élève, se souvient que durant la fin des années 1930, au pensionnat indien St. Therese (aussi connu sous le nom de pensionnat indien Guy Indian) en Saskatchewan, « comme à l’habitude, nous avions préparé un mauvais coup dangereux ou nuisible là où elle [la religieuse] était toujours assise sur sa chaise, avec ses yeux perpétuellement vigilants. […] Nous avions placé des petits clous sous la carpette qui servait de coussin, avec les pointes vers le haut pour s’assurer qu’au moins quelques-uns d’entre eux transperceraient lorsqu’elle poserait ses grosses fesses sur sa chaise. »
D’autres formes de mauvaise conduite, comme le vandalisme, le non-respect des règlements et les batailles de nourriture, sont courantes. Les délits mineurs préoccupent les responsables du pensionnat, mais les enfants sont également impliqués dans des délits plus graves, comme les incendies volontaires. Certains élèves croient qu’en agissant de cette façon, ils seront expulsés du pensionnat par le directeur, et qu’ainsi ils seront renvoyés chez eux, dans leurs familles.
L’amitié comme forme de résistance
À leur arrivée au pensionnat indien, les enfants autochtones sont souvent séparés, d’abord par dénomination religieuse, ensuite par sexe, et par âge. Pour cette raison, les frères et les sœurs sont souvent séparés les uns des autres. Comme ils ont été enlevés de leurs maisons et de leurs familles, ils trouvent la vie en institution extrêmement solitaire. Mais plusieurs enfants créent des liens d’amitié très forts avec les autres enfants du pensionnat indien. Les enfants plus vieux protègent les plus jeunes: ils donnent des conseils aux jeunes filles au sujet de leurs premières règles, et ils volent de la nourriture pour s’assurer que personne ne se couche avec la faim au ventre.
Bien que les relations intimes entre élèves soient strictement interdites dans les pensionnats, certains des enfants plus vieux trouvent des moments et des endroits privés pour s’y adonner. Ils conçoivent des plans pour communiquer avec leurs partenaires, comme laisser des lettres dans des endroits secrets (dans les bibles, par exemple), ils volent les émetteurs-récepteurs des superviseurs ou ils se faufilent dans le dortoir de leur partenaire intime. Lors des événements nationaux de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, plusieurs survivants rayonnaient lorsqu’ils ont été réunis avec les vieux amis, les camarades et les amants qu’ils ont connus alors qu’ils étaient tous en institution au pensionnat indien.
La culture comme forme de résistance
L’un des principaux objectifs du système des pensionnats indiens est d’éradiquer les cultures autochtones. Dans de nombreux cas, les pensionnats et leur personnel ont réussi. Cependant, de petits groupes d’élèves continuent de pratiquer leurs cultures alors qu’ils sont en institution, dans un effort pour résister à l’assimilation. Parler sa langue autochtone est une façon de résister; plusieurs enfants font bien attention de ne parler leur langue qu’en secret, parce qu’ils sont punis de violence physique s’ils se font prendre.
« Mes amis et moi étions cachés derrière les bâtiments et nous parlions le loucheux. Comme j’étais au pensionnat depuis peu de temps, je n’avais pas oublié le loucheux, mais plusieurs enfants qui y étaient depuis plus longtemps avaient oublié, » se souvient Johnny Tetlichi, qui se cachait derrière le pensionnat indien All Saints, dans les Territoires du Nord-Ouest, pour parler en dinjii zhuh ginjik avec ses amis (voir Gwich'in).
D’autres élèves peignent et dessinent des images de leurs camps de pêche le long de l’eau et des tipis sur les Plaines afin de maintenir la visibilité de leurs cultures (voir Peuples autochtones des Plaines au Canada). Certains pensionnats enseignent aux enfants comment tanner les peaux de chevreuil et d’orignal. Une grande partie de ce programme est incorporé grâce aux parents autochtones qui se sont fait entendre. Les jeunes filles et jeunes femmes faisaient de la couture et du perlage selon les coutumes que leurs mères leur ont enseignées. Dans le Nord, où les vêtements du sud ne sont pas assez chauds pour les hivers longs et glaciaux de la région, les responsables du pensionnat permettent aux élèves de porter leurs parkas, leurs vêtements de fourrure et leurs mukluks (voir Peuples autochtones de l’Arctique au Canada).
Fuir le pensionnat indien
En dernier recours, certains enfants fuient l’environnement oppressant des pensionnats indiens. En s’enfuyant, ils réagissent à leurs misérables conditions de vie de manière très physique et viscérale. Parfois, s’ils parviennent à leur maison ou à la maison d’un proche, leur famille les renvoie au pensionnat par peur de représailles de la part des délégués indiens locaux. D’autres enfants sont retrouvés par les directeurs, les missionnaires ou les délégués indiens.
Mais il y a ceux qui, tout en essayant de se protéger, connaissent une fin déplorable. Bernard Andreason et Lawrence Jack Elanik, deux enfants inuvialuits de 11 ans, ainsi que Dennis Dick, un enfant de 13 ans, sont en institution à Stringer Hall, à Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest. En 1972, ces trois enfants s’enfuient. Ils ont prévu de marcher de Inuvk à Tuktoyaktuk, une distance d’environ 150km. Lawrence Jack Elanik meurt tragiquement en chemin, et le corps de Dennis Dick n’est jamais retrouvé. Après avoir marché seul pendant près de deux semaines, Bernard Andreason est au bord de la famine et perd connaissance au pied d’un pingo. Il est finalement secouru et ramené par avion à un hôpital d’Inuvik.
Résistance parentale
La fréquentation des pensionnats indiens est obligatoire en vertu de la Loi sur les Indiens et d’autres lois. Mais les parents autochtones protestent contre l’état de l’éducation et des conditions de vie de leurs enfants autant que ceux-ci. Certains parents gardent leurs enfants à la maison malgré les conséquences possibles d’emprisonnement, de lourdes amendes ou de renonciation aux versements d’allocation familiale.
Au début des années 1920, la fille du chef Julius Salu des Teetł’it Gwich’in meurt au pensionnat indien St. Peter’s, à Hay River dans les Territoires du Nord-Ouest. Après avoir décidé qu’aucun enfant de sa communauté Teetł’it Zheh ne serait de nouveau envoyé au pensionnat indien, il déclare: « Si quelqu’un doit aller en prison pour cette raison, j’irai. » Les parents pétitionnent auprès du gouvernement fédéral et des églises afin que plus d’externats soient construits dans leurs communautés. Ils créent également des organisations politiques nationales, y compris ce qui est maintenant l’Assemblée des Premières Nations, pour représenter leurs intérêts. Les parents font état de leurs critiques sur des sujets plus vastes lors de forums publics, tels que la Commission d’enquête Berger (voir Thomas Rodney Berger), et un bon nombre d’entre eux (ainsi que plusieurs de leurs enfants) obtiennent des postes clés au sein du système politique canadien afin de changer les choses à partir de l’intérieur.
Importance et héritage
Les peuples autochtones continuent de résister au système des pensionnats indiens de plusieurs façons. Certaines personnes, par exemple, considèrent que les services canadiens de la protection de l’enfance sont le « nouveau pensionnat indien », et Cindy Blackstock, érudite et activiste gitxsan, travaille sans relâche en tant que défenseure des enfants autochtones et de leurs parents. De nombreux survivants ont témoigné et ont documenté leurs histoires afin que les Canadiens puissent mieux comprendre les expériences des survivants et la pleine influence du système des pensionnats indiens. Des douzaines de mémoires et de récits vécus au sujet du système sont en circulation aujourd’hui ( voir Cheval Indien).
Cependant, le racisme et les inégalités systémiques persistent, et de nombreuses personnes autochtones continuent de lutter avec les traumatismes vécus et le traumatisme intergénérationnel. De nos jours, de brillants et hautement qualifiés chefs, politiciens, enseignants de langue, professionnels, artistes, gardiens du savoir, Aînés et jeunes autochtones travaillent à garantir que les générations futures d’autochtones ne subiront pas d’injustices historiques.