Le Nunatsiavut (un mot qui signifie « notre belle terre » en inuktitut), situé dans la partie septentrionale de la péninsule du Labrador et qui s’étend sur 72 520 km² sur terre et sur 44 030 km² sur mer, est le territoire sur lequel ont toujours vécu les Inuits du Labrador (également appelés Labradormiuts). Le 1er décembre 2005, ils ont fêté la création du gouvernement du Nunatsiavut, leur propre gouvernement régional, au sein de la province de Terre‑Neuve‑et‑Labrador. Les Labradormiuts sont devenus, à cette occasion, les premiers Inuits au Canada à parvenir à l’autonomie gouvernementale. Sur les quelque 6 500 personnes concernées par cette évolution politique (appelées des bénéficiaires), environ 2 500 vivent dans la zone de peuplement au sein de cinq collectivités, à savoir Rigolet, Postville, Makkovik, Hopedale (la capitale législative) et Nain (la capitale administrative).
Histoire
Les Nunatsiavummiuts (un terme qui signifie « peuple du Nunatsiavut » en inuktitut) sont les descendants des premiers Inuits (Thulé), des chasseurs attirés vers le nord du Labrador par l’abondance de la faune locale. Jusqu’en 1771, date à laquelle des missionnaires moraves établissent une présence permanente au Labrador, les Inuits vivent une vie nomade. Les missionnaires introduisent alors le christianisme et un nouveau système d’échanges commerciaux, qui va radicalement changer la culture et le mode de vie des Inuits. Malheureusement, leur arrivée provoque également des maladies qui anéantissent pratiquement des communautés entières.
Lorsque Terre‑Neuve rejoint la Confédération en 1949, les services aux Inuits sont repris par le gouvernement provincial. Les enfants inuits sont, au cours de cette période, à l’instar d’autres enfants autochtones, victimes du système des pensionnats indiens. Dans les années 1950, sans consultation préalable, le gouvernement décide de fermer plusieurs collectivités inuites et de déplacer tous les Inuits plus au sud. En dépit des nombreux événements traumatiques qu’ils ont subis, la résilience des Inuits du Labrador les amène à décider, dans les années 1970, que le moment est venu de prendre leur destin en main (voir Autonomie gouvernementale des Autochtones au Canada).
Création du Nunatsiavut
En 1973, la Labrador Inuit Association (LIA) est créée en tant qu’organisation régionale affiliée à l’Inuit Tapirisat du Canada (aujourd’hui connue sous le nom d’Inuit Tapiriit Kanatami ou ITK). La formation de la LIA a pour objectif de promouvoir la culture inuite, d’améliorer la santé et le bien‑être des Inuits du Labrador, de protéger leurs droits constitutionnels, démocratiques et de la personne, et de faire progresser leurs revendications territoriales. La LIA est constituée et officiellement reconnue le 26 mars 1975 (afin de marquer l’importance de la LIA dans l’histoire du Nunatsiavut, le 26 mars y est désormais un jour férié). En 1977, la LIA dépose une revendication territoriale auprès du gouvernement provincial de Terre‑Neuve‑et‑Labrador et du gouvernement fédéral du Canada. Les négociations débutent en 1988. En juin 2001, un accord de principe est trouvé, qui sera ratifié par 76 % des électeurs admissibles, le 26 mai 2004. Le 6 décembre 2004, le gouvernement provincial promulgue la Loi sur l’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador. Enfin, le 23 juin 2005, l’accord est approuvé au Sénat et obtient la sanction royale de la gouverneure générale du Canada.
Le 1er décembre 2005, lorsque leur constitution est officiellement adoptée et que le gouvernement du Nunatsiavut, leur propre gouvernement régional à Terre‑Neuve‑et‑Labrador, est créé, les Nunatsiavummiuts deviennent les premiers Inuits au Canada à parvenir à l’autonomie gouvernementale. Les membres du conseil d’administration de la LIA forment alors un gouvernement intérimaire.
Le gouvernement du Nunatsiavut représente environ 6 500 Inuits du Labrador. Lors du Recensement de 2016, 2 558 personnes ont déclaré vivre dans les cinq collectivités du Nunatsiavut : 1 125 personnes à Nain, la capitale administrative; 574 personnes à Hopedale, la capitale législative; 377 personnes à Makkovik; 305 personnes à Rigolet, dont on dit qu’elle est la collectivité inuite la plus australe au monde; et 177 personnes à Postville. Un gouvernement de communauté inuite (GCI) est mis en place pour chacune de ces collectivités. Chaque GCI est dirigé par un AngajukKâk (chef communautaire), qui siège à l’Assemblée du Nunatsiavut.
Si une région urbaine du Canada, à l’extérieur du Nunatsiavut, abrite 10 % ou plus de tous les Inuits du Labrador, le gouvernement du Nunatsiavut doit y mettre en place un GCI. Il existe actuellement deux GCI de ce type, le GCI de NunaKatiget et le GCI de Sivunivut, représentant, respectivement, les bénéficiaires vivant à Valley‑Goose Bay/Mud Lake et à North West River/Sheshatshiu.
Parlement et assemblée du Nunatsiavut
La Constitution des Inuits du Labrador, approuvée par référendum en 2002, contient les principes fondateurs et les orientations régissant la gouvernance du Nunatsiavut. L’inuttut (une variante de l’inuktitut) et l’anglais sont, toutes deux, des langues officielles du Nunatsiavut. Le drapeau du Nunatsiavut est celui qui avait été originellement adopté, au début des années 1970, par la Labrador Inuit Association (LIA). Il représente un inuksuk (empilement de pierres traditionnel) blanc, vert et bleu, reproduisant les couleurs du drapeau du Labrador.
La première assemblée élue du Nunatsiavut prête serment le 17 octobre 2006. Depuis septembre 2012, l’Assemblée siège au nouveau bâtiment législatif de Hopedale. Cet édifice, totalement original, a été conçu par l’artiste local Sonny « Boy » Winters. Il intègre, dans son architecture, divers éléments de la culture inuite du Labrador. Par exemple, l’entrée est en forme d’igloo et les sols sont carrelés de labradorite, un minéral que l’on trouve près de Nain, nommé ainsi par les missionnaires moraves. Une légende raconte que la labradorite reflète les couleurs des aurores boréales une fois qu’elles y ont été capturées. Les membres de l’Assemblée siègent autour d’une table en forme d’ulu, et un inuksuk vert trône au sommet du toit.
Afin de veiller à ce que l’administration opérationnelle et la politique gouvernementale du Nunatsiavut soient indépendantes l’une de l’autre, le Parlement fonctionne par consensus plutôt qu’en vertu d’un système de partis, en vigueur aussi bien à l’échelon fédéral qu’aux échelons provinciaux et territoriaux. L’Assemblée du Nunatsiavut est composée :
- Du président du Nunatsiavut;
- De dix membres ordinaires (deux pour Nain, un pour Hopedale, un pour Makkovik, un pour Rigolet, un pour Postville, deux pour les Inuits du Labrador vivant dans la circonscription d’Upper Lake Melville [représentant Happy Valley‑Goose Bay, North West River et Mud Lake] et deux pour les Inuits du Labrador résidant ailleurs au Canada);
- Des AngajukKâk de chacune des cinq collectivités du Nunatsiavut;
- Des présidents des deux sociétés communautaires inuites (SCI).
Étant donné que le Nunatsiavut est régi par un modèle ethnique de gouvernance, les électeurs aux élections générales doivent être des Inuits du Labrador (bénéficiaires) âgés de 16 ans ou plus, et vivre au Canada. Seul le président est élu par tous les électeurs admissibles du Nunatsiavut. Les membres ordinaires de chaque gouvernement de communauté inuite (GCI), ainsi que son chef (AngajukKâk), sont élus par les résidents des collectivités concernées.
Ministères du gouvernement du Nunatsiavut
Même si le Nunatsiavut fait toujours partie de la province de Terre‑Neuve‑et‑Labrador, le gouvernement du Nunatsiavut a autorité sur plusieurs domaines. Il peut, par exemple, légiférer et faire appliquer la législation. Il est également en mesure de définir des politiques et de les traduire en programmes et en services destinés aux bénéficiaires et aux résidents.
Il y a, aujourd’hui, sept ministères au Nunatsiavut :
- Culture, loisirs et tourisme;
- Éducation et développement économique;
- Finances, ressources humaines et technologies de l’information;
- Santé et développement social;
- Terres et ressources naturelles;
- Affaires du Nunatsiavut (gestion globale du gouvernement du Nunatsiavut, Registraire des bénéficiaires, Services juridiques, Relations communautaires, Logement, Justice communautaire et Domaine public);
- Secrétariat du Nunatsiavut (conseils et soutien administratif au Conseil exécutif du Nunatsiavut, activités de planification et de gestion stratégiques pour le gouvernement du Nunatsiavut, relations intergouvernementales et activités de communication).
Économie
Le Nunatsiavut Group of Companies (NGC) est la branche commerciale du gouvernement du Nunatsiavut. Sa mission est de créer de la richesse pour les bénéficiaires en détenant, en fiducie, des entreprises rentables et durables.
Nunatsiavut Construction (projets résidentiels et commerciaux de construction), Nunatsiavut Marine (transport maritime de personnes et de marchandises) et Nuluak (propriétaire des quotas de pêche de crevettes, de flétans noirs également appelés turbots du Groenland et de flétans de l’Atlantique) comptent parmi les entreprises détenues à 100 % par le NGC, qui est également associé dans Air Borealis (transport aérien de passagers et de fret) et dans Universal Helicopters.
Le gouvernement du Nunatsiavut, la mine de la baie Voisey (un gisement de nickel découvert près de Nain en 1993, dont près de 50 % des quelque 500 employés sont des Innus ou des Inuits et dont environ 80 % des contrats sont conclus avec des entreprises innues et inuites), la Torngat Fish Producers Co‑operative et les écoles de chaque collectivité font partie des principaux employeurs du Nunatsiavut.
Géographie
Situé à la pointe nord‑est de l’Amérique du Nord, à l’endroit où le détroit de Davis rencontre la mer du Labrador, le Nunatsiavut, qui s’étend sur une superficie de 72 520 km² de terre (soit l’équivalent du Nouveau‑Brunswick ou de l’Écosse) et de 44 030 km² de mer, est le plus méridional de tous les territoires inuits. Les Inuits du Labrador possèdent 15 800 km2 de ces terres et ont des droits miniers, marins et fonciers spéciaux dans les zones restantes.
Le parc national des Monts‑Torngat, qui s’étend sur 9 700 km2 à l’extrémité septentrionale de la péninsule du Labrador, est créé dans le cadre de l’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador. Le 1er décembre 2015, lors de la création du Nunatsiavut, le nouveau parc national est présenté, par les Inuit du Labrador, comme un cadeau à l’ensemble de la population du Canada.
Le mont Caubvick, la plus haute montagne du continent canadien à l’est des Rocheuses, fait partie des monts Torngat, situés dans la partie nord du Nunatsiavut.
Culture
Bien que moins de 3 000 personnes vivent actuellement au Nunatsiavut, cette terre joue toujours un rôle éminent au cœur de la culture des Inuits du Labrador (Labradormiuts). Beaucoup de Labradormiuts continuent de chasser, de pêcher ou de récolter des baies et des herbes, conformément au mode de vie traditionnel des Inuits.
Le 21 novembre 2019 marque un nouveau jalon historique pour le Nunatsiavut, avec l’ouverture de son centre culturel, Illusuak (« hutte en terre »). Situé à Nain, il a pour mission de préserver la langue, l’histoire et la culture du peuple du Nunatsiavut. Le président du Nunatsiavut, Johannes Lampe, a évoqué, en ces termes, l’importance du nouveau centre culturel :
En comprenant d’où ils viennent, et comment ils ont survécu en tant que peuple, les Inuits du Labrador et, en fait, le reste du monde, percevront mieux leur identité personnelle et culturelle inscrite dans une culture qui continue à évoluer au sein d’une société moderne.